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mardi 15 août 2023

Les plans fous que l’Allemagne veut imposer à l’Europe pour l’hydrogène !

 1) l’Allemagne manipule l’Europe avec son plan hydrogène

Remarquable article de Michel Gay : https://www.contrepoints.org/2023/08/09/461428-lallemagne-manipule-leurope-avec-son-plan-hydrogene

Extraits : L’Allemagne annonce la construction de presque 24 gigawatts (GW) de centrales « à hydrogène » qu’elle veut faire subventionner par l’Union européenne.

Après avoir supprimé environ 20 gigawatts (GW) de nucléaire bas carbone (17 réacteurs), l’Allemagne comptait sur les énergies renouvelables intermittentes (EnRI) pour les remplacer. Mais les productions fatales de ces dernières étant insuffisantes, ce pays a conservé son parc pilotable au gaz et au charbon qui reste indispensable en soutien 

« Pour masquer l’échec de sa transition énergétique (Energiewende) et obtenir en plus des subventions de l’Union européenne, l’Allemagne a donc imaginé ce projet ubuesque de 24 GW de centrales électriques, dites « à hydrogène ».

En réalité, ce sont des centrales à gaz capables de brûler aussi de l’hydrogène, mais qui doivent être subventionnées, car leur fonctionnement intermittent en complément des productions elles-mêmes intermittentes des EnRI, va limiter leur rentabilité. »

NB : là-dessus, ne pas hésiter à aller sur le compte parodique RACG @charbongaz   (il faut bien préciser parodique parce qu’ils ont eu des problèmes) qui traite très bien de cette problématique

 

« Dans cet objectif, l’Allemagne prévoit, dès 2024, de  lancer des appels d’offres pour près de 9 GW de nouvelles centrales à gaz censées fonctionner dès le départ à l’hydrogène. »

Et quand bien même ces centrales hydrogen ready fonctionneraient à l’hydrogène, la question à plusieurs milliards reste :

« Et d’où viendrait l’hydrogène consommé dans ces centrales « à gaz » ?

Selon l’Allemagne, l’électricité requise serait majoritairement produite par des éoliennes en mer…

McKinsey estime à 30 GW au moins le manque de moyens pilotables en Allemagne à l’horizon de 2030. Ce cabinet d’experts doute que les conditions pour la construction des nouvelles centrales soient remplies en temps voulu. Notamment, la bascule vers un hydrogène « vert » à un prix raisonnable reste incertaine, voire illusoire.

 

La capacité nationale de production d’énergies éolienne et solaire (estimée à environ 100 TWh en 2030) ne suffira pas à couvrir le besoin d’électricité pour la production d’hydrogène dont les importations seront indispensables, comme les importations de gaz méthane aujourd’hui.


Ben c’est pas grave et c’est là que c’est rusé ; parce qu’en attendant Godot  hydrogène vert, ces centrales hydrogène ready pourront très bien fonctionner… et même se rentabiliser  au gaz classique…tout en étant financée au nom de la transition écologique et par des crédits verts. Rusé !

D’où le titre de l’article de Michel Gay : « l’Allemagne manipule l’Europe avec son plan hydrogène » : 

« Si les subventions pour ces centrales à gaz « dites à hydrogène » sont attribuées par l’Europe, il s’agira de la deuxième arnaque du siècle réussie par l’Allemagne, après avoir fait croire que les énergies éolienne et solaire pouvaient assurer son avenir énergétique !

Pendant ce temps, la France bataille pour que l’Union européenne l’aide financièrement à prolonger ses centrales nucléaires (émettant moins de carbone (4 g CO2/kWh) que l’éolien ou le solaire), et à en construire de nouvelles. »

 

Pas mieux !

 

Quasi-simultanément, Jean-Marc Jancovici publie un post linked dans lequel il critique un rapport de Deloitte, très proche de la vision allemande :  L’hydrogène vert : un accélérateur de transition vers la neutralité carbone Analyse mondiale du marché de l’hydrogène vert à horizon 2050.

 

2) Le rapport de Deloitte : L’hydrogène vert : Analyse mondiale du marché de l’hydrogène vert à horizon 2050

 

Extraits

 

« La demande européenne en hydrogène décarboné pourrait atteindre jusque 95 millions de tonnes en 2050. A cet horizon, l’Europe serait le quatrième marché régional de l’hydrogène en valeur, générant presque 200 milliards de dollar de revenus par an. »

 

