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lundi 26 décembre 2011

OGM : faut-il en avoir peur ?

Mythes, peurs et histoire

Rien de nouveau ? En un sens les Organismes Génétiquement Modifiés n’ont rien de nouveau. Depuis longtemps l’homme a amélioré les  espèces végétales et animales par croisement, des plus grandes aux plus petites. Que serait notre alimentation si les agriculteurs, pendant des millénaires, n’avaient pas fait évoluer leurs plantes, si l’on en était resté aux formes primitives du blé (l’égilope ?), du maïs (la téosinte) , du riz, de la pomme de terre ? Et l’excellent Charolais n’a rien d’une espèce sauvage. Les levures produisant la bière ou le pain, ces premiers exemples de biotechnologie,  ont fait l’objet de sélections millénaires.
Ce qui est nouveau c’est que le progrès des biotechnologies a rendu moins aléatoires, plus rationnelles et extraordinairement plus efficaces les techniques traditionnelles de croisement d’espèces, permettant plus sûrement d’obtenir des variétés possédant un caractère désiré.
En même temps, ces techniques de génie génétique rendent plus sûres les OGM, car l’on connaît précisément les modifications qu’ils ont subies. Comme pour toutes variétés nouvelles, ils doivent passer par le filtre des tests toxicologiques et écotoxicologiques réglementaires mais l’on risque moins de surprises. Ainsi, on peut plus facilement étudier l’effet direct de la présence accrue de certaines protéines à partir de ces protéines purifiées, ce qui procure une marge de sécurité supplémentaire. Le risque allergène a souvent été mis en avant ; là encore, il est moindre que pour n’importe quelle nouvelle espèce créée par une méthode traditionnelle, d’ autant qu’il existe des banques de données de plus en plus précises de séquences protéiques allergisantes.
Rien de nouveau ? L’homme n’a pas attendu les OGM pour provoquer des catastrophes. Ainsi, dans les années 30, des sélectionneurs américains ont l’idée d’améliorer les grandes plaines américaines pour la nutrition du bétail  en y introduisant une variante spéciale de la fétuque élevée, Kentucky 131. Il s’avéra rapidement que cette variété empoisonnait le bétail , provoquant avortement, réduction de croissance, chute des queues et des sabots… Mais Kentucky 131 s’est si bien adaptée qu’elle occupe plus de 140.000 km2 aux USA et est devenue invasive dans les prairies naturelles (La Recherche, nov2011). L’introduction volontaire de la myxomatose, notamment en France, pour contrôler la pullulation des lapins… a entraîné entre 1952 et 1955 la mort de plus de 90% des lapins sauvages, et la décimation des clapiers familiauxx et industriels, et l’effondrement de la production de peaux….
Donc oui, l’introduction des OGM doit être étudiée et contrôlée, comme toute introduction de nouvelles espèces. Là encore, les techniques utilisées rendent, doivent aussi rendre plus facile le contrôle en cas de dissémination ou autre problème.

Des OGM à l’origine d’immenses progrès

En 1978, un gène humain codant l’insuline est introduit dans la bactérie Escherichia coli, pour lui faire produire de l’insuline humaine. En 1982, la mise sur le marché d’insuline recombinante est la première application commerciale du génie génétique et révolutionne le traitement du diabète. Le drame des enfants atteints par la maladie de Creutzfeld Jacob lors du traitement par une hormone de croissance contaminée extraite d’hypophyses de cadavres ne pourrait plus se produire ; désormais, l’hormone de croissance est aussi produite par des OGM. Les techniques de génie génétique sont aussi mises à profit pour le traitement de maladies, jusqu’ici incurables, par thérapie génique (mucoviscidose, hémophilie, déficit immunitaires graves…). Les patients ainsi traités seront, au moins partiellement, des humains génétiquement modifiés…
L’utilisation d’animaux de laboratoires génétiquement modifié (généralement rats ou souris) pour reproduire au mieux des pathologies humaines et inventer de nouveau traitements est d’usage maintenant courant. Des entreprises françaises telles GenOway, sont en passe de devenir  des leaders du marché du rongeur génétiquement modifié. Là encore, il ne s’agît que de réaliser plus efficacement et rationnellement une démarche traditionnelle qui avait, par exemple, permis d’obtenir des races de rat génétiquement hypertendus ; cependant, devant l’extension de ces méthodes, sans doute faudrait-il que le Conseil Consultatif National d’Ethique précise davantage les pratiques acceptables…et celles qui ne le seraient pas.
Dans un domaine mêlant santé et environnement, les  OGM connaissent également des succès qui iront en s’amplifiant . On peut ainsi prédire un bel avenir aux MGM, moustiques génétiquement modifiés. Des premiers lâchers de mâles portant un gêne létal pour leur descendance ont eu lieu en 2009 en Malaisie, en 2011 aux îles Caïmans pour lutter contre la dengue. Des anophèles génétiquement modifiés incapables de transmettre le virus du paludisme ont été fabriqués ; ils constitueront une méthode de choix pour lutter contre le paludisme, le plus grand tueur d’enfants. D’autres aideront à éviter l’installation du chikungunya en France…

