J’ai
dans une première version de ce blog rapporté les révélations de Mediapart sur
la préparation du grand débat macronien, et les manœuvres assez déloyales qui
ont conduit à évincer Chantal Jouanno et la CNDP (Commission Nationale du Débat
Public) d’une opération que le gouvernement et la présidence voulaient de toute
évidence transformer en communication, pour ne pas dire propagande.
Alors,
débattre ou ne pas débattre ? Au début, je reconnais que cela parait assez
tentant. On nous donne la parole, prenons – là ! Enfin . Oui, mais !
Surprises de janvier : Il y eut
d’abord les annonces de janvier sur l’indemnisation du chômage, et
notamment 1) le remplacement de la suspension des indemnisations en cas de
manquements divers (dont l’absence à un rendez-vous) par une suppression ; 2) pour plus
d’efficacité répressive, ces sanctions aggravées seront prises par Pole Emploi,
ainsi juge et partie et qui aura tout pouvoir en ce domaine, alors
qu’auparavant les décisions de radiation de la liste des demandeurs d’emploi,
de suppression du revenu de remplacement et d’application d’une pénalité
administrative relevaient de la compétence du Préfet . Alors surtout
n’indisposez pas votre gentil conseiller Pole Emploi !
Décision
prise, décret passé (n° 2018-1335 du 28 décembre 2018) ! Tiens, et cela,
on n’aurais pas pu en débattre avant ? C’était urgent à ce point là ?
Ça aurait pas pu attendre la réforme de l‘assurance chômage, actuellement en
cours, et dont le gouvernement semble décidé à prendre la direction après avoir
écarté les syndicats de salariés et les organisations patronales pour imposer
un plan drastique d’économie ?
Donc,
on se fiche de nous. Et plutôt pas débattre !
Dans la suite logique
des ordonnances Macron : un changement majeur de nos loi de
travail, cinq ordonnances de 160 pages, avec notamment la très contestable
limitation des indemnités prudhommales (qui protège par avance l’éventuel
délinquant patronal davantage que le salarié victime de ses agissements et
contraire aux loin internationales, la priorité donnée aux accords
d’entreprises sur les accords de branche ( une mesure qui fait rétrograder de
plus de 100 ans, et plaçant des élément essentiels du contrat de travail sous
la dépendance de la concurrence), la possibilité de se passer de représentant syndical
dans des accords dans les petites entreprises, la diminution du nombre de
délégués syndicaux dans les instances représentatives etc..
Bref les mesures les plus rétrogrades depuis
longtemps, prises sans débat, sans débat parlementaire, sans débats avec les
syndicats, sans vote parlementaire, par
ordonnances, des ordonnances dont Macron était si fier qu’il mettait en scène
leur signature, singeant ainsi Donald Trump. !
Donc
après tout débattre oui, mais on débat aussi de cela ! Et pour commencer, on annule tout ! On annule toutes les mesures dans ce
domaine social prises depuis le début de cette présidence ! On annule
tout, et si dans ce fatras il y a quelque chose à sauver…eh bien, on en
débattra !
Non ?
On n’annule pas ? Alors, on débat pas !
La lettre de Macron
sur le Grand débat : à première écoute, elle avait un certain souffle cette
lettre, enfin un certain style. « La France n'est pas un pays comme les
autres. Le sens des injustices y est plus vif qu'ailleurs. L'exigence
d'entraide et de solidarité plus forte… C'est pourquoi la France est, de toutes
les nations, une des plus fraternelles et des plus égalitaires. »
Ça
commençait plutôt bien, ça nous changeait de « Gaulois réfractaires au
changement », une macronerie venu du froid, en l’occurrence d’un voyage
officiel au Danemark.
Mais
enfin, très vite, ça se gâte. « Je n’ai pas oublié que j’ai été élu sur un
projet, sur de grandes orientations auxquelles je demeure fidèle ». Ben
non, justement, il a été élu par refus de Marine Le Pen, par pour un programme
ultra libéral que les Français ont toujours massivement rejetés. Et qu’il ne le
comprenne pas est vraiment
problèmatique. « Pour moi, il n’y a pas de questions interdites ».