« L’Europe pourra s’appuyer sur ses propres ressources pour produire des volumes conséquents d’hydrogène décarboné, en particulier pour les usages en hydrogène pur, plus difficile à transporter sur de longues distances. Deloitte estime que la production européenne pourrait atteindre 55 millions de tonnes par an d’ici à 2050. Du fait de ses caractéristiques géographiques, il lui sera cependant difficile de satisfaire l’intégralité de sa demande à un coût abordable. L’Europe pourrait ainsi s’appuyer sur des partenaires nord-africains, du Moyen-Orient, d’Afrique sub-saharienne, ou nord-américains pour fournir jusqu’à 40 % de sa demande globale. »

 

« D'ici à 2050, les principaux exportateurs devraient être l'Afrique du Nord (110 milliards de dollars par an), l'Amérique du Nord (63 milliards de dollars), l'Australie (39 milliards de dollars) et le Moyen-Orient (20 milliards de dollars). »



https://www2.deloitte.com/fr/fr/pages/sustainability-services/articles/hydrogene-vert-accelerateur-de-transition-vers-neutralite-carbone.html

 

3) La réponse de Jancovici : il manque le principal : faire quelques règles de trois


https://www.linkedin.com/feed/update/urn:li:activity:7095161561777848320/

 

Extraits : « Deloitte publie un rapport sur "l'hydrogène vert, qui est repris par Les Echos avec un titre très emphatique. Exit le pétrole, voici l'hydrogène vert !... »

 

« Le travail de Deloitte évoque une production de 600 millions de tonnes d'H2 vert en 2050. Le contenu énergétique de l'hydrogène est de 33 kWh par kg. 600 millions de tonnes d'H2 ont donc un contenu énergétique de 20.000 TWh (1 TWh = 1.000.000.000 kWh). C'est le contenu énergétique de 40% de la production mondiale actuelle de pétrole, ou 50% de celle de gaz. Là ca semble déjà plus impressionnant ! »

 

Le rendement de l'électrolyse est d'environ 70%. Pour produire ces 600 millions de tonnes d'H2 il faut donc environ 28.000 TWh d'électricité, soit... la totalité de la production électrique mondiale actuelle, ou environ 3,5 fois la production ENR actuelle en incluant l'hydro (et bien évidemment si on prend cette électricité pour faire de l'hydrogène, elle n'est plus disponible pour ses usages actuels). »

 

« Parlons argent : le rapport évoque un marché de 280 milliards de dollars pour les exportateurs de cet hydrogène vert. Au vu du contenu énergétique évoqué ci-dessus… ca semble peu. Accessoirement se risquer à évoquer un prix à la tonne dans 27 ans me paraît un poil osé…


Si l'on se limite à parler coût de revient, il faut alors "prévoir" le coût futur des dispositifs solaires et éoliens qui seront mobilisés. Or, les coûts actuels de production de ces dispositifs sont obtenus dans un monde où l'industrie est extraordinairement productive grâce aux combustibles et les transports très faciles grâce au pétrole.

Que restera-t-il de cette "productivité" dans un monde dépourvu de combustibles fossiles, ce qui est l'hypothèse implicite légitimant de produire de l'hydrogène “vert” ? »

 

« Autre question : pourquoi les pays d'Afrique du Nord ou d'Amérique du Sud affecteraient en priorité leurs ENR à fournir en H2 des européens ou des asiatiques ne souhaitant pas devenir sobres, plutôt qu'à leur propre décarbonation ? » (cf ci -après l'écocolonialisme)

 

« Deloitte évoque 3 points de vigilance pour les pouvoirs publics. Il me semble qu'il manque le principal : faire quelques règles de trois et se poser quelques questions avant de prendre nos paris ! La production électrique a certes un peu plus que doublé sur les 27 dernières années. Mais.... cela s'est surtout fait avec du charbon et du gaz ! »

 

Sur ce point de l’hydrogène et de sa bulle éventuelle, un auteur est particulièrement intéressant à suivre : Samuele Furfari

, cf. par exemple

 

4)S. Furfari :  Hydrogène vert, un siècle et toujours du vent. L’écocolonialisme.

 

https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/hydrogene-vert-un-siecle-et-toujours-du-vent-950641.html

https://www.science-climat-energie.be/2021/11/07/lecocolonialisme-au-pays-du-surrealisme/

 

Extraits

 

« Les sympathiques idées de John Haldane le sont toujours après un siècle, de sorte que l'hydrogène restera toujours l'énergie du futur. L'hydrogène est indispensable à la vie d'une société moderne. Il n'est pas du tout nécessaire pour la politique énergétique. Il restera l'éternelle utopie. » ( JBS Haldane, généticien et biologiste britannique qui s’est risqué en 1923 dans un discours à Cambridge à prédire une socitété basée sur l’hydrogène renouvelable) »

  

