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vendredi 13 octobre 2023

Patrimoine National et Climat sur le bilan prévisionnel 2035 de RTE

 1) Un tabou tombe : «Pour éviter ruine ou black-out, nous allons hélas devoir construire des centrales à gaz»

Patrimoine Nucléaire et Climat a pris une position courageuse mais que beaucoup d’experts réclamaient sans trop oser le dire. Il va falloir relancer la construction de centrales à gaz !

Tribune Figaro Vox, https://www.lefigaro.fr/vox/societe/pour-eviter-ruine-ou-black-out-nous-allons-helas-devoir-construire-des-centrales-a-gaz-20230927

Dans l'attente d'une reprise du nucléaire, il faut trouver une solution pour couvrir les besoins énergétiques de la France, plaident l’ancien président de l’Assemblée nationale Bernard Accoyer, et les anciens ministres Jean-Pierre Chevènement et François Goulard.

« Pour avoir délibérément sous-estimé l'évolution de sa consommation et avoir décidé en dix ans la fermeture de plus de 10 GWe de capacité de production électrique, la France se trouve aujourd'hui face à un « mur énergétique », selon l'expression de la ministre en charge de la transition énergétique, qu'il s'agisse du court, moyen ou long terme. La situation est grave, car nous manquons de moyens de production pilotables, et les conséquences industrielles, économiques, sociales et politiques, déjà lourdes, ne peuvent que s'aggraver. »

« La relance de la filière nucléaire, essentielle et réclamée dans le rapport d'Escatha-Billon d'il y a 5 ans, ne pourra raisonnablement pas répondre à ces besoins avant 2035-2040. »

« RTE, CRE, comme la DGEC restent obstinément dans le déni face aux besoins en électricité pilotable »

« Il faut être réalistes et ne pas se cacher derrière des scénarios évolutifs et autres planifications complexes, qui restent des exercices théoriques technocratiques, entachés de biais multiples… Ces centrales de pointe, dont le coût d'investissement est modéré, ne seraient appelées qu'en cas de nécessité lors des pointes de consommation et pour compenser l'indisponibilité de l'éolien et du solaire. Leurs émissions de GES seraient donc modestes et largement compensées par les économies globales d'émissions obtenues grâce à l'électrification de notre économie et de notre patrimoine industriel. Elles nous protégeraient d'importations ruineuses d'une électricité hyper-carbonée, de la fragilisation de notre industrie face à une production hachée par les effacements et du risque de black-out. Nous serions robustes quelle que soit la météo ! »

2) Positifs et negatifs du bilan bilan prévisionnel 2035 de RTE

 PNC se félicite par ailleurs des évolutions récentes de RTE :

« -La perspective inéluctable d’une croissance forte des besoins en électricité est actée ;

- les scénarios à objectif 100 % renouvelables, très présents dans le document « 2050 »de 2021, semblent tombés dans l’oubli, même dans les questions en conférence de presse ;

- le nucléaire est clairement rentré en grâce.

Et de la fin de quelques illusions (mais pas de toutes …) :

- La flexibilité de la demande et les batteries ne résolvent pas tout

- Révision à la baisse des puits de carbone et du volume de biomasse disponible ;

- Doutes sur les smart grids

- Prudence sur la flexibilité des électrolyseurs…mais RTE la considère comme indispensable, ce qui n’est pas acquis, sauf à accepter des pertes de rendement. Par  ailleurs, la filière hydrogène n’est pas présentée en tant que « stockage d’électricité ».

- Prudence sur la rénovation thermique des logements, ce qui oriente vers le  changement d’énergie vers les sources décarbonées, essentiellement l’électricité et les PAC.

