Pour contexte, Cf. aussi blog précédent :
https://vivrelarecherche.blogspot.com/2020/10/eolien-maritime-la-mer-nest-pas-vide-et.html
https://vivrelarecherche.blogspot.com/2020/08/les-plans-delirants-dune-lunion.html
https://vivrelarecherche.blogspot.com/search?q=paroles+de+p%C3%AAcheurs
La parole rare de deux armateurs de Saint-Brieuc
Ils étaient silencieux sur le sujet depuis de longues années. Les deux armateurs Jean Porcher et Émile Éouzan se sont déclarés, ce mardi, fermement opposés au projet éolien en baie de Saint-Brieuc
« Ces éoliennes, on n’en veut pas. C’est tout ! C’est une aberration écologique, proche de la zone Natura 2000, sous le Cap Fréhel. Ça fait 60 ans que la baie est protégée. Ça fait 60 ans que les pêcheurs font leur part, entre les quotas et les zones à respecter. Pour exemple, au Sud-Ouest immédiat des travaux prévus, on a 250 tonnes de raies brunes qu’on n’a pas le droit de toucher. On n’y touche pas ! »
« Ce parc, entre les emplois en mer et ceux qui travaillent à terre, ça va toucher 1 800 personnes. Dont la moitié va rester sur le carreau », estime-t-il. Pourquoi ? Comment ? « Parce qu’on ne pourra plus y pêcher. C’est une petite baie et on l’a vu quand il y a eu les essais de forage : les bateaux rentraient à vide. La ressource s’était enfouie plus profondément qu’à l’habitude. Ou était partie. On ne sait pas. Mais ce qu’on sait, c’est que quand les nuisances sonores et les vibrations se sont arrêtées, tout est rapidement rentré dans l’ordre… »
« Nous, nos gens ne demandent pas d’argent. Juste de pouvoir garder leur travail ! » Dans une zone en marge - et il faut aussi le noter - de la zone britannique des Anglo-Normandes, dans un contexte de Brexit à l’issue toujours aussi flou »
Témoignages devant la Commission Aubert
M.
Olivier Becquet, « Ce parc éolien a
été mis en place en plein milieu de la baie de Saint-Brieuc où 290 bateaux
travaillent. Cela représente 236 licences de coquilles Saint-Jacques. La baie
de Saint-Brieuc est la plus grande baie de France où se reproduisent
naturellement les coquilles Saint-Jacques. Nous avons également énormément
d’activités autour du bulot, des araignées et du homard.
Lorsque ce parc a été installé à cet endroit-là, ils n’ont pas pensé aux conflits d’usage. C’est de l’éolien posé. Aujourd’hui, on n’a pas de place. On ne peut pas aller ailleurs car la baie de Saint-Brieuc est entièrement exploitée, que ce soit au filet, au chalut ou au casier »
« On se dit que tout ce travail que nous faisons depuis des années, tout ce chiffre d’affaires qu’on remet à l’eau pour pouvoir mieux l’exploiter l’année suivante va nous être enlevé comme cela, d’un claquement de doigts »
« En mars 2017, nous avons ainsi visité le parc de Thannet sur proposition de l’Institut maritime de prévention (IMP) et nous étions une dizaine de pêcheurs. Nous sommes revenus en pleurant : le port de pêche s’est vidé, il n’y a plus que du fileyeur, nous n’avons vu aucun bateau de pêche en activité… Il n’y a plus de filière, plus de criée, plus de jeunes qui entrent dans ce métier. Il ne reste qu’un chalutier qui pêche à la côte des petits naissains de moules, qui sont revendus pour les bouchots. Les éoliennes qui ont été plantées dans un fond accidenté avec une granulométrie variée ont créé une dépression sur la zone de Thannet. Avec une telle turbidité, les espèces ne se reproduisent plus. Les fonds sont devenus plats »
https://vivrelarecherche.blogspot.com/search?q=paroles+de+p%C3%AAcheurs
La justice française inepte
Et
pourtant les pêcheurs français ne parviennent pas à se faire entendre des
juridictions françaises. Ainsi : « Ce jeudi, à Paris,
l’Association pour la protection des sites d’Erquy a une nouvelle fois tenté de
faire annuler l’arrêté préfectoral autorisant le projet éolien devant le
Conseil d’État. Sans convaincre le rapporteur public.
