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vendredi 13 février 2015

Soumission : un roman sur l’Humanité


Houellebecq et Comte

Dans Marianne du16 janvier 2015, Jacques Julliard a  consacré un article au dernier livre de Houellebecq, Figures du collabo, un article qui m’a semblé 1) l’un des plus pertinents de la vague des critiques ; 2) incomplet, parce qu’il laisse de côté la connaissance qu’a Houellebecq de l’œuvre de Comte et sa fascination, évidentes d’après le nombre des citations dans ses précédents ouvrages.

Donc Soumission serait principalement une charge meurtrière contre les intellectuels à la française, volontiers compagnons de route des idéologies les plus meurtrières, cet « homme qui se soumet », « qui a beau invoquer Voltaire et Zola, mais est prêt à se prostituer devant le pouvoir, dès lors que celui-ci prend des formes dictatoriales et use systématiquement de la violence et de la terreur », et vous citez cette incidente négligemment posée : « tant d’intellectuels au cours du XXème siècle avaient soutenu Staline, Mao ou  Pol Pot, sans que cela leur soit vraiment reproché ».

D’accord, le désir ou besoin de soumission est particulièrement perturbant chez les intellectuels, où il semble constituer une négation de leur fonction même. Mais il frappe toute la société. C’est la majorité des Français qui élisent Ben Abbès, et c’est toute la société qui s’en trouve plutôt bien : paix civile rétablie, prospérité retrouvée, et même bonheur familial, personnel accru; certaines femmes, certains juifs, pas nécessairement tous, ont à faire quelques sacrifices, rien de mortel, mais enfin, nulle omelette sans œufs…

Que s’est-il passé ? Aucune société ne peut exister sans « un sacerdoce quelconque », une « doctrine sociale commune », sans laquelle il ne reste d’autres expédients, pour maintenir une harmonie quelconque, que la triste alternative de la force ou de la corruption » (Auguste Comte). C’est ce qui a conduit les Positivistes à proposer une religion républicaine, non théologique, sans Dieu, pour « rallier, relier, régler » : rallier les hommes à la doctrine sociale commune, les relier entre eux, régler  les rapports sociaux et les comportements.

Quelque chose a mal tourné, comme dirait Houellebecq, il devait y avoir quelques vices cachés dans la Religion de l’Humanité. L’ordre catholique  a été détruit et non remplacé ( « On ne détruit que ce qu’on remplace » -encore Auguste). Alors, dans ce vide s’impose la dernière et la seule encore vigoureuse des religions théologiques, et ceci précisément par la revigoration du lien social ; c’est par là que triomphe la Fraternité musulmane du roman, comme les mouvements intégristes musulmans.

Désir et besoin de soumission

Ensuite, le désir ou besoin de soumission est-il toujours négatif ? Nombreux sont ceux qui se plaignent du manque d’autorité des enseignants. Enseigner n’exige-t-il pas une certaine soumission ? Que peut-on apprendre sans se soumettre à certains apprentissages, sans se soumettre à l’autorité de la connaissance, de la compétence, des anciens, des grands artistes, écrivains, scientifiques du passé – avant éventuellement de les contester ? D’ailleurs, dans la France du président Ben Abbès, les enseignants sont bien mieux considérés et traités. 

« La soumission est la base du perfectionnement » (Auguste, toujours ; missile expédié à son disciple principal Pierre Laffitte demandant quelques explications- sauf que Comte ne se soumit guère, bien au contraire, ni aux gouvernements, ni aux autorités académiques, ni aux convenances sociales, et qu’il en paya le prix par une marginalisation totale) ; formule donc à prendre avec prudence, mais non moins vraie.

« La soumission est la base du perfectionnement », islam égale soumission, l’islam est la base du perfectionnement ; et si on en faisait un roman ? Un roman , pas vraiment sur l’islam, pas une fiction politique ( c’est la partie plus faible), pas un pamphlet réactionnaire, ou machiste, ou raciste. Un roman sur l’Humanité, comme tous les grands romans.
 

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