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dimanche 6 janvier 2013

Politique de recherche_faudra-t-il choisir ?

Le boson de Higgs ; et après ?

Sélectionnant dans son numéro de décembre les dix plus grandes découvertes de l’année, La Recherche place évidemment au premier plan la découverte au CERN du boson de Higgs confirmant la théorie de la matière élaborée dans les années 60 – le modèle standard de la physique des particules. Très schématiquement, il existe trois interactions fondamentales : forte, qui explique la stabilité des noyaux atomiques, électrofaible (faible et électromagnétique) et la gravitation. La force électrofaible s’exerce par l’échange de bosons W et Z découverts au CERN en 1983, la masse des particules par l’échange de bosons de Higgs, découverts le 4 juillet 2012.
C’est la construction du LHC (Large Hadron Collider) un accélérateur de particules de 27 km de diamètre, commencé en 1998 et inauguré en 2008 qui a permis cette découverte. Selon Forbes, cette découverte a un coût de 10 milliards de dollars : 4 milliards pour la construction du LHC, 6 milliards pour le coût des expériences (détecteurs, fonctionnement, personnel) depuis le début du projet.
La caractérisation du boson de Higgs (spin, masse, désintégration, interactions) devrait permettre de conforter ou d’infirmer des théories physiques comme la supersymétrie – et la stabilité ou non de l’univers à une échelle de dix milliards d’années-, ou la nature de la matière sombre (>80% de la matière dans l’univers !). Le fonctionnement jusqu’en 2015 du LHC devrait permettre de commencer à répondre à certaines de ces questions, mais les physiciens rêvent déjà d’un accélérateur plus puissant de 80 km de diamètre. A quel coût ? Cela engagerait  l’ensemble des ressources mondiales en physique des particules sur plusieurs décennies ! Grâce à des investissements massifs, la physique des particules se passe aujourd’hui en Europe.

Génome humain : où en  sont la France et l’Europe ?

En deuxième plan, La Recherche place le programme Encode, suite du programme génome humain débuté en 1989, grâce à l’apparition puis au perfectionnement d’automates de séquençage de l’ADN. Dès 1995, le premier génome (code génétique complet) bactérien est publié, puis c’est en 2001 le premier génome brut humain après une compétition acharnée entre le programme public international (HUGO –Human genome organization,) et le programme privé de la société Celera de l’ancien marine Craig Venter, et en 2003, deux ans avant la date prévue, la séquence humaine complète (2 milliards de nucléotides, soit l’équivalent de 2000 livres de 500 pages). Ces résultats sont propriété commune de l’humanité et utilisables gratuitement par tous. Le programme génome humain proprement dit a été achevé avec 2 ans d’avance sur les prévisions et un coût de 2.7 milliards de dollars (au lieu des 3 prévus)
La contribution de la France (à travers essentiellement le Genoscope) a été le séquençage du chromosome 14, conduisant notamment à la découverte de 6 nouveaux gênes impliqués dans des maladies génétiques. Elle représente 2.8% du projet, loin derrière les USA (60.8%), le Royaume uni (29%), le Japon (5%).

Après le génome

Ce programme, malgré son succès, se terminait sur une surprise et un goût d’inachevé : le génome humain ne comprend que 25.000 gènes (l’estimation initiale était plutôt de 100.000), soit l’équivalent de celui de caenorhabditis,  un vers d’un mm de long…ce qui signifie que 97% de l’ADN n’aurait pas de signification (ADN poubelle) ! C’est ce défi que relève le programme Encode (450 chercheurs essentiellement aux USA, 185 millions de dollars) depuis 2003. Dans une série de 30 articles publiés en 2012 dans Nature, les chercheurs d’Encode montrent qu’en fait 80% de l’ADN est transcrit en une activité biochimique, dont seule une petite partie (10%) est connue- il s’agit de la régulation –activation ou inhibition- d’autres gènes. Il reste donc énormément à comprendre, sur un plan fondamental (qu’est-ce qui régule l’expression du code génétique dans les différentes cellules, les différences entre deux individus), avec l’espoir de mieux connaître les prédispositions ou facteurs de risques à certaines maladies, ou facteurs environnementaux, voire conditions psychologiques.
Ajoutons que les progrès technologiques dans le décryptage de l’ADN vont bientôt permettre à chacun d’avoir accès à son code génétique pour une somme modique, ce qui va complètement révolutionner la médecine, en permettant l’avènement de la médecine personnalisée, mais aussi en posant de redoutables problèmes sociétaux, de thérapeutique, de  confidentialité, d’assurance…
La France est assez peu présente dans ces recherches génomiques, à l’exception d’un programme original, et qui mériterait sans doute davantage de moyens, les programmes Metahit et Metacardis  de séquençage de la flore intestinale (plus de 170 espèces chez chaque individu, et plus de cent fois plus de gènes que le génome humain – la flore intestinal compte dix fois plus de cellules que le corps humain). Or, les variations de cette flore intestinale semblent liées à des maladies cardiométaboliques comme l’obésité, le diabète, la coronaropathie, la maladie de Crohn

Génome ou Physique des particules : des choix à faire ?

La France et l’Europe dominent aujourd’hui la physique des particules, grâce à cet immense succès qu’est le CERN et aux moyens conséquents qu’a su obtenir et mettre en oeuvre la communauté des physiciens en ce domaine qui apparaît comme privilégié. Faut-il aller plus loin et à quel rythme ? Construire un nouvel anneau, ou attendre de nouvelles avancées technologiques qui permettront de continuer l’exploration des théories fondamentales de la matière à moindre coût. En tous cas, le financement de ces recherches ne pourra être que mondial, avec une participation fortement accrue des pays non-européens.
Par contre en biologie, alors que les USA et la Chine –qui possède désormais le plus grand centre de séquençage d’ADN- font un effort massif autour du génome, justifié par le besoin de connaissances fondamentales et les immenses applications prévisibles en terme de santé, l’Europe et la France paraissent en retrait. La communauté des biologistes n’apparaît pas aussi unie et organisée que celle de la physique des particules autour de programmes ambitieux et fédérateurs. Or, nous ne pouvons pas nous permettre de rester en arrière si nous voulons que l’avenir en matière de biologie et de santé s’écrive ailleurs qu’aux USA ou en Chine.
Génome ou Physique des particules, faudra-t-il choisir ? Il est probable que oui, et pourtant il ne semble pas que la question –délicate- soit débattue, ni dans la communauté scientifique, ni dans les assises de la recherche, ni dans les instances politiques de décision - le ministère de la recherche au premier plan. Il ne faudrait que ce choix soit fait par défaut, en toute obscurité – et encore serait-il plus aisé si nous étions sur la voie des objectifs de Lisbonne : 3% du PIB consacrés à la recherche et au développement ; or, nous en sommes loin -2%-, contrairement aux USA, au Japon, à certains pays nordiques, bientôt à la Chine..

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