https://www.carbone4.com/files/Publication_Carbone_4_Chaleur_renouvelable.pdf
Quelques chiffres
La
chaleur est le premier usage énergétique en France et représente 45% de
l’énergie finale consommée. La décarbonation de la production de cette
chaleur (aujourd’hui produite à 60 % par des énergies fossiles) est un enjeu majeur de la décarbonation
du mix énergétique français.
La
biomasse est la première source de production de chaleur renouvelable (65%), suivie de loin par la géothermie,
le solaire thermique, les gaz renouvelables, les déchets et la chaleur de
récupération — certaines de ces filières sont matures et rentables et leur
potentiel parfois sous- exploité,
38%
de chaleur renouvelable en 2030. C’est
l’objectif affiché par la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE), qui
détaille les ambitions par filière. À date, seul le déploiement des Pompes À
Chaleur (PAC) aérothermiques semble se dérouler à la bonne vitesse. La part de
renouvelable n’était qu’à 23% en 2020
NB :
c’est l’une des principales raisons du retard de la France par rapport à ses
objectifs, pour lequel elle est sous la menace d’une amende conséquente
européenne (500 millions d’euros ? pour 2022) Or le grand projet
accélération des ENR se focalise une fois de plus, une fois de trop sur les ENR
électriques et ne parle pas du tout de la chaleur renouvelable.
Les
moyens de production
Les
solutions
La
décarbonation de la production de chaleur passe par le triptyque : baisse des besoins,
renouvelable, électrification.
Électrifier
la production de chaleur
: sous couvert d’avoir une production d’électricité bas-carbone abondante et
bon marché, la production de chaleur peut s’électrifier dans certains cas ; par
exemple avec des pompes à chaleur pour les particuliers, ou par un changement
de machine pour les industriels (haut-fourneau à four à arc électrique par
exemple).
Privilégier
la basse température :
Les filières de production de chaleur sans combustion sont pertinentes pour répondre
à une part importante des besoins. Les besoins en chaleur sont variés en nature
et en contrainte (température nécessaire, durée de stockage, etc.) et toutes les
technologies ne sont pas pertinentes pour y répondre. La basse température
couvre 75 % des besoins en chaleur, en grande partie les besoins du
résidentiel, du tertiaire, et 30 % des besoins de l’industrie, et gagne à
ne pas passer par une combustion (biomasse, gaz, déchets) pour être produite.
La combustion entraine des températures bien plus élevées que celles
nécessaires aux usages basse température et doit être privilégiée pour les
usages qui le nécessitent.
Solaire
thermique et géothermie disposent d’un potentiel significatif et d’acteurs
nationaux. Parmi
les filières sans combustion, deux
d’entre elles ont une zone de pertinence technique et économique en particulier
pour alimenter des réseaux de chaleur et les procédés industriels basse
température : la géothermie et le solaire thermique (respectivement 5 % et 1 %
de la chaleur renouvelable produite en 2020).
Les
recommandations
Financement : Le soutien financier à la filière
reste faible, le fonds chaleur de l’ADEME a une dotation en 2022 de 370
millions d’euros (relevée à 520 millions au printemps dans le contexte de la crise
ukrainienne). Cela paraît faible devant les 24 Mds d’euros dépensés dans le
bouclier tarifaire français sur le pétrole, l’électricité et le gaz pour
l’année 2022 qui ne soutiennent aucune transformation du système énergétique.
NB : En effet, et faible surtout devant
les qqs 120 milliards d’euros de soutient programmés pour les ENR électriques.
Il y a clairement une priorité à changer !
Electrifier à bon escient : L’électrification est un
vecteur de décarbonation qui doit être priorisé selon les secteurs. La
décarbonation de certains secteurs comme les transports ou certains volets de
l’industrie passe majoritairement par de l’électrification. La production
d’électricité étant limitée, il est crucial de prioriser les usages pour
lesquels elle a le plus d’impact, et qui ne peuvent être décarbonés autrement.
En ce qui concerne la chaleur, on peut distinguer l’électrification directe (radiateurs
électriques), de l’électrification indirecte (pompes à chaleur aérothermiques
et géothermiques) qui présente un meilleur rendement.