Comme l’a rappelé, ce jeudi, à Paris, le rapporteur public du Conseil d’État, Olivier Fuchs, le projet éolien de la baie de Saint-Brieuc, est « l’un de projets majeurs offshore de notre pays pour rattraper le retard de la France sur les pays nordiques » Le Télégramme, 12 novembre 2020)
Commentaire : De quel retard s’agit-il ?
La Commission Européenne a validé en juillet 2019 des tarifs compris entre 131
et 155 € par MWh pour les parcs éolines français (sauf Dunkerque (44 € par MWh) . La Commission justifie ainsi
ces prix particulièrement élevés :
"Ce soutien élevé par rapport à ceux pratiqués en mer du Nord ou en Baltique se justifient par deux particularités des côtes françaises : des vents plus faibles et une nature de sol plus complexe (sols rocheux carbonatés au lieu de sols sableux ou argileux). »
Bon ben si les côtes françaises ne sont pas adaptées à l’éolien off shore, eh ben, il ne faut pas en faire !!Non ?
Mais
surtout au nom de quoi, de quelle compétence la justice française se
permet-elle de se prononcer sur le fond de la politique énergétique et sur la pertinence
climatique et économique de l’éolien (qui rappelons-le augment et non dilinue
les émissions de C02 par rapport au mix existant, au rebours de tous les
experts sérieux, tels Jean-Marc Jancovici ?
Mais il y a bien longtemps que personne ne peut plus prononcer sans rire « J’ai confiance en la justice de mon pays »… De là à la mépriser, il n’y a pas loin.
Faute de se faire entendre au niveau français et face à une telle menace de destruction de leur métier et de leur cadre de vie, les pêcheurs et population font flèche de tout bois et tentent de se faire entendre ailleurs .Ainsi :
Eolien en mer : les pêcheurs du Tréport portent plainte à Bruxelles
En mai 2019, la coopérative des artisans pêcheurs du Tréport (CAPA) a porté plainte auprès du Parlement européen. A ses côtés, deux autres associations de pêcheurs normands et ligériens ont également porté plainte. Les artisans pêcheurs dénoncent notamment les projets de parcs éoliens concernant Dieppe-Le Tréport, Fécamp, Courseulles, Saint-Brieuc, Saint-Nazaire et Yeu-Noirmoutier. « Tous ces projets français d’éolien en mer sont envisagés en plein cœur de zones dynamiques de pêche côtière » résument les pêcheurs dans leur communiqué et selon eux, ces projets risquent de détruire les écosystèmes. : « Les marins-pêcheurs français rappellent à leurs élus que l’implantation d’un parc éolien en mer signifie la destruction définitive des fonds marins, l’asphyxie de la vie marine, une pollution chronique à l’aluminium, une pollution sonore permanente, la propagation d’infrasons, de basses fréquences, la création de champs électromagnétiques, des centaines de kilomètres de câbles électriques, des empilements de roches, etc ».
Donc, le Collectif Pêcheurs Artisans ont déposé un recours devant le Tribunal de l’Union européenne demandant l’annulation de la décision de la Commission européenne du 26 juillet 2019 autorisant 20 milliards d’euros d’aides à ces six projets. Pendant toute la durée de ce recours, l’engagement des travaux de construction de chacun des six projets est illégal.