Pour nous expliquer ensuite que le Grand Débat macronien serait bien encadré
par le gouvernement ( et non la CNDP de Chantal Jouanno) et porterait sur des
questions précises. Parmi les questions abordées, la laïcité, qui « est
synonyme de liberté parce qu’elle permet à chacun de vivre selon ses choix »(
ben c’est pas tout à fait le but, c’est de permettre à tout le monde de vivre
ensemble, libéré de toute intervention des religions dans le pouvoir temporel),
et parmi ces questions : « Comment renforcer les principes de la
laïcité française, dans le rapport entre l’État et les religions de notre pays ».
Eh ben,
je pensais pas que la laïcité faisait partie des préoccupations principales des
gilets jaunes. Par contre, on comprend bien qu’une des préoccupations
principales de Macron est de défendre un multiculturalisme à l’américaine, de
façon à se concilier une partie des votes communautaires religieux, dont il a
bien besoin. Et pour cela, de modifier la loi de 1905, projet éminemment
dangereux.
Enfin et surtout, bien
planquée dans cette lettre melliflue, la petite perfidie, le coup politique bien
tordu :
« Quel rôle nos assemblées, dont le Sénat et le Conseil économique, social
et environnemental, doivent-ils jouer pour représenter nos territoires et la
société civile ? Faut-il les transformer et comment ? » Entre les lignes, la
question est posée : quel est l’avenir du Sénat ?
C’est
tout de même étrange, cette volonté récurrente des présidents en grande
difficulté, de remise en cause, voire de suppression du Sénat. C’est qu’il est
très embêtant ce Sénat, qui entrave parfois, ou seulement freine un peu, les
initiatives les plus folles d’une présidence ivre de pouvoir appuyée sur une
Assemblée de godillots ultra-majoritaires, qui ne remplit pas son rôle et vote
les projets comme des singes automates. Il est bien embêtant ce Sénat qui a un
rôle d’équilibre dans les institutions, qui joue un rôle particulier pour
porter la voix des territoires, pour lesquels Macron n’a visiblement que peu
d’intérêt de l’aménagement du territoire… A la communication politique s’ajoute
ici la basse manœuvre écœurante et dangereuse pour le pays et ses institutions.
Donc
là, plutôt, Merde au débat !
Les question bien
baisées, pardon biaisées : Quelles sont les économies qui vous
semblent prioritaires à faire? Faut-il
supprimer certains services publics qui seraient dépassés ou trop chers par
rapport à leur utilité? A l'inverse, voyez-vous des besoins nouveaux de
services publics et comment les financer?
Notre modèle social est aussi mis en cause.
Certains le jugent insuffisant, d'autres trop cher en raison des cotisations
qu'ils paient. L'efficacité de la formation comme des services de l'emploi est
souvent critiquée… »
A aucun
moment n’est mentionné, ni dans le texte ; ni dans les documents fournis
les aides aux entreprises dont le CICE (40
milliards d’euros en 2019, cadeau
bonus doublé puisque se superposent le crédit d’impôt de 2018 et la
transformation en baisse de charge de 2019). A aucun moment n’est remise en
cause l’efficacité de ce dispositif très couteux et très contesté. Ce
doublement était-il si urgent ?
Débattre
dans ces conditions ?
La stratégie de disqualification
violente et continue des corps intermédiaires. Le Sénat, n’est
qu’un de ces corps intermédiaires dont Macron veut la disparition. A travers
notamment les ordonnances sociales et la mise en scène de leur signature, à
travers les conflits sociaux qu’il a sciemment provoqué, Macron n’a cessé de disqualifier les
syndicats (qui selon lui n’ont aucun droit à représenter l’intérêt public) et a
partiellement réussi à les discréditer. De même, sa pratique très centralisée
et très autoritaire n’a cessé de disqualifier et discréditer les maires, les
conseils généraux, les élus de proximité, sans compter l’insulte faite à la
nouvelle majorité régionale autonomiste lors de sa visite en Corse. Dans toute
cette première période de son mandat, le moins qu’on puisse dire est qu’il n’a
pas montré une appétence spéciale pour le débat.