Préserver (autant que possible) la
biomasse. Le
développement de ces filières de production de chaleur renouvelable sans
combustion a un autre intérêt majeur : arbitrer une partie des conflits d’usage
de la biomasse. Le bilan net de l’Utilisation des Terres, Changement
d’Affectation des Terres et Forêt (UTCATF) en France en 2020 est un puits de 14
MtCO2e. Dans le Paquet Climat européen, la France s’est engagée à atteindre 34
MtCO2e net d’absorption par an dès 2030. La forêt constitue la principale
contribution à l’absorption brute (30 MtCO2e en 2020, soit 75 % des absorptions ;
Or l’absorption de carbone par la forêt a diminué de presque 60 % en 12 ans (70
MtCO2e en 2008 à 30 MtCO2e en 2020). La forêt possède de plus un rôle essentiel
dans la décarbonation de la construction, et de certains produits manufacturés.
La filière bois-énergie, qui doit rester l’usage final le plus dégradé du bois,
constituera toujours une part de production importante pour la chaleur
renouvelable, mais gagnerait à ne pas être une solution par défaut, davantage
un opportunisme local.
Produire la chaleur renouvelable sans
combustion:
-PAC aérothermiques : Les PAC aérothermiques ont couvert
33,66 TWh de production thermique renouvelable en 2020, soit 5 % de la
consommation finale de cha.
- La géothermie de surface : Elle représente une production
thermique renouvelable de 4,77 TWh en 2020 en France métropolitaine et couvre
0,7 % de la consommation finale de chaleur. Le marché français des PAC
géothermiques sur le marché des particuliers a fortement décru depuis 2008 et
reste en recul de 13 % sur la période 2019-2020, à contre-courant de la
dynamique du marché européen qui affiche une croissance de 9 % sur la même période.
- La géothermie profonde :
elle permet de transmettre de la chaleur (ou du froid) à des bâtiments,
directement ou via un réseau de chaleur. Elle s’appuie sur des forages entre 400
et 2500 m de profondeur et permet de satisfaire des besoins en température
entre 30 et 150 °C selon le lieu et la profondeur du forage, voire de plus de
150 °C pour des forages situés dans des zones d’anomalies géothermiques. La
production thermique renouvelable associée à la géothermie profonde, principalement
localisée dans le bassin parisien, correspond à 2 TWh en 2020 en France et
couvre 0,4 % de la consommation finale en chaleur.
- Le solaire thermique : Les chauffe-eau solaires
individuels représentent 79 % de la surface installée en France ; Le
solaire thermique collectif et industriel représente 18 % de la surface
installée. Son application la plus courante est la production d’eau chaude
sanitaire pour les logements collectifs ou le tertiaire.
Les systèmes solaires combinés
représentent 3 % de la surface installée et permettent de répondre à la fois
aux besoins d’ECS et de chauffage.
En 2020, la production totale de chaleur renouvelable solaire s’élève à 1,24 TWh en France métropolitaine, (environ 2,24 TWh, en comptant les DROM) ce qui représente 0,2 % de la consommation finale de chaleur.
La récupération de chaleur : Selon son origine, la plage de
température de la chaleur récupérée peut varier de 30 °C (eaux usées) à 500 °C
(gaz de combustion, etc.). La production de chaleur par les Unités de
valorisation énergétique des déchets atteint 12,73 TWh en 2020 et couvre 2 % de
la consommation finale de chaleur, 50 % sont réglementairement considérés comme
de la chaleur renouvelable, les 50 % restants sont qualifiés de chaleur de
récupération.
Les filières de production de chaleur renouvelable avec combustion
La biomasse solide : comprend le bois-énergie (23,96 TWh), utilisé dans les secteurs collectif, industriel et tertiaire et le chauffage bois domestique (75,70 GWh) utilisé dans les logements individuels via des inserts, poêles, chaudières .Elle est de loin la première source d’énergie renouvelable utilisée en France, elle représente ainsi 65 % de la production de renouvelable thermique en 2020, soit encore 15 % de la consommation finale de chaleur
Le biométhane : En 2020, on compte environ 1 100 installations de production et d’utilisation de biométhane, 65 % de ces installations produisent de la chaleur en co-génération avec l’électricité, 15 % produisent de la chaleur seule et 20 % des installations injectent leur production sur le réseau. La production thermique directe résultant de biométhane s’élève pour l’ensemble du parc à 4,5 TWh. Cette production couvre 0,7 % de la consommation finale de chaleur en France
L’hydrogène : l’anticipation des baisses de coûts
associés à l’hydrogène vert (produit à partir d’électricité renouvelable)
permet de l’envisager comme un vecteur de production de chaleur renouvelable
qui pourrait être intégré ou se substituer aux fossiles dans les unités de
production de chaleur et répondre à des besoins de hautes températures. A court
et moyen termes, cet usage ne semble cependant pas se dessiner comme
prioritaire pour l’hydrogène.