Le
Collectif rappelle que « par ailleurs, il est aujourd’hui incontesté que
ces six projets d’éolien en mer côtière ne contribueront pas à la réduction des
émissions de gaz à effet de serre. Ils ne serviront pas non plus à lutter
contre le réchauffement climatique. »
Le colloque au Parlement Européen, « Les pêcheries et l’éolien en mer peuvent-ils coexister ? » (22 janvier 2020)
Le Collectif Pêcheurs Artisans s’est regroupé avec des leurs homologues belges, allemands, néerlandais du collectif EMK et a réussi à monter un colloque européen sur le théme « Les pêcheries et l’éolien en mer peuvent-ils coexister ? » sous le patronage du vice-président de la commission Pêche, le député européen Peter van Dalen (NL-EPP).
Témoignages de pêcheurs déjà confrontés aux parcs éoliens :
Job Shot , président d’EMK : « Des éoliennes néerlandaises, allemandes et britanniques nous chassent du sud de la mer du Nord. (…) Ils prétendent que la zone autour des éoliennes crée une sorte de paradis de la biodiversité. C'est exactement le contraire. Ce sont des zones mortes…
Avec ce qui
est construit ou décidé en Mer du Nord, 25% des zones traditionnelles de pêches
sont déjà occupées…Il faut comprendre que nous sommes chassés de la mer. Il ne
nous reste presque rien au sud de la mer du Nord. Ce sont des espaces où nous
avons toujours pêché de génération en génération. Pendant combien de temps
encore pourrons-nous déguster du poisson frais dans notre assiette ? »
Jaap à Stellendam « Nous sommes en train de nous faire exclure de la mer. Le domaine dans lequel nous pouvons travailler devient de plus en plus petit. Nous pouvons tous voir ce qu'il advient du poisson lorsque les éoliennes sont en place ; »
Steve à
Ramsgate « Pour une raison
quelconque, je ne sais pas ce que c'est, mais il n’y a pas de poissons dans le
parc éolien. Cette zone est pratiquement stérile. (…) La région était autrefois
un lieu de pêche privilégié. »
Olivier Becquet,
Le Tréport: « L’expansion actuelle des parcs éoliens extracôtiers ne
devrait pas se poursuivre avant que la recherche n’ait permis de trouver des
réponses aux nombreuses lacunes en matière de connaissances. »
Commentaire :
ben oui, c’est quand même curieux ces écologistes qui envoient balader le
principe de précaution
Avis des experts :
Luca van Duren, Deltares : Il insiste sur le
fait qu’il existe un « effet Chaine » dans les perturbations, eu que
ce n’est pas du tout la même chose d’avoir une éolienne isolée ou d’immenses
parcs à proximité les uns des autres. : « Le développement de
l’éolien à grande échelle impose de comprendre les effets des changements dans
la physique des écosystèmes. Les turbulences importantes produites par les
éoliennes entraînent des changements de vent provoquant des modifications dans
la vitesse et la direction des vagues. Dans les parcs éoliens allemands, on
observe une diminution de la stratification de la colonne d’eau et une
augmentation de la turbidité entraînant une diminution de la production
d'algues etc. Il est indispensable de développer des programmes internationaux pour
réduire les incertitudes de ces effets à long terme. »
Thierry
Ruellet , GEMEL, Chercheur en écologie littorale et biodiversité
marine :
« Remaniement des fonds, panaches turbides, anodes sacrificielles,
champs électromagnétiques créés par les câbles, autant d’impacts et d’effets
sur les poissons, les mammifères marins, les invertébrés qui demandent à être
documentés. » L’impact des anodes superficielles notamment est largement
ignoré (valeur typique : 39 tonnes de métaux divers dissous par an
pour un parc de 60 éoliennes)
Les autres parties prenantes
Giles Dickson, WindEurope (lobby des producteurs
éoliens) : Pour répondre aux plans européens, il évalue la puissance à installer
sur le littoral français à 57 GW alors que l’ADEME, dans son rapport de 2017,
évalue la puissance installable à 30 GW ! Ainsi la vision de la Commission
européenne, assise sur les recommandations de WindEurope, se situe au double
des capacités estimées du littoral français par l’ADEME. Pour la France,
cette organisation envisage d’installer 57 GW en 2050 soit 7600 éoliennes d’une
puissance nominale de 7,5 MW !!