Les OGM et l’agriculture

En fait l’essentiel du débat sur les OGM et les plus fortes résistances sont concentrées dans le domaine agricole, et cela s’explique principalement pour quatre raisons : les tabous et peurs liées à l’alimentation ; le fait que les améliorations proposées jusqu’à présent n’apportent aucun bénéfice direct au consommateur, mais des gains de productivité aux agriculteurs ; les possibilités de dissémination des gênes ; le modèle économique qui rend les agriculteurs plus dépendant des semenciers et géants agro-industriels.
En ce qui concerne la sécurité sanitaire des OGM, les problématiques et techniques d’évaluation sont bien connues et validées, et n’ont d’ailleurs rien de particulier aux OGM, pour lesquelles elles devraient en fait être plus faciles et plus sûres
La quasi-totalité des OGM actuellement existant sont  soit rendus résistant à un insecte ( MaïsBt- contre la Pyrale-,CotonBt), soit  rendus tolérant à un herbicide (généralement Round-up résistant). De fait, ils n’apportent rien directement aux consommateurs et ne profitent – éventuellement- qu’aux agriculteurs.  Mais est-il donc si indifférent d’utiliser éventuellement moins d’herbicides ou de pesticides ? Avons-nous à ce point rompu nos attaches avec la terre et le monde paysan que nous sommes indifférents à l’empoisonnement des sols, pire, à celui des paysans qui ont payé un lourd tribu trop ignoré aux produits phytosanitaires ? Et, dans nombre de pays, une différence de rendement agricole même faible fait la différence entre une survie difficile et une exploitation permettant de vivre dignement. Les paysans africains et indiens qui adoptent massivement les OGM ne s’y trompent pas.
La dissémination des gênes est un risque réel, dont le principal inconvénient est de faire perdre leur intérêt aux OGM qui les portent, et éventuellement de rendre inefficaces certains herbicides et insecticides. Ils doivent pouvoir être évalués, comme l’exige le principe de précaution, par des essais en champs ouvert.
Or ces expériences en champs ouverts sont en France, assez systématiquement visés par certains écologistes. Ainsi ont été détruits des champs d’essai de l’INRA où étaient cultivés des plans de maïs transgénique visant à réduire les apports en engrais azotés, ou de plans de  vigne permettant de bloquer une maladie que l’on ne sait actuellement pas contrer, le court-noué- et ceci avec un soutien total de viticulteurs voisins parfaitement informés et consultés.
Ces saccages injustifiables concernant un organisme de recherche public doivent être réprimés de manière suffisamment dissuasive ; mais peut-être faut-il d’abord, que la communauté scientifique se mobilise pour les dénoncer, pour manifester son soutien aux chercheurs qui voient ainsi s’envoler des années de recherche et pour expliquer l’intérêt des recherches menées. Or, cette élémentaire solidarité s’est assez peu manifestée.
Concernant la dissémination, une expertise extensive a été menée par des chercheurs de l’INRA et du CNRS. Le Monde, 18 nov 2021). Elle a mis en évidence qu’en effet, dans de nombreux pays où les OGM résistant aux herbicides ont été utilisés, il est apparu  très rapidement des formes adventices, c’est-à-dire des mauvaises herbes résistantes aux herbicides. Du coup, les bénéfices escomptés (moindre quantité de traitements) sont réels à court terme, mais disparaissent au bout de quelques années. C’est ce qui peut être observé après près de dix ans d’utilisation intensive, essentiellement aux USA et au Canada, où des variétés comme Ambrosia trifodis, très allergisante, sont devenues difficiles à contrôler car devenues résistantes au Round up.
Or, ce que les experts montrent, c’est que ces phénomènes de résistance seraient peu importants ou inexistants si l’on ménageait suffisamment de surfaces non OGM entre les cultures OGM. En quelque sorte, les OGM aux USA et au Canada ont été victimes de leur succès, et les agriculteurs qui les ont employés se retrouvent avec un problème de résistance pire qu’auparavant. En France, la structure agricole, la taille des exploitations devraient limiter ces risques.
L’utilisation d’OGM peut être autorisée, mais elle doit être réglementée et obéir à des bonnes pratiques telles que mentionnées dans le rapport INRA –CNRS.
La France et l’Europe sont confrontées à une nouvelle demande du groupe BASF pour Fortuna, une variété de pomme de terre transgénique destinée à  l’alimentation humaine et végétale. Fortuna  dérive d'une variété de pomme de terre cultivée, Agria très productive et particulièrement adaptée à la fabrication des frites. Deux gènes de résistance au mildiou, provenant d'une espèce de pomme de terre sauvage d'Amérique du Sud, Solanum bulbocastanum ont été introduit pour créer Fortuna. L’enjeu n’est pas médiocre, mais un c’est un enjeu public de sécurité alimentaire : rappelons que le mildiou de la pomme de terre a été la cause de la grande famine en Irlande au milieu du XIXe siècle ( un million de victimes, deux millions d’émigrés). L'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et les autorités françaises vont devoir se prononcer ; il est difficile de voir sous quel prétexte elles pourraient refuser leur agrément.
Les pommes de terre et les frites transgéniques sont devant nous, avec la fin d’une peste agricole meurtrière.
Nous vivons déjà dans un monde d’OGM, et ce n’est pas fini : d’immenses progrès et possibilités sont devant nous, qui permettront à toute l’humanité une alimentation suffisante et de qualité. Reste que l’acceptabilité des OGM, particulièrement dans le domaine agroalimentaire, est conditionné au respect du principe de précaution et aux études qu’il exige, à des contraintes réglementaires scientifiquement fondées, à une information claire et loyale, en particulier sur l’intérêt de ces OGM ( pour quoi faire ?, qui en profite ?). La culture des OGM devra s’accompagner d’une culture du débat entre parties concernées.


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