Pour une véritable politique d’innovation, refonder l’Agence pour l’Innovation Industrielle (AII)
La banque publique d’investissement ne suffira pas
Si la constitution d’une banque publique d’investissement constitue un instrument indispensable pour que la France redevienne un pays innovant, pour qu’une politique de réindustrialisation soit menée, ce n’est pas suffisant. La recherche, l’innovation, le développement confiés (uniquement) à des banquiers, ça ne le fait pas ! La banque publique d’investissement ne pourra rien sans une véritable politique industrielle permettant des innovations de rupture via des programmes mobilisateurs d’innovation industrielle.
Le rapport Beffa
Le rapport Beffa (2004 déjà, que de temps perdu) constatait que la France a connu des succès remarquables, par le biais de grands programmes de recherches et d’innovation directement impulsée par l’Etat ; c’est ainsi que se sont constitués de grands points forts de l’industrie française, tels l’aéronautique, le spatial, le nucléaire civil, les composants électroniques, les transports ferroviaires…
Cette intervention directe de l’Etat fondée sur le triptyque recherche publique/entreprises publiques/commandes publiques n’est plus possible aujourd’hui. Pour y remédier, M. Beffa proposait la création d’une agence dotée de moyens importants (2 milliards d’euros). L’AII (Agence pour l’Innovation Industrielle) devait financer et suivre dans la durée des « programmes mobilisateurs pour l’innovation industrielle », conduisant à des innovations de rupture préparant les produits, les procédés, les industries de demain.
Les programmes mobilisateurs d’innovation industrielle (PMII)
L’AII a pour but de financer des programmes mobilisateurs d’innovation industrielle caractérisés par
- une rupture technologique qui a toutes chances de modifier les conditions de vie de demain et génératrice d’externalités
- un risque technologique important, longue durée de développement (cinq-quinze ans)
- une structure collaborative, comprenant une au plusieurs PME, un grand groupe, des équipes publiques, le porteur de projet étant de préférence une PME. En effet, il est généralement considéré que l’effort principal d’innovation est maintenant porté par de petites entreprises au sein de clusters, et c’est ce type d’organisation qui manque cruellement en France.
Dans le domaine des l’énergie solaire, de la nanoélectronique, des piles à combustible, des biotechnologies, « il existe un potentiel important d’innovations de grande ampleur, qui ont toutes les chances de modifier les conditions de vie de demain et de créer d’importantes externalités technologiques » constatait le rapport Beffa. Ces perspectives nécessitent des investissements élevés et de longues périodes de développement, elles sont marquées aussi par des paris technologiques présentant un certain risque. Les entreprises soumises à des exigences financières à court-terme, aux fluctuations des taux de change et boursières n’investissent plus à des horizons aussi éloignés : il y a là une véritable défaillance de marché - un critère important pour la Commission de Bruxelles.
Bilan et disparition de l’AII
Entre 2005 et 2007, en deux ans, l’AII a initié 18 programmes pour 1.5 milliards d’euros d’aide publique complétés par un engagement de deux milliards des partenaires privés. Parmi ces programmes, ADNA (Biomérieux, Généthon, Transgène, 103 ME), pour le développement de la médecine personnalisée ; Biohub (chimie végétale comme substitut à la pétrochimie, piloté par Roquette, 98 ME), Iseult (RMN à très haut champ pour l’imagerie, Guerbet, CEA 54 ME), Nanosmart (SOITEC, développement de nouveaux composants électroniques associant plusieurs métaux, 80 ME), Neoval (Siemens France, transport modulaire automatique sur pneu,62 ME)…
Puis l’AII a été supprimée, pour deux raisons principales ; par vindicte politique, elle n’a pas eu l’heur de plaire au nouveau pouvoir sarkozyste ; et aussi, par des difficultés bureaucratiques créées par une Commission européenne uniquement intéressées par des distorsions de concurrence prétendument engendrés par des investissement aussi important et pas du tout concernée par les problématiques d’innovation et de réindustrialisation.
L’AII a été dissoute et partiellement intégrée dans OSEO, avec une diminution importante des moyens et des ambitions. Cela correspond à une trahison complète de sa mission première, la culture OSEO/Anvar correspondant à un saupoudrage assez peu efficace de subventions pour des innovations d’ampleur limitée, ce à quoi l’AII était justement censée remédier. Oseo-Anvar n’a pas su ou pu mener une politique d’innovation d’envergure, ni même poursuivre vraiment les programmes initiés par l’AII. Où en sont-ils, personne ne le sait ; or la politique de l’innovation a avant tout besoin de continuité
Pour comble, il y a deux ans, lors de la nomination de son nouveau président, l’Etat, dans la foulée du grand emprunt, demandait à OSEO de « s’occuper de projets plus risqués avec davantage de ruptures technologiques que ceux actuellement soutenus par OSEO » et de redresser le faible taux de participations des PME aux grands programmes d’innovation, notamment ceux financés par des subventions européennes. Autrement dit, après avoir supprimé l’Agence pour l’Innovation Industrielle, le gouvernement avouait qu’OSEO n’avait pas pris le relais, et lui demandait de faire ce que la banque OSEO n’a jamais su ou pu faire, et qui n’est d’ailleurs pas le rôle d’une banque : financer des innovations de rupture.
La banque publique d’investissement ne fera pas mieux. Il faut recréer une Agence pour l’Innovation Industrielle, fonctionnant selon les principes et le mode indiqués par le rapport Beffa : détecter, promouvoir, organiser des programmes mobilisateurs d’innovation industrielle (PMII)
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