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samedi 4 mai 2013

Fécondation in vitro- histoire et questions

Mort de Robert Edwards, pionnier de la fécondation in vitro

La mort récente (10 avril 2013) de Robert Edwards, Prix Nobel de médecine, le « père » médical de Louise Brown, le premier bébé éprouvette, née le 25 juillet 1978 à 11H 47, devrait être l’occasion de revenir sur l’hstoire et l’avenir de la fécondation in vitro. Ce jour-là, le monde est entré dans l’ère de la fécondation humaine in vitro et  nul ne sait où cette aventure mènera l’humanité.
C’est l’aboutissement d’un travail commencé dans les années 50 avec le développement des fécondations in vitro chez l’animal. Refusant tout tabou, Edwards, par ailleurs progressiste et élu local travailliste, décide d’adapter cette technique chez l’homme, afin de soigner certaines stérilités - par exemple, dues aux trompes de Fallope bouchées. Il lui fallut attendre 1969 avant d’obtenir in vitro  les premiers embryons humains, grâce à sa rencontre avec le gynécologue Patrick Steptoe. Il comprit alors que la fécondation in vitro ne pouvait être obtenue qu’à partir d’un ovule suffisamment mûr et apprit à utiliser des hormones pour accélérer le mûrissement des hormones et en augmenter le nombre, à choisir le bon milieu pour la fécondation.
Louise Brown est finalement née au bout de sept ans « d’expérimentation en direct sur l’homme. « Durant cette période, nous avons effectué entre 50 et 60 tentatives », expliquait Robert Edwards en 2007. Ce fut aussi une longue lutte contre le Medical Research Council qui refusa de subventionner les recherches de Edwards et Steptoe – une fondation privée américaine s’y substitua – et aussi contre l’opinion de religieux ( le Vatican les accusa de meurtre sur les embryons non implantés et qualifia la naissance de Louise Brown d’ »évènement qui aura de graves conséquences pour l’humanité en dissociant la sexualité de la procréation » et de scientifiques comme Jim Watson, le découvreur de l’ADN, qui l »accusa de flirter avec l’infanticide ».Un certain nombre de médecins traumatisés par l’affaire de la thalidomide craignaient des handicaps sévères chez les nouveaux-nès, même si les techniques fonctionnaient bien chez l’animal.
La naissance de Louise Brown et la joie des époux Brown qui s’efforçaient d’avoir un enfant depuis quinze ans emporta tout. Une seconde  naissance (Alastair Montgomery) eut lieu, les Brown voulurent aussi une soeur pour Louise (Natalie). Il fallut néanmoins attendre 1980 pour que Edwards et Steptoe puissent fonder la clinique de Bourn Hall (Cambridge), la première clinique dédiée aux fécondations in vitro, le NHS refusant tout financement qui sera finalement assuré par du capital risque. En 2010, année où Edwards reçut le prix Nobel (sans Steptoe, mort en 1988), on estime que plus de quatre millions d’enfants étaient nés par fécondation in vitro. En 2011, Robert Edwards fut annobli.

Polémiques – Vers un Conseil du Futur ?

Soutenu malgré les obstacles, les oppositions, les peurs,  par la demande forte des familles infertiles, récompensé par leur joie et leur soutien sans faille, Rober Edwards mena son projet à bien, mais pourrait-il aujourd’hui travailler aussi librement ? Il se méfiait des réglementations et des lois : « Il ne devrait pas y avoir de limites aux recherches scientifiques rigoureuses et honnêtes sur l’embryon. Il faut ensuite confronter les résultats obtenus au sein de débats avec des éthiciens, des philosophes, des représentants de la société pour prendre des décisions quant à ce qui est, ou non, autorisé. Mais il ne faut pas se fixer de limites à l’avance. De ce point de vue, je ne partage absolument pas la conception française qui entend réfléchir a priori sur ce qui est ou non autorisé. Ce n'est absolument pas constructif »
Les techniques de fécondations in vitro qu’il a mises en place ont eu bien d’autres conséquences que le simple traitement de l’infertilité, notamment l’étude puis l’utilisation thérapeutique éventuelle des cellules souches, le diagnostic préimplantatoire permettant la sélection des embryons, donc des enfants sains dans des familles à risque de maladies héréditaires mais aussi le choix du sexe de l’enfant ou d’autres caractéristiques.
Robert Edwards était favorable à ces évolutions, même les plus contestables. Il se déclara en faveur de recherches sur le clonage humain et combattit la loi anglaise interdisant le choix sexuel des embryons (Human Fertilisation and Embryology Act, 1990) sauf cas médicaux (maladie de Duchenne ne frappant que les garçons, par exemple). Aujourd’hui, plusieurs dizaines de couples anglais vont aux Etats-Unis, où cette pratique est légale, pour choisir le sexe de leurs enfants conçus par fécondation in vitro, par exemple pour des raisons d’ « équilibre familial » (une famille n’ayant que des garçons ou que des filles).
Rappel historique : lorsqu’en France le fondateur du positivisme, Auguste Comte (1798-1857) imagina, sans savoir comment, que dans une société future, la femme pourrait avoir la seule responsabilité de la procréation (« notre perfectionnement consistera à systématiser la procréation humaine en la rendant exclusivement féminine »-Utopie de la Vierge Mère) et s’efforça d’envisager les conséquences sociétales de cette révolution technique (schématiquement, les femmes seraient responsables de la procréation et de l’éducation dans la petite enfance, et les familles se formeraient par adoption par un homme), il fut traité d’insensé, notamment par les positivistes « incomplets » regroupés autour de Littré.
Peut-on rêver que, sans condamnation ou approbation a priori de chaque progrès technique important, une institution, (un conseil du Futur ?) s’efforce simplement d’en envisager l’impact sur la société, trace différents scénarios, sans tabous, avec audace, sans peur du démenti du futur… ou du ridicule? Que cet effort serve ensuite au débat public, un débat mieux informé qui saura éviter une navigation incertaine entre fascination technologique et peur systématique du progrès ?
Application aux OGM ?


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