On devine que cela n’a vraiment pas rassuré les pêcheurs présents !
Conclusions :
- Il manque de nombreuses connaissances au
plan environnemental sur les impacts effectifs de l’éolien sur les fonds marins
et les écosystèmes. Ces impacts sont différents selon qu’il s’agit de fonds sablonneux,
rocheux ou autres, selon qu’il s’agit de zones d’alimentation, de reproduction
…
Les
études menées à ce jour n’ont pas été exhaustives, ainsi n’en existe-t-il
aucune sur les invertébrés sans intérêt commercial direct qui cependant
constituent un maillon essentiel de la chaîne alimentaire.
- Sur de tels projets, la phase la plus
impactante semble celle de l’implantation : cependant, la phase préalable a
déjà de gros impacts comme on le mesure au Tréport.
Les
opérateurs rechignent à se faire imposer quelques solutions techniques
élémentaires amoindrissant les impacts telles que : renoncer au battage de
pieux (effets dévastateurs sur les vessies natatoires de certaines espèces),
renoncer aux anodes sacrificielles, ou implanter des rideaux de bulles.
- Tout
donne à penser que, sur un site éolien en exploitation, il se crée un mélange
des strates d’eau marine et donc une nouvelle distribution des nutriments, de
nouveaux habitats et un avantage donné à des espèces opportunistes.
Quant à l’effet récif avancé
par les opérateurs, il n’est pas toujours vérifié. Par contre, la constante
toujours vérifiée, c’est une raréfaction grave de la ressource autour des sites
éoliens et une baisse drastique des flottes de pêche cf. exemple de Ramsgate (UK).
Le
seul point malheureusement déjà documenté au vu de l’expérience, c’est
l’ingérence de l’éolien offshore dans l’espace économique et la diminution de
la ressource. A quoi s’ajoute le constat que même les solutions techniques
amoindrissantes (ex, les rideaux de bulles) sont insuffisantes.
- Il
faudrait aussi apprendre à tenir compte des effets cumulés, vue la densité
attendue par les pouvoirs publics ou par les opérateurs.
- Les débats dans le cadre des conseils maritimes de façade ont été jugés par de nombreux participants comme étant tout au plus un moyen pour les politiques de gagner du temps et, au bout du compte, de passer en force
Conclusion par le Président Van Dalen : La discussion d’aujourd’hui est le lancement d’un processus. Ma conclusion est que nous avons beaucoup de travail devant nous. Dans ce contexte, Van Dalen a annoncé sa désignation comme rapporteur du Rapport d’Initiative sur « L’impact des parcs éoliens en mer sur les pêcheries » (2019/2158(INI)) en préparation en 2020
Chiche. Nous verrons si les pêcheurs seront mieux entendus au niveau européen. Il le faudra car sans cela, l‘éolien en mer aura disparaitre la pêche côtière.
Or le lobby de l’éolien est extrêmement agressif cf.Wind europe : “Nous allons devoir approcher différemment la planification de l’espace maritime. Les zones aquatiques doivent pouvoir faire l’objet d’usages multiples…. Pour faciliter le développement des parcs offshore, la Commission Européenne va donc devoir résoudre ce problème en priorité. »
Commentaire : l’éolien off shore, sponsorisée
par le lobby gazier aura priorité et on enverra valdinguer protection des
paysages, conservatoires du littoral et les autres activités, telles la pêche,
le tourisme, la plaisance, les nécessités militaires.
NB : on peut aussi voir Le
VENT DU MENSONGE, un film du réalisateur belge Pascal Yernaux, qui illustre le
sacrifice de la mer et de la petite pêche côtière sous le couvert de l’écologie
et de la transition énergétique en prenant l’exemple du projet éolien d’Engie
au Tréport.
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