Après le Mediator : assurer l’aléa médicamenteux
Indemnisation et poursuites judicaires
L’affaire du Mediator conduira à des procédures judiciaires longues et incertaines, l’écheveau des responsabilités légales étant assez complexe à démêler entre les laboratoires Servier, accusés d’avoir usé de rétention d’information et abusé de procédés dilatoires pour maintenir leur produit sur leur marché, d’avoir aussi utilisé leur influence auprès des pouvoirs politiques, des experts, des faiseurs d’opinion dans le milieu médical pour obtenir une indication- le diabète- qui n’apparaissait pas justifiée ; l’Etat, à travers l’Agence de Sécurités des produits de santé (AFSSAPS) qui a laissé le Mediator sur le marché en France jusqu’en 2007 alors que, par exemple, il avait été interdit en Belgique en 1999 et retiré en Italie en 2004 et en Espagne en 2005 ; de toute évidence, la pharmacovigilance n’a pas fonctionné ; enfin, les médecins prescripteurs : 50% des prescriptions de Mediator se faisaient en dehors des prescriptions autorisées - ainsi, en 2000, le Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM) a publié près de 80 dossiers de sanctions de médecins libéraux pour mauvaise prescription de Mediator .
C’est donc une bonne idée que d’avoir dissocié indemnisation et action légale, et d’avoir créé un fonds public d’indemnisation ; mais cela crée une injustice vis-à-vis de nombreuses victimes d’effets indésirables des médicaments. Le drame spécifique du Mediator doit être dépassé pour arriver à une indemnisation de l’aléa médicamenteux, sur le modèle de l’indemnisation de l’aléa thérapeutique (accident d’opération, maladie nosocomiale, affection iatrogène défini par la loi de mars 2002.
Les aléas médicamenteux
Pour situer l’ampleur du problème, il y a par an, en France, 52.000 déclarations d’accident médicaments auprès de l’AFSSAPS, dont 18.000 graves, et 5% des hospitalisations sont dues à des accidents médicamenteux. Un médicament n’est pas un produit anodin, son autorisation de mise sur le marché résulte d’une appréciation bénéfice/risque. Le problème est que la plupart des patients bénéficient du bénéfice tandis que quelques-uns prennent le risque en plein sur eux.
Ainsi, les anticoagulants sont des médicaments indispensables, mais délicats à utiliser, et ils entraînent des milliers d’accidents sérieux, parfois mortels, par an ; des antalgiques comme le tramadol (Contramal par exemple) , sont extrêmement efficaces, et parfois même seuls efficaces, mais peuvent entraîner une dépendance et des sevrages ; la myofasciite à macrophages (fatigue et faiblesse musculaire généralisée, douleur, fièvre, perte de concentration et de mémoire), après avoir été longtemps niée – les malades pouvaient se retrouver en psychiâtrie - peut être causée par certains vaccins chez une fraction des vaccinés – les sels d’aluminium utilisées comme adjuvants seraient en cause. Parmi les plus terribles de ces effets néfastes des médicaments figurent les syndromes de Lyell et de Stevens-Johnson. Ces syndromes se produisent après la prise de médicaments la plupart du temps utiles, efficaces, bénéfiques, mais qui, de façon totalement imprévisible, dans certains cas déclenchent ces syndromes se traduisant par des décollements de la peau, des douleurs intolérables- le malade » brûle de l’intérieur », une nécrose épidermique pouvant atteindre 30% du corps, éventuellement la cécité, la nécessité d’hospitaliser sur des lits à coussin d’air, une mortalité importante. Les médicaments sont très variés : antibiotiques ( sulfamide, mais aussi bactrim, anti-inflammatoires non stéroïdiens, allopurinol, nevirapine…). Une association de malade AMALYSTE se consacre à aider les victimes de ces accidents thérapeutiques.
Le cas du vaccin contre l’hépatite B est assez particulier. Bien que le lien avec la sclérose en plaque soit considéré comme nul par les études les plus récentes, les personnels de santé, dont la vaccination est obligatoire, sont éventuellement indemnisées, les autres patients, non !
Des propositions
Au-delà du Mediator, il paraitrait juste d’aligner l’indemnisation des aléa médicamenteux sur celle des aléa thérapeutiques hospitaliers (loi de mars 2002). La collectivité toute entière jouit, avec l’aval du législateur, du bénéfice des médicaments, elle ne peut laisser quelques victimes supporter seules le poids du risque. Un automobiliste qui subit un accident grave est indemnisé, pas un malade §
L’association AMALYSTE propose, sur ce modèle, la création d’ une branche sécurité sociale financée par le « fond de gestion du risque médicamenteux grave », éventuellement alimenté par une taxe sur le prix des médicaments.
Cette proposition figurait dans le projet de loi sur le médicament suite à l’affaire Mediator (loi Bertrand), elle en a été retirée.
Par ailleurs, l’association AMALYSTE propose plusieurs principes, dont le principe de la responsabilité collective, qui découle directement de la balance bénéfices-risques (acceptation collective d’un risque), le principe du contrôle, de la connaissance et de la compréhension du risque , l’acceptabilité collective d’un risque entraînant une obligation de moyens en termes de connaissance, de compréhension (donc d’un effort de recherche), de suivi et de contrôle de ce risque, le principe d’« auditabilité »- les décisions et évaluations des autorités réglementaires doivent être transparentes et auditables, le principe de la socialisation du risque
conséquence de la responsabilité collective.
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