En pratique : réseaux de chaleur, températures
desservies et stockage
En 2020, les réseaux de chaleur utilisaient 60,5 % d’énergies renouvelables (contre 23,% pour l’ensemble de la production de chaleur) et de récupération contre 31 % en 2010x. La Loi de la Transition Énergétique et de la Croissance Verte a fixé l’objectif de livrer sur les réseaux de chaleur 39,5 TWh d’EnR&R en 2030 tandis qu’ils ont permis de livrer 25,4 TWh de chaleur livrée nette en 2020 avec un contenu carbone moyen de 129 gCO2e/kWh (émissions ACV)
Les besoins en basse température
représentent environ 75 % des besoins de chaleur, majoritairement portés par le
résidentiel et le tertiaire. Sur ces besoins en basse température, 75 % sont
couverts par des technologies avec combustion (y compris combustion de
renouvelables - biomasse solide, biométhane) tandis que les filières de production
de chaleur renouvelable sans combustion sont souvent adaptées pour y répondre.
Valoriser les sources de chaleur renouvelables sans combustion permettrait de
prioriser l’utilisation des vecteurs combustibles issus de la biomasse,
qualifiée de “ressource rare en 2050” .
Les solutions de stockage de la
chaleur : stockage
de chaleur sensible stockage
de chaleur latente, Le stockage thermochimique
Situation et objectifs de
croissance
Pour atteindre l’objectif fixé par
la LTECV, la croissance du taux de chaleur renouvelable devrait atteindre 1,5
points par an, soit un rythme quasiment deux fois plus soutenu que celui
observé sur la période 2015-2020.
Seule la filière des PAC
aérothermiques se développe à un rythme suffisant pour atteindre les objectifs
de 2030. Les autres filières comme la biomasse solide, le biogaz ou les PAC
géothermiques montrent une croissance trop faible pour atteindre les objectifs.
Les filières du solaire thermique
et de la géothermie représentent une faible part en absolu de la capacité renouvelable prévisionnelle de 2028 mais ont
cependant des objectifs de croissance très ambitieux sur la période 2018-2028
avec une croissance attendue jusqu’à 190 % pour la géothermie profonde, 60 %
pour les PAC géothermiques et 110 % pour le solaire thermique.
L’objectif intermédiaire de 38 % de
renouvelable dans la production de chaleur fixé par la PPE, révisée en 2019,
semble à la fois difficilement atteignable au rythme actuel mais également très
ambitieux sur la contribution des filières biomasse solide et biogaz à cet
objectif.
Toutes les chaleurs renouvelables ne se valent pas :
Fonds Chaleur de l’ADEME : a financé 27 % des investissements
réalisés11 dans les installations de chaleur renouvelable sur la période 2009-2021
via appels à projets nationaux annuels, dispositif d’aides régionales, soutiens
conclus de gré à gré.
Certificats d’économie d’énergie (CEE) :
prime en chèque,
bons d’achat, réductions, services gratuits…
Ma Prime Rénov’, éco-prêt à taux
zéro, Coup de pouce économies d’énergie, TVA à 5,5 % ou l’exonération de la
taxe foncière pour les travaux réalisant des économies d’énergie…, fonds de
garanties spécifiques à certaines filières comme la géothermie profonde
(SAF-Environnement) et à la géothermie de surface (Aquapac)
Comparaisons internationales :
Les recommandations de carbone 4
1) Ne pas se tromper de priorité :
En 2019, la
chaleur générait environ 5 fois plus de GES que la production d’électricité totale
en France. Pourtant en 2020, sur les presque 10 Md€ d‘investissements favorables
au climat dans le secteur de la production d’énergie, la chaleur représentait 13
% des investissements contre 87 % investis dans la production électrique.
En effet, la chaleur est à la fois
plus carbonée et représente à ce jour une quantité annuelle d’énergie servie
plus importante que l’électricité.
2) Un réseau d’acteurs compétents
et agréés capables de répondre localement aux besoins techniques associés
aux filières de production de chaleur renouvelable. À titre de
contre-exemple, il n’existe qu’une cinquantaine d’entreprises de forage
qualifiées dans toute la France pour la réalisation de forages pour de la
géothermie de surface ;
3) De la visibilité (post PPE)
et de la communication (pour tous les publics) pour que les filières de
production renouvelable soient envisagées et mises à l’étude au début des
projets ;
4) Des mécanismes de soutien dimensionnés et orientés selon les besoins et objectifs fixés à chaque filière.
