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dimanche 3 juillet 2016

La recherche en France – un décrochage inquiétant : rapport du CESE

Le financement de la Recherche est insuffisant

Le Conseil économique, social et environnemental élaborer un rapport annuel sur l’état de la France. Le rapport 2015 montre ce que les rapporteurs eux-mêmes qualifient de décrochage inquiétant.
- Avec un taux de 2,26 % du PIB en 2014 consacré à la Recherche développement, la France se situe en deçà de l’objectif de 3 % de la Stratégie de Lisbonne de 2002 ; ce taux  situe la France loin du groupe des pays européens « leaders » dont l’effort de recherche avoisine ou dépasse l’objectif des 3 % du PIB (Allemagne, Autriche, Danemark, Finlande, Suède niveau dépassé régulièrement par l’Allemagne, l’Autriche et les pays scandinaves.
Ce retard qui dure depuis des années et a même tendance à s’aggraver a des conséquences qui commencent à se faire sentir : la baisse de la part de notre pays dans les publications scientifiques (-15,1% entre 1999 et 2013) et la  chute dans les demandes de brevets européens (8,3 % en 1994 pour 6,4 % en 2012) sont autant de signes d’un décrochage certain.
- Ce décrochage se vérifie également dans le secteur privé  : les investissements de R&D des entreprises françaises figurant dans le classement«  Global innovation 1000  » (rapport 2015 de l’étude «  global innovation 1000  » de PwC Strategy) n’ont crû que de 28 % depuis 2005 contre 66 % pour l’ensemble des entreprises européennes.
A noter que  cet indicateur d’effort de recherche ne prend pas en compte les données relevant du ministère de la Défense et que l’activité de recherche des enseignants-chercheurs des universités et des professeurs des centres hospitalo-universitaires est difficile à quantifier. Enfin et surtout  cet indicateur ne rend pas compte de l’effort financier consenti au titre des aides fiscales, à l’instar du crédit d’impôt recherche.
 L’effort financier consenti au titre des aides fiscales, à l’instar du Crédit d’Impôt Recherche (CIR), constitue un important levier d’incitation à l’innovation (6,2 milliards d’€ en 2014). La question d’un meilleur fléchage en relation notamment avec les emplois créés dans la recherche et d’un réel contrôle de ce dispositif mérite d’être posée pour en accroître l’effectivité et s’assurer qu’il bénéficie à l’ensemble des entreprises, notamment aux PME et ETI. La stratégie de certains groupes internationaux en France soulève des questions légitimes en rapport avec des pratiques d’optimisation fiscale, alors que l’Allemagne parvient à atteindre l’objectif de3  % sans recourir à un dispositif de ce type, une des explications possibles étant que les écosystèmes diffèrent selon les pays. La discussion au sein de la commission sénatoriale sur le budget de la mission interministérielle Recherche et Enseignement supérieur (MIRES) dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016 témoigne de la nécessité d’une évaluation que le CESE a lui-même appelé de ses vœux dans son avis sur La compétitivité : enjeu d’un nouveau modèle de développement (rapporteure : Isabelle de Kerviler, 2011,)

Commentaire : La faiblesse du financement de la rechercher française devient problématique, et c’est le grand mérité de ce rapport du CESE que de le signaler de manière non ambigüe. Et c’est le moment que le gouvernement a choisi pour annuler 256 millions de crédit sur la mission recherche et enseignement supérieur. Après une tribune de sept prix Nobel et une médaille Fields, une partie de la somme a été épargnée, soit 134 millions d’euros. Mais, un mois plus tard, c’est sur le front de l’Agence Nationale de la Recherche que la technocratie de Bercy s’est abattue, au point que le comité d’évaluation en mathématiques et informatique a démissionné en bloc, dénonçant « une chute gravissime du nombre de projets financés ». Dans un domaine en pleine explosion avec la révolution du big data ! La priorité à la recherche est bien oubliée, ce n’est pas ainsi que l’on prépare l’avenir !
En ce qui concerne le Crédit Impôt Recherche, il faut éviter de le modifier substantiellement en permanence – la complexité et le manque de stabilité et de prévisibilité de l’administration fiscale sans doute plus que le niveau absolu des prélèvements constituent un repoussoir pour les entreprises et un réel inconvénient pour leurs stratégies. Sur les dernières années, on ne peut pas lui reprocher d’avoir eu peu d’effets sur l’accroissement de l’emploi scientifique privé tant il est certain qu’il a eu un effet massif sur la protection de l’emploi existant durant la crise !
Il joue aussi un rôle important dans l’attractivité du territoire français pour les centres étrangers, avec l’excellence de certaines formations scientifiques. Il répond aussi particulièrement bien au besoin spécifiquement français d’investir dans la recherche et le développement privés, dramatiquement insuffisants, par sa souplesse qui permet aux entreprises d’accompagner au mieux leur stratégie, mieux que les systèmes allemands, belges etc. reposant sur des subventions publiques. S’il existe des dévoiements, ils peuvent être supprimés par des contrôles qui existent ; mais lorsqu’on parle du crédit impôt recherche des grandes entreprises, il faut savoir qu’assez souvent, ils favorisent en fait la sous-traitance de travaux de recherche par des start-up françaises ou européennes (au fait, on voudrait bien voir une certaine réciprocité à cette extension imposée par la Commission Européenne) et donc constituent un excellent moyen de favoriser à moindre risques l’innovation.