« Parler de l’hydrogène est la dernière trouvaille des politiques pour faire croire qu’ils maîtrisent la technique en promouvant un produit propre « dont la combustion ne produit que de l’eau » suivant le slogan d’un constructeur automobile ; cette référence est particulièrement déplacée, dans la mesure où le rendement énergétique d’une voiture électrique à batterie est trois fois supérieur à celui d’une voiture à hydrogène. »

 

«  On aimerait connaître le prix de l’hydrogène produit en Namibie ; dans plusieurs publications récentes, avec mon collègue italien Alessandro Clerici, nous montrons dans un article publié par Science-climat-énergie que la production d’hydrogène dit vert est une aberration économique, car le coût de production est exorbitant. Même à partir de solaire dans les Émirats arabes unis le coût de production en 2030 serait de 2 €/kg avec un très haut rendement d’électrolyse de 69 %, un discounted rate de 8 % et un CAPEX de 450 €/kW. »

 

On aimerait savoir quel est le coût de l’hydrogène rendu au port d’Anvers, le pôle pétrochimique qui a bien besoin de cette molécule noble. …transporter de l’hydrogène ce n’est pas comme transporter du gaz naturel. C’est bien plus compliqué à cause de la nature chimique de la molécule.

 

Cette question du transport de l’hydrogène en mer a déjà été étudiée sur toutes ses facettes par les fonctionnaires européens dans les recherches mentionnées ci-dessus. Par exemple, afin d’importer dans l’UE de l’hydrogène qui aurait dû être produit par l’abondante hydroélectricité du Québec, un protocole d’accord entre le ministère des Ressources naturelles de la province canadienne et la Commission européenne a été signé en 1988. Les calculs ont montré que les solutions envisagées étaient impraticables : 54 % de perte d’énergie à cause de la transformation chimique du toluène en méthylcyclohexane dans le sens Canada UE, et inversement. De plus, transporter à vide 92 kg de toluène pour transporter 2 kg d’hydrogène est bien évidemment une aberration.

 

« La ministre explique que la moitié de l’hydrogène restera sur place en Namibie. Si c’est pour l’utiliser à la production d’engrais pour donner à manger à la population on peut s’en réjouir, puisque c’est là un usage incontournable de l’hydrogène. Mais ils pourraient très bien aussi le produire à moindre coût à partir de gaz naturel… »

 

« Lorsque les chercheurs du Centre commun de recherche de la Commission Européenne ont travaillé sur l’hydrogène, c’était pour le faire à partir de l’électricité nucléaire, la bête noire de la ministre belge. Mes calculs avec Alessandro Clerici publiés par Science-climat-énergie ont montré que la seule façon de limiter les coûts de la production d’hydrogène – mais toujours plus cher qu’à partir du gaz naturel  – est avec l’électricité produite par les centrales nucléaires existantes »

 

« Dernier point, gardé pour la fin, car il est le plus honteux. En 2019 d’après la Banque mondiale 55 % de la population de la Namibie est connectée au réseau électrique. Et comme partout en Afrique, le système électrique est très instable ce qui occasionne des coupures d’alimentation récurrentes (la principale source pour la production d’électricité pour les personnes nanties en Afrique est le diesel qui alimente les groupes électrogènes domestiques). »

 

 « Comment peut-on seulement penser à aller produire de l’hydrogène pour un souci de pays surréaliste, en l’occurrence la Belgique, dans un pays pauvre ? Cela est aussi indigne que l’idée saugrenue allemande du projet Desertec pour produire de l’électricité dans le Sahara à transporter en Allemagne. L’échec éthique et économique de ce projet n’a pas suffi à l’Allemagne qui envisage à présent de produire de l’hydrogène au Maroc. Est-ce parce que la Namibie est son ancienne colonie que l’Allemagne laisse la place à la Belgique ? « 

 

« La Commission européenne ― toujours prête à copier l’Allemagne ― dans sa stratégie hydrogène du 7 juillet 2020 a osé proposer l’écocolonialisme par l’hydrogène en Afrique, mais heureusement le Conseil européen du 11 décembre 2020 a refusé d’entériner cette faute éthique. »

 

« Si l’on veut que l’Afrique se développe, une chose est à faire en premier : doter le continent d’une production d’énergie abondante et bon marché. Un article du 5 novembre 2021 qui me cite lors du colloque «Le paradoxe africain», tenu le 10 juin dernier à l’École militaire de Paris, rappelle fort opportunément que « nous autres Européens consommons 6 100 kWh/an par personne, et les Africains 530 kWh/an par personne, soit 12 fois moins. De plus, nous savons que si la population africaine va augmenter de façon importante dans les prochaines années, elle aura besoin d’encore plus d’énergie ».


"La Belgique surréaliste préférerait ainsi capturer l’électricité des Africains en situation de pauvreté énergétique. . L’écocolonialisme est-il le nouveau colonialisme à la belge? »



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