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mardi 9 décembre 2014

Ne pas prendre ses médicaments coûte cher


L’inobservance un problème de santé publique et un problème d’économie majeure
La vulgate diffusée par les gouvernements veut que les Français prennent trop de médicaments, ce qui est bien commode lorsqu’on veut faire des économies de santé sans fâcher les généralistes, les spécialistes, les stations thermales, les homéopathes… Or la réalité que révèle une étude d’IMS Heath révèle que 40 % des patients français seulement  suivent leur ordonnance et arrêtent précocement leur traitement. En somme, ils ne prennent pas assez de médicament, et surtout les prennent mal. (cf notamment Le Monde Economie, 12.11.2014)
L’étude, de grande ampleur, a été menée sur une cohorte d’environ 170 000 patients, atteints par une des six pathologies observées : Diabète de type 2, Hypertension artérielle, Asthme, Hypercholestérolémie, Ostéoporose, Insuffisance cardiaque. le taux d’observance varie fortement : 13 % pour l’asthme, 36% pour l’insuffisance cardiaque et le diabète de type 2, 40% pour l’hypertension artérielle, 44% pour l’hypercholestérolémie, 52% pour l’ostéoporose. Les complications causées par le manque d’observance peuvent être graves : infarctus du myocarde pour l’hypercholestérolémie, œdème pulmonaire pour l’insuffisance cardiaque, fractures ostéoporotiques, Accident vasculaire cérébral (AVC) pour l’Hypertension Artérielle, maladies coronariennes pour le Diabète de type 2, état de mal asthmatique pour l’Asthme.
L’inobservance a non seulement des conséquences majeures sur l’état de santé, c’est aussi un problème économique majeur. En estimant le nombre de non répondeurs par pathologie, en le multipliant par le facteur de risque entrainé par l’inobservance du traitement pour la complication principale et le coût du traitement, généralement chirurgical, les auteurs de l’étude arrivent à un coût de 207 millions d’euros par an pour l’état de mal asthmatique sévère, de 281 millions d’euros pour les fractures ostéoporotiques, à 1,4 milliard d’euros pour les maladies coronariennes liées au diabète de type 2 et pour l’infarctus du myocarde, 1,6 milliard d’euros pour l’œdème pulmonaire… et jusqu’à 4,4 milliards d’euros pour les AVC ! Ce qui fait, pour ces six pathologies, un coût faramineux  de huit milliards !
Le chiffrage exact peut être contesté, mais il ne s’agit de pathologies qui ne  représentent qu’un quart des dépenses de médicaments en ville, et le coût d’une seule complication a été considéré. Si l’on ajoute à cela, par exemple, le coût des infections et des résistances causées par des traitements antibiotiques mal suivis, le coût est encore plus considérable. Et cela, bien sûr, sans tenir compte des vies brisées.
Ceci n’est pas une spécificité française. L’Organisation Mondiale de la Santé estime que près de 50 % des traitements prescrits dans le monde sont peu ou mal suivis par les patients concernés.
De meilleurs médicaments sont nécessaires
Les causes d’inobservance peuvent être variées. Pour l’asthme, « de nombreux malades sous-estiment l’impact et la gravité de la maladie, il y a une forme de déni, parfois de révolte, qui n’aide pas à accepter la situation. La plupart mènent une simple stratégie d’ajustement de leur traitement afin de s’adapter à leur état respiratoire. Le traitement de fond est difficile à suivre, car il est astreignant et ne produit des effets que sur le long terme. Par ailleurs, en dehors des phases de crise, chacun peut mener une vie apparemment normale, ce qui ne facilite pas l’adhésion thérapeutique » (Christine Rolland). Pour l’hypertension artérielle,      au fait que l’hypertension peut être sans effets visibles ( mais mener à un accident vasculaire, infarctus, insuffisance rénale…), s’ajoute le fait souligné par le Pr. Jean-Michel Halimi, que la prise en charge au titre d’affection de longue durée          a été supprimée- bel exemple d’économie à courte vue…
Parmi les pistes suggérées pour améliorer l’observance, l’information des patients, la formation des professionnels de santé à la communication sur les traitements, la création outils simples d’usage en consultation et à distance (si les firmes pharmaceutiques ne s’en occupent pas,  google ou microsoft le feront…), la mobilisation des  associations et entourage des malades…
Un point cependant semble négligé : « Bon nombre de patients sortent de chez leur médecin sans comprendre ni leur pathologie, ni leur ordonnance. (Face à un médicamet, ils voient bien ses effets indésirables, mais pas toujours son bénéfice » (G. Vergez, PDG d’Observia, cité dans Le Monde Economie, 12.11.2014).
Non, il n’y a pas assez de médicaments, nous manquons souvent de médicaments mieux tolérés, mieux ciblés, nous manquons même souvent de la compréhension du fait que certains tolèrent parfaitement tel médicament, et d’autres pas. Par exemple, pour ceux qui ne supportaient pas la toux comme effet secondaire des inhibiteurs de l’enzyme de conversion, l’introduction des antagonistes de l’angiotensine a représenté un progrès majeur dans le traitement de l’hypertension – malgré tous ceux qui prétendaient que nous avons assez d’antihypertenseurs.
Il y a là place pour de nombreux progrès thérapeutiques que la pharmacogénétique (la connaissance des relations du génome avec les effets des médicaments) devrait rendre possibles.
 

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