Et
maintenant, il se plaint qu’il n’a plus d’interlocuteurs pour débattre !!!!
Merci
donc au Gilets Jaunes de l’avoir forcé à un débat. Par une certaine violence,
puisqu’il ne restait plus que ce moyen-là. Tout comme ils ont montré que face à
cette présidence là, là où les syndicats n’ont jamais pu rien obtenir par les
moyens légaux, ils ont, eux et eux seuls, réussi à obtenir certaines avancées
(sur la taxe carbone, sur les primes..). Par ce qu’il faut bien nommer un début
d’insurrection !
Le non débat, c’est
lui, Macron ; la chienlit, c’est lui ! ; et si ça tourne mal, la
guerre civile, ce sera lui aussi !
« Il y a pour
cela une condition : n’accepter aucune forme de violence. » C’est lui, Macron, qui
l’a dit. Et c’est lui qui l’a fait. Jamais depuis la fin de la guerre d’Algérie
un mouvement social s’est heurté à une telle répression policière. A aujourd’hui (3 février), le
journaliste-documentariste David Dufresne, qui compile les vidéos et récits de
violences policières sur son fil Twitter depuis le début du mouvement des
«gilets jaunes», recense quelque 337 signalements, 1 décès, 152 blessures à la
tête, 17 personnes éborgnées, et 4 mains arrachées du fait de l’action
policière. Même le peu gauchiste Alain Bauer, spécialiste des affaires de
sécurité, a déclaré à propos des
grenades de désencerclement : « Nous avons des armes inutiles et
rarissimes que l'on devrait cesser d'utiliser, affirme-t-il, citant la grenade
de désencerclement. C'est l'arme la plus dangereuse qui puisse exister et dont
l'utilité en matière de maintien de l'ordre n'a jamais été démontrée, où que ce
soit". La police française est la seule à les utiliser. De même pour les
lanceurs de balles de défense, qui devraient être soit interdits, soit utilisés
qu’en dernier recours par des forces expérimentées.
Et il
y a eu aussi ces arrestations
massives : Le 8 décembre, 1 082 personnes ont été interpellées à Paris, un
chiffre record, Dénonçant « des dommages collatéraux », Me Kempf rappelle alors
la circulaire prise par la ministre de la justice, et envoyée à tous les
procureurs, pour « les inciter à réaliser des contrôles préventifs massifs,
voire industriels ». Et ce sont, cas mineur, cas anecdotique, mais cas
révélateur de l’hystérie ambiante, ces deux jeunes bretons, Arthur et Theo,
arrêtés dans leur voiture, qui n’ont pas mis le pied à une quelconque
manifestation, qui n’avaient même pas l’intention d’y aller, dont la voiture a
été arbitrairement fouillée, et dans laquelle il a été trouvé une biellette de
direction qualifiée de barre de fer, mais ni masques, ni gilets jaunes- ce qui
étaient d’ailleurs le seule infraction à leur reprocher. Garde à vue et passage
en jugement !
Puis
vient la suite : le projet de loi sur les interdictions préalables de
manifester, qui n’appartient pas à l’arsenal ordinaire des démocraties, mais à
celui des dictatures ! Merci au député très modéré, très centriste, très
pilier du parlement en ce qui concerne le contrôle affuté des finances
publiques, Merci à Monsieur Charles de Courson, d’avoir ce jour-là, un peu
seul, cramé un fusible en pleine discussion parlementaire : «Une autorité
administrative va priver un individu de sa liberté de circulation ou de
manifester au motif qu'il y a une présomption, des raisons sérieuses de penser
(...) que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour
l'ordre public”. Mais où sommes-nous mes chers collègues? C'est la dérive
complète! On se croit revenu sous le régime de Vichy!», s'est-il enflammé.