Sur un plan général, il est frappant de constater que ce bilan donne très peu d’indications sur  les prévisions 2030, bien que les engagements de la France vis-à-vis des directives et recommandations européennes soient à cette date. Cette remarque porte à penser que RTE  estime les objectifs 2030 largement inatteignables et reporte aux 5 années suivantes l’essentiel des développements,

RTE présente des développements larges hors du champ d’expertise de RTE et limités sur son  cœur de mission. A titre d’exemple : l’analyse technico économique de la compétitivité de  l’hydrogène décarboné produit en France ou importé, suivant l’usage (RTE a eu cependant  des échanges importants avec GRTgaz sur le sujet et se doit d’étudier l’impact de l’émergence  de l’hydrogène).

Par contre, les questions concernant le réseau électrique et l’équilibre instantané production consommation ne sont en large partie que survolées. »

3) Encore un gros déni de RTE : l’ingérabilité de  l’intermittence avec la montée en puissance des ENR

On ne peut qu’être surpris de la légèreté de la présentation faite de la gestion de  l’intermittence. La gestion quotidienne des pics de production solaire (ou de leur  absence) est abordée (très modestement) par les § 19 (P. 54) et 21 (P.60), avec recours  à la flexibilité, à la modulation des pilotables et à l’écrêtement des ENRi. En effet,  une  simple extrapolation à 2035 des productions actuelles aux capacités indiquées (122 GWe intermittents) montre la difficulté de la tâche, sauf à modifier très profondément les  conditions d’acceptation de ces productions sur les réseaux (des écrêtements massifs  seront indispensables, ce qui changera la rentabilité de ces sources et les règles de  marché).

Il est aisé, sur la base des données RTE téléchargeables sur le site Eco2mix,  d’extrapoler les productions intermittentes en 2035 en tenant compte des croissances  prévues des capacités de chaque source en supposant, ce qui est raisonnable, des  données climatiques similaires aux actuelles.


- En conditions hivernales la fluctuation de puissance sur une journée pourra atteindre  une cinquantaine de GWe et on pourra avoir sur des périodes de 2 à 3 semaines des  taux de charge extrêmement faibles, oscillant entre 3 et 10 % seulement de la  capacité installée. L’importance des déficits de puissance dépasse de loin les  projections, optimistes, d’efficacité et de flexibilité



- En conditions estivales les fluctuations de puissance des intermittentes varieront de  2 à 57 GWe avec des écarts matin et soir de 40 à 50 GWe, leur apport étant souvent  proche de la puissance appelée en milieu de journée, mais très faible la nuit (de 2 à  10 GWe malgré 118 GWe installés). L’écart entre la consommation et la production  évoluera chaque nuit entre 35 et 54 GWe.

L’impact quotidien sur le fonctionnement  des capacités pilotables ne sera pas gérable, bien au-delà de ce qu’on pourra attendre  de leur suivi de charge et des flexibilités ou effacements. Il faudra écrêter (à quelles  conditions ?), exporter à bas prix le jour (les pays voisins seront confrontés aux  mêmes excès) et importer si notre capacité pilotable n’est pas restaurée

 

La gestion des gradients de puissance des ENRi et de la capacité pour les pilotables  de les accommoder n’est pas abordée si ce n’est pour nier la responsabilité des ENRi,  en usant d’un sophisme étonnant (page 45) « L’augmentation de la part des énergies  renouvelables dans le mix électrique à l’horizon 2030-2035 ne conduira pas  nécessairement le parc nucléaire à moduler davantage qu’aujourd’hui, mais la part  de modulation liée au manque de débouchés économiques augmentera » (un non dit : à cause du suréquipement en ENRi.)

Par exemple, en été l’analyse des variations de puissance horaire des capacités  intermittentes montre qu’elles atteindront 10 à 14 GWe en une heure, deux fois par  jour à la hausse puis à la baisse, alors que la consommation est faible.


C’est toute l’organisation de l’accès au marché de l’électricité des moyens intermittents (qui  devraient supporter les inconvénients de leur variabilité) et des moyens pilotables  (dont l’économie doit être impérativement préservée) qui devra être profondément  repensée, et ceci dès les prochaines années.

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