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vendredi 23 mai 2014

Méchantes bestioles, pas de médicaments !


La prochaine épidémie commence... 

Jour 1 : Une future mère de 35 ans, en Espagne, se rend chez son médecin,  se plaignant de douleurs à l'estomac, vomissements, diarrhée, fièvre et frissons. Une infection intestinale est diagnostiquée, un antibiotique- une fluoroquinolone- prescrite, et la malade est renvoyée chez elle.  

Jour 2 : En France, un jeune garçon de deux ans est hospitalisé avec une diarrhée sévère, vomissements, déshydratation et une forte fièvre. Un autre antibiotique – une céphalosporine- lui est administré.

Jour 4 : Les analyses effectuées sur le jeune garçon mettent en évidence une infection à Salmonelle, une bactérie commune dans les aliments ; sauf que cette souche-là est hautement résistante aux principaux antibiotiques habituellement utilisés, dont les céphalosporines ou les fluoroquinolones.

Le jeune garçon meurt de déshydratation et d’infection généralisée. La patiente zéro, la jeune femme espagnole, perd son bébé et meurt ensuite d’infection généralisée.

Jour 5 : Dans toute l’Europe du Sud, on compte déjà 325 morts, la plupart, des enfants, des personnes âgées et des personnes vulnérables, immunodéprimées. Des milliers de personnes se pressent dans les services d’urgence, avec des symptômes similaires à ceux des premiers patients. Des cas commencent à être rapportés dans tous les pays européens : 15 en Belgique, 27 en Allemagne.

Jour 6 : 1730 morts  et 220.000 cas d’infection sont rapportés dans toute l’Europe. Les USA, Le Mexique, le Canada, la Chine interdisent toute importation de nourriture en provenance d’Europe et interdisent l’accès de leur territoire aux citoyens européens. Une crise économique majeure s’annonce.

L’Institut Pasteur et ses correspondants européens identifient la source de l’infection chez un important producteur de lait français. Ils confirment que cette souche nouvelle provoque des infections sévères, et, de plus, est résistante à tous les antibiotiques connus. La Food and Drug Administration est contactée, ainsi que des laboratoires de Chine et Singapour.  Les médecins ne peuvent que traiter les symptômes, soulager les douleurs et les fièvres.

Jour 7 : le nombre de morts continue à s’accroître, des cas sporadiques apparaissent en Amérique, en Asie, en Afrique.

Ce scénario n’est pas crédible ? Il est pourtant adapté mot à mot d’un texte de la Food and Drug Administration, lui-même inspiré d’un fait réel En 1985, du lait contaminé avec Salmonella typhimurium, a infecté 200. 000 personnes dans les Etats du Sud-Ouest américain. La seule différence, c’est que dans le cas réel, les souches n’étaient résistantes qu’à certains antibiotiques.

L’ennemi est là !

Mais aujourd’hui, des souches résistantes à tous les antibiotiques existent réellement. Elles se développent, sont présentes partout. L’autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et le centre européen de prévention des maladies (ECDC) alertent dans un rapport conjoint sur la persistance de la résistance aux antimicrobiens dans les bactéries zoonotiques chez l’homme, l’animal et les aliments. Les Salmonella et Campylobacter, à l’origine des infections d’origine alimentaire les plus fréquentes, présentent une forte résistance aux antimicrobiens courants. Le phénomène de résistance est également observé, à un moindre degré, pour les antimicrobiens dits critiques : la ciprofloxacine et le cefotaxime pour la salmonellose, et la ciprofloxacine et l’érythromycine pour la capylobactériose.

Dans le détail, chez les humains, une résistance clinique des isolats de Salmonella aux antimicrobiens courants est fréquemment détectée en Europe : près de la moitié des isolats se sont révélés résistants à au moins un antimicrobien ; 28,9 % d’entre eux sont multirésistants.

En revanche, la co-résistance de Salmonella aux antimicrobiens d’importance critique est faible (0,2 % dans 12 États membres).

Le constat est plus grave pour les isolats de Campylobacter issus de cas humains : une résistance clinique aux antimicrobiens courants mais aussi critiques a été détectée : 47,7 % d’isolats se sont révélés résistants à la ciprofloxacine, avec des tendances à la hausse dans plusieurs pays.

Chez les animaux, une résistance microbiologique de Salmonella aux antimicrobiens courants a été fréquemment détectée en particulier chez les poulets de chair, les porcs et les dindes. Une résistance à la ciprofloxacine a aussi fréquemment été observée chez les poulets et les dindes, mais non une corésistance à la ciprofloxacine et au céfotaxime.

Et nous n’avons aucun antibiotique pour traiter les plus résistantes de ces souches ; parce que les gouvernements et les firmes pharmaceutiques ont délaissé depuis des années la recherche contre les antibiotiques ; parce qu’investir des milliards pour un médicament qui, s’il est efficace, sera utilisé pendant une semaine, qui, s’il est actif sur des souches résistantes, ne sera distribué qu’à l’hôpital, pour éviter la dissémination de nouvelles résistances n’est pas rentable.

Nous n’avons pas d’antibiotiques, parce que nous n’avons pas de politique du médicament ; parce qu’en France, la priorité est de taxer le médicament, c’est beaucoup plus facile que de s’attaquer aux vrais  gaspillages en matière de santé ; parce qu’en Europe, il n’y a rien.

Pendant ce temps, les USA et la Chine, qui ont bien compris le problème, investissent, avec une implication massive de crédits publics dans la recherche de nouveaux antibiotiques.

Alors, pour la prochaine épidémie, faute de recherche, faute d’investissement, il faudra soit mourir, soit payer très cher les médicaments qui n’auront pas été inventés en Europe.
 
 

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