Devant les huées des députés, notamment issus de la majorité, Charles de
Courson a réitéré: «Oui, oui, je dis bien le régime de Vichy. »
Cette
stratégie policière, je veux dire, gouvernementale, imposée à la police par le
gouvernement, elle n’est pas née avec le mouvement des Gilets Jaunes. Déjà, les
syndicats avaient noté, lors des grandes protestations contre les ordonnances
travail, une montée en violence inhabituelle des opérations policières. Et l’on
sait d’où venait l’inspiration : Tu as envie de t’amuser en allant casser
du syndicaliste ? Va mon petit Benalla, va, fais-toi plaisir !
Une drôle de
conception du débat. On a
bien compris que ce débat tenait davantage de l’opération de communication (et
de sauvetage que d’un vrai débat, raison de l’abandon de Chantal Jouanno. Alors, on voit Macron débattre devant des
assemblées de maires (choisi par qui ? les préfets ?), et ce qu’on
voit est bien instructif. On voit Macron se saisir d’une question et y répondre,
ma foi avec une grande aisance, avec une éloquence efficace, et ceci, et c’est
admirable, quelle que soit la question, mais avec pas une seule vue originale,
rien qui s’éloigne de la doxa libérale qui a envahi sciences Po et l’Ena.
Et s’impose
une impression : de débat, il n’y a pas ! Macron passe et repasse,
des heures durant, dans tous les coins de l’hexagone le seul examen qu’il ait
brillamment réussi, le grand oral de l’ENA ! Un pur et brillant spectacle de
sophistique, oui, nous avons devant nous un vrai sophiste, digne de ceux que
dénonçaient Platon. Il n’entend rien, il ne vboit rien, il ne comprend rien,
mais il cause !
Et
encore, pas sans faire des dégats !
Les macroneries :
Il y a
eu les « gaulois réfractaires », le problème du chômage résolu si
l’on veut bien se « donner la peine de traverser la rue ».Il y a eu
aussi le cadeau de Nouvel An, en pleine mobilisation des Gilets Jaunes, le 31
décembre, la dénonciation de ceux qui « prennent pour prétexte de parler au nom
du peuple » mais qui ne sont « que les porte-voix d’une foule haineuse »…
Il y a eu ensuite : « on va davantage les responsabiliser car il y en
a qui font bien et il y en a qui déconnent » - soit toujours le renvoi de
la responsabilité vers les plus pauvres. En passant, dans un article du Monde du 1er Février, cette
remarque d’un gestionnaire de fortune : « les riches aussi déconnent,
avec leur optimisation fiscale »…
Et puis
encore « Jojo avec un gilet jaune a
le même statut qu'un ministre ou un député !"
Et
surtout, le premier février 2019, cet
article du Point montrant un Macron, qui lui déconne vraiment, en plein déliré complotiste, qui juge que la surmédiatisation
des Gilets Jaunes est une
«manipulation», orchestrée notamment par la Russie et Russia Today France.
Extraits : « Dans l'affaire
Benalla comme pour les Gilets jaunes, la fachosphère, la gauchosphère, la
russosphère représentent 90% des mouvements sur internet… Selon le président, il
serait donc évident que les Gilets jaunes radicalisés auraient été «conseillés»
par l'étranger : «Les structures autoritaires nous regardent en se marrant. Il
ne faut pas se tromper. On est d'une naïveté extraordinaire ». A propos du
boxeur Christophe Dettinger, arrêté après avoir commis des violences à
l'encontre de gendarmes lors de l'acte 8 des Gilets jaunes. «Le boxeur, la
vidéo qu'il fait avant de se rendre, il a été briefé par un avocat d'extrême
gauche. Ça se voit ! Le type, il n'a pas les mots d'un Gitan. Il n'a pas les
mots d'un boxeur gitan.»
Alors
là, oui, Macron, déconne vraiment ! il me semble qu’il faut vraiment
commencer à s’inquiéter et envisager les moyens constitutionnels d’empêchement !
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