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vendredi 6 octobre 2023

Arrêt Combray : la prise en compte du patrimoine immatériel dans les autorisations de parcs éolien

 Dans une décision rendue le 4 octobre 2023, le Conseil d’État retoque définitivement  un projet de parc éolien situé près d’Illiers-Combray, commune décrite dans les œuvres de Marcel Proust.

C’est une décision majeure qui autorise la prise en compte du patrimoine immatériel dans les autorisations de parcs éolien :   les atteintes portées au sol, à la faune et à la flore, ne sont désormais plus les seuls critères à examiner avant d’autoriser l’installation d’un parc éolien.

Les atteintes à des paysages liés au patrimoine immatériel breton comme les sites remarquables de Bell-Île, Quiberon, Groix,  Erdeven sont donc évidemment concernés.

Un point intéressant est que le rapporteur cite explicitement  des patrimoines marins comme Etretat ou le chateau d’If comme possédant des caractéristiques intrinsèques de beauté exceptionnelle ou de valeur patrimoniale historique suffisant à justifier la préservation

L’affaire a commencé au mois d’octobre 2020, année durant laquelle la préfète d’Eure-et-Loir de l’époque, notamment soutenue par la société des amis de Marcel Proust et des amis de Combray, refuse de délivrer l’autorisation environnementale pour lancer le projet éolien.

Extraits significatifs

Définition du paysage : « l’article L. 350-1 A du code de l’environnement définit le paysage comme « une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l'action de facteurs naturels ou humains et de leurs interrelations dynamiques. » Cette définition reprend celle de la convention européenne du paysage signée sous l’égide du Conseil de l’Europe à Florence le 20 octobre 2000 et dont l’article 5 définit le paysage comme « composante essentielle du cadre de vie des populations, expression de la diversité de leur patrimoine commun culturel et naturel, et fondement de leur identité (…) »

Protection du paysage et patrimoine immatériel : « Les prescriptions du code de l’environnement autorisent l’administration à prendre en compte, pour apprécier l’importance des « dangers et des inconvénients » pour « la protection des paysages » et des « sites », l’inscription de ces sites et paysages dans un contexte historique ou culturel particulier »

« La prise en compte de la composante littéraire du paysage ne méconnaît pas le principe selon lequel la notion de paysage au sens de l’article L. 511-1 s’entend d’un paysage matérialisé, avec une consistance physique : il s’agit bien en effet toujours de préserver un paysage réel, mais dont l’intérêt réside dans la correspondance qu’il entretient avec le paysage, imaginaire, de l’œuvre »

Les conditions d’applications : « trois facteurs paraissent devoir être réunis pour justifier un refus d’autorisation sur le fondement de l’article L. 511-1 : d’abord, la renommée de l’oeuvre ou sa place particulière dans l’histoire de l’art ; ensuite, l’existence d’une relation si étroite entre et l’oeuvre et un paysage inscrit dans un lieu précis que le second apparaisse immédiatement et indissociablement lié à la première ; enfin, un état de conservation des lieux suffisant, au regard de la description qui en est faite dans l’oeuvre, pour que la correspondance de l’un à l’autre présente encore un enjeu »

Par cette décision, le Conseil d'Etat ouvre un champ nouveau de réflexion sur les compromis à trouver entre choix de nature et choix de culture d’une société. Cela laisse aussi entendre que les atteintes portées au sol, à la faune et à la flore, ne sont désormais plus les seuls critères à examiner avant d’autoriser l’installation d’un parc éolien »

Même en l’absence d’œuvre, la beauté exceptionnelle des lieux ou leur valeur patrimoniale suffit :«  Le motif tiré de la composante artistique ou littéraire ne devrait être mobilisé que de manière tout à fait exceptionnelle. Dans bien des cas, ce sont les caractéristiques intrinsèques des lieux, leur beauté exceptionnelle ou leur valeur patrimoniale historique qui suffiront à justifier la préservation des paysages et des sites, que l’on pense à la Montagne Sainte-Victoire peinte par Cézanne, au site d’Etretat évoqué par Maurice Leblanc ou au château d’If du Comte de Monte-Christo. »


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