La question de l’emploi scientifique : manque d’attractivité des carrières

« Une nécessaire prise en compte des réalités de terrain : au-delà de l’approche quantitative, la qualité de la recherche dépend des conditions dans lesquelles celle-ci est menée. Une attention particulière doit être portée aux perspectives de carrière offertes aux chercheurs et aux futurs docteurs (en termes de stabilité, de reconnaissance de leurs qualifications et de conditions de rémunération). Ceux-ci font également face à une dégradation de leurs conditions de travail sous l’effet de contraintes financières, organisationnelles et temporelles accrues. Ils sont confrontés à un alourdissement de leurs tâches administratives (temps consacré aux évaluations multiples, à la recherche de financements dans le montage de projets, sans certitude aucune d’être éligible, affaiblissement des fonctions supports).
Ce contexte contribue à la perte d’attractivité des métiers de la recherche auprès des jeunes, à la fuite des talents à l’étranger ou vers d’autres horizons professionnels. Le CESE avait déjà souligné l’importance de cet enjeu dans son avis sur la compétitivité (cf.supra), alors que la question du renouvellement des générations de chercheurs proches de la retraite - et de la transmission de leur savoir - se pose aujourd’hui avec une acuité particulière. Cette réflexion doit être étendue aux perspectives de carrière offertes aux doctorants et post-doctorants au sein du secteur privé.
En outre, le système de recherche public est l’objet de transformations qui menacent son efficacité. Ainsi faut-il craindre les complications issues du processus de regroupement des universités, la réduction des crédits de base des laboratoires et le fléchage des crédits de l’Agence nationale de recherche vers les projets de court terme ou étroitement finalisés, au détriment du soutien à la recherche fondamentale. L’un des risques est l’apparition d’un système à plusieurs vitesses laissant de nombreuses équipes de haut niveau à l’écart de tout financement significatif, comme l’Académie des sciences l’a récemment souligné (Le financement de la recherche : un chantier urgent, communiqué du 16 juin 2015). Outre les emplois de recherche, la valorisation des doctorants et post-doctorants doit être améliorée au sein du secteur privé afin notamment de constituer des compétences sur l’anticipation et la prospective. »

Commentaire : Enfin ! Enfin un rapport qui aborde franchement le problème qui risque d’entraver le plus gravement la recherche française dans les années qui viennent : le manque d’attractivité des carrières de recherche. Dans le public : le brillant résultat d’années de gestion catastrophiques de la recherche, avec la folie des évaluations en cascade par des tutelles multiples, la folie de la recherche ciblée qui oblige responsables de laboratoires et d’équipes à se transformer en chercheurs effrénés de subvention à des guichets innombrables, aux procédures opaques et lourdes et  aux chances de succès à peu près égales à celles du Loto, puis reprendre et rédiger encore d’imposants dossiers pour coller à la dernières mode imposée par les agences. Alors que tous ceux, dans les générations précédentes, qui ont illustré la science française disent que, malgré la modicité  (pour ne pas dire plus) relative à l’échelle internationale des salaires français, ce qui a fait leur succès, c’est la liberté de recherche qu’on pouvait trouver dans les grands organismes de recherche. Et évidemment, le nombre de postes qui fait qu’il est illusoire d’espérer un poste fixe, un salaire modeste mais fixe, une sécurité élémentaire qui permette de fonder une famille avant une thèse, un post doc, un autre post doc,  un temps d’attente à assurer quelques travaux d’encadrement en fac etc. ; bref avant 28, 29, 30 ans, voire plus, selon les domaines. Alors que naguère, les attachés de recherche du CNRS étaient recrutés au début de leur thèse ! Inacceptable et indécent, alors comment s’étonner que tant d’étudiants, malgré l’intérêt scientifique, en particulier dans les grandes écoles, refusent de faire des thèses, voire s’arrêtent, écœurés (ou conscients des réalités…),  en cours de route ! Et même avouons-le, à quelques exceptions près, ce ne sont plus les étudiants les plus brillants qui se lancent dans la recherche…Et dans le privé, ou même dans la fonction publique hors recherche,  la thèse n’est pas reconnue dans les conventions collectives, les salaires d’embauche ont baissé, et de plus, le temps où la recherche dans les grandes entreprises était sanctuarisée n’est plus et les plans sociaux ou les transferts forcés se multiplient ; sans compter que globalement l’emploi dans les grandes entreprises diminue et la recherche est externalisée dans des sociétés de service ou des start-ups, qui peuvent être motivantes, mais avec des avantages sociaux réduits et surtout une précarité croissante.

Une rupture franche s’impose, sans quoi une nouvelle génération sera sacrifiée pour la recherche, et la recherche française elle-même sera sacrifiée. Oui, comme le constate le CESE, c’est un décrochage très inquiétant. Et sa recommandation n°1 est la suivante : 1. Investir massivement dans la préparation de l’avenir Intensifier l’effort de recherche. La France n’investit pas assez dans la préparation de l’avenir, L’effort de recherche doit atteindre 3 % du PIB en progressant à la fois dans la recherche publique, et en recherche et développement dans les entreprises.




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