5) Tout arbitrage permettant de
décarboner certains usages sans les électrifier semble bon à prendre.
6)Les filières avec combustion sont
intéressantes car elles permettent de répondre à des besoins en température
très élevée et sont 100 % pilotables. La
contrepartie est qu’elles sont sur-sollicitées dans les scénarios de décarbonation
et qu’elles se basent sur un gisement fini (conflits d’usages de la biomasse). Il
faudra donc en prioriser les usages.
7) Le solaire thermique individuel
pour le résidentiel représente actuellement l’essentiel de la capacité
installée et il est particulièrement intéressant dans certaines régions françaises
(ex : DROM-COM). Toutefois, l’essor des grandes installations de solaire thermique
est une opportunité de croissance rapide pour la filière. En effet,
l’essentiel des coûts du solaire thermique résidant dans l’investissement
initial, les applications à grandes échelles permettent d’optimiser ces coûts
et de faire baisser à la fois le prix de la chaleur produite et son empreinte
carbone. Le solaire thermique à l’avantage d’utiliser des panneaux
manufacturés en Europe dont les filières de production sont structurées et
présentent même un solde d’exportation positif en Europe, par opposition au
solaire photovoltaïque.
Quelques projets, notamment dans le
tertiaire, couplent le solaire thermique avec du stockage géothermique de
surface, inter-saisonnier (par exemple sur champs de sondes) pour maximiser
l’utilisation des énergies renouvelables dans la consommation énergétique des
bâtiments.
8) La géothermie dispose d’un
triple avantage :
elle ne présente pas de variabilité saisonnière ; elle répond aux besoins en
chaud et en froid (amenés à augmenter) ; elle ne nécessite pas de stockage de
chaleur.. Quand elle
est possible, la géothermie profonde est particulièrement pertinente à utiliser
comme base sur un réseau de chaleur urbain ou industriel.
9) Biomasse : attention aux conflits
d’usage de l’or vert
Après avoir été fortement en hausse
sur la période 1990- 2005, le puits de carbone en France a fortement diminué
ces dernières années, il est passé de -45MtCO2e au milieu des années 2000, a
-35 MtCO2e en 2015, puis la diminution s’est accélérée pour arriver à -14
MtCO2e en 2020.
La diminution du puits est liée
principalement à l’effondrement du puits de carbone ,forestier menacé par : •
Les sécheresses à répétition • Les crises sanitaires (scolytes, chalarose …) •
Le ralentissement de la croissance des peuplements • Une hausse des
prélèvements (50,1 Mm3 par an entre 2011 et 2019, contre 42,4 sur la période
2005-2013)
Dans un contexte où le changement
climatique et l’effondrement de la biodiversité fragilisent ces puits de
carbone, des enjeux importants émergent dans l’adaptation des forêts au
changement climatique et la favorisation de la résilience des peuplements pour
permettre un maintien voire une régénération du puits forestier.
Il est nécessaire d’identifier et
d’actionner les leviers qui permettent une réorientation des usages, qui
priorise l’utilisation du bois récolté dans des produits bois à longue durée de
vie plutôt qu’à des fins énergétiques
comme le montrent les nouveaux critères restrictifs appliqués à la bioénergie
exprimés dans la directive européenne sur les énergies renouvelables
Conclusion
Le retard français en matière de
chaleur renouvelable s’explique par un manque de structuration de certaines
filières, une, enveloppe de financement insuffisante dédiée au Fonds Chaleur et
des mécanismes de soutien parfois peu efficaces, lisibles ou incitatifs. Il
existe pourtant des solutions, couplées entre elles ou avec du stockage, pour
décarboner la chaleur, notamment celle à basse température, qui représente
environ 75% des besoins.
Dans un contexte énergétique et géopolitique qui nous pousse à accélérer drastiquement la transition vers des énergies bas-carbone, ces solutions de production de chaleur basse température locales sont pertinentes pour gagner en souveraineté énergétique. Même si la hausse des prix de l’énergie peut faire apparaître leur avantage économique, elles ont besoin d’un soutien financier adapté sur le long-terme pour se déployer à grande échelle. Du côté des consommateurs, c’est l’assurance d’une visibilité sur les prix tout en pouvant sortir des énergies fossiles.
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