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samedi 27 juin 2015

Positivisme et éthique


 
Une éthique non théologique, qui suive le mouvement des sciences

 En 1894, Charles Jeannolle succède à Pierre Laffitte, désigné par Auguste Comte comme son successeur. Lors de son intronisation, il prononce un discours fleuve sur le programme qu’il entend suivre. Il rappelle que le Positivisme considère que les conceptions morales (l’éthique) dépendent de l’état général de la civilisation (l’esclavage, que les philosophes grecs les plus audacieux ne pouvaient même songer à supprimer est maintenant une monstruosité), et singulièrement des avancées scientifiques et techniques ; que dans nos sociétés qui ont quitté l’état théologique, puis métaphysique pour entrer dans l’état positif, les religions théologiques n’ont plus qu’un caractère privé et ne peuvent plus prétendre organiser la société ; que les connaissances et techniques nouvelles imposent une nouvelle éthique, aussi scientifique que possible (Auguste Comte proposa de faire de la morale la septième science, après les mathématiques, l’astronomie, la physique, la chimie, la biologie et la sociologie). En tous cas, une leçon simple du positivisme est que l’éthique évolue nécessairement avec les avancements des sciences, et que les scientifiques ne peuvent pas plus se désintéresser de l’éthique  que l’éthique ne peut se passer des scientifiques.

 Voici un extrait du texte de Charles Jeannolle :

« Mais ce n'est pas seulement au point de vue politique que le Positivisme est indispensable : il l'est, on peut l'affirmer avec certitude, à quelque point de vue que l'on se place. C'est ainsi notamment que les anciennes règles morales, conçues et proclamées comme l'expression de la volonté divine, n'ont plus de fondement assuré pour ceux, et le nombre en augmente rapidement, qui ne croient plus au surnaturel ; elles ont ainsi perdu de leur autorité et ne se maintiennent plus qu'en vertu de l'habitude; c'est là une situation grosse de dangers. Et, d'un autre côté, ces règles, établies à des époques anciennes et dans des conditions différentes de celles qui nous sont, faites, sont ou inapplicables ou muettes en face des questions nouvelles, et laissent les individus livrés à leur propre sens, c'est-à-dire, au fond, à leurs passions divergentes; de là, une menace pour la paix publique. Il est donc indispensable, et même urgent, que la science s'empare aussi du domaine moral, et vienne épurer et compléter tout cet ensemble de préjugés et d'habitudes qui constitue la moralité humaine. Auguste Comte, après avoir fondé la sociologie, voulut aussi fonder la morale scientifique; il en fut empêché par la mort et ne put que dresser le plan de cette œuvre capitale. Après lui, M. Laffitte a repris la question : il a fait plusieurs fois, d’après le plan d'Auguste Comte, un cours de morale positive dont les leçons ont é publiées pour la plupart et bientôt, sans doute, le seront complètement. La formulation des devoirs qui incombent à chacun dans les sociétés modernes est le plus grand service que Ton puisse rendre aujourd'hui ; car, selon le mot de Tacite, dans les temps troublés, le plus difficile n'est pas de faire son devoir, c'est de le connaître. Or, il est bien évident qu'en ce moment, s'il y a anarchie morale, c'est surtout parce qu'il y a anarchie intellectuelle : le nombre des vérités a diminué parmi les hommes; Charles Jeannolle, Revue Occidentale, seconde série, tome X, 1894
 

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