Fin de la
recherche gouvernementale, originalité canadienne ?
C’est sous ce titre que la revue La Recherche de juin 2014 (p.48-51) publie un article exposant les évolutions effectivement assez inquiétantes de la recherche au Canada. Le Devoir, dès le 29 mars 2012 annonçait ainsi les intentions du gouvernement conservateur : « Ottawa abandonne la recherche fondamentale pour mieux servir les entreprises » : « Le gouvernement Harper a enclenché aujourd'hui une réforme majeure de ses programmes d’aide à l’innovation qui se traduira notamment par l’abolition du soutien à la recherche fondamentale et une baisse du crédit d’impôt pour la recherche et développement (R-D).
Créé en 1916 afin d’appuyer la recherche fondamentale et la mise
au point d’innovations commerciales, le Conseil national de recherches du
Canada (CNRC) voit ainsi disparaître le premier volet de sa mission.
Le CNRC devra désormais
«s’adapter aux besoins en recherche des entreprises et se concentrer sur des
travaux de recherche appliqués dirigés par l’entreprise et pertinents pour
l’industrie».
Et, pour une fois, un gouvernement aura tenu son programme !
La recherche au Canada repose sur trois piliers : la
recherche universitaire, soutenue par des agences de moyens qui peuvent
orienter la recherche sur des thèmes choisis par le gouvernement au moyen des financements
qu’elles accordent ; le recherche privée, et la recherche gouvernementale,
qui doit servir l’intérêt public ; elle regroupe notamment des laboratoires
et des Instituts consacrés à la protection de l’environnement ou de la santé
des Canadiens. C’est cette architecture qui a longtemps permis au Canada d’être
un leader dans la recherche environnementale, et notamment dans celui de la mer
– et des ressources halieutiques- avec le très prestigieux Pêches et Océans Canada. Et qui est aujourd’hui menacée avec la
quasi-suppression de la recherche gouvernementale.
Le chef du Parti Conservateur a montré son mépris de la recherche
en nommant comme ministre un chiropracticien, qui refuse de se prononcer sur la
Théorie de l’Evolution. De nombreux centres ont été fermés, de nombreux
scientifiques ont été privés de leurs emplois ou ont dû réorienter leurs recherches,
notamment dans le domaine de l’écotoxicologie et de l’environnement. Stephen
Harper a affirmé sa volonté de faire que
le Canada devienne « le pays le plus attrayant du monde pour l’investissement
dans l’exploitation des ressources naturelles » Ainsi, la Fondation
Canadienne pour les sciences du climat et de l’atmosphère (FCSA) a vu ses
crédits dramatiquement coupée, et son centre de du haut arctique PEARL, où
avait été détectée le plus gros trou d’ozone en 2011 a du cesser ses activités
avant que la mobilisation des chercheurs ne le sauve ; par contre, une
nouvelle base a été ouverte en arctique, à Cambridge Bay, avec pour but de « faciliter
la mise en valeur des ressources de l’arctique »…Plus de soixante lois ont
été modifiées afin de rendre non obligatoires les évaluations environnementales
concernant près de 3000 pipelines ou chantiers d’exploitation de sables bitumineux…Cette
politique s’accompagne d’une censure des scientifiques : 50% d’entre eux
affirment avoir été témoins de cas où la santé des Canadiens ou la protection
de l’environnement a été compromise par des ingérences politiques. Un
journaliste américain désirant s’informer sur une étude menée conjointement par
la Nasa et Environnement Canada a décroché en quelques minutes un entretien
avec les chercheurs américains, mais n’a pu en obtenir avec les Canadiens, sa
demande ayant du passé par es mains de onze chargés de communication avant de …
n’aboutir à rien.
En 2012 et 2013, des milliers de scientifiques ont manifesté « contre
la guerre que le gouvernement conservateur mène à la recherche », ce qui
est totalement inédit en ces contrées.
Merci à La Recherche d’avoir
rappelé que tous les gouvernements, toutes les politiques ne se valent pas en
matière de recherche. Le but de la recherche gouvernementale canadienne aujourd’hui
menacée était que les scientifiques collectent et analysent les données, afin
que les politiques se fondent sur les meilleures preuves scientifiques afin de
légiférer.
« Savoir pour pouvoir afin de pourvoir », disait Comte,
ce qui suppose « une liberté, liberté totale d’exposition, de discussion,
d’appréciation », autre slogan positiviste toujours bon à rappeler.
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