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dimanche 12 avril 2015

Anti-Lumières, anti-progressistes et apologistes du terrorisme (Jonas, Anders)


Les deux notices de ce billet doivent beaucoup aux excellentes conférences de Michel Onfray de l’Université Populaire consacrées à la pensée post-nazie –on peut les trouver notamment sur le site de France Culture
 
Hans Jonas
 
Dans l’un de mes précédents billets (Heidegger_on peut s’en dispenser), j’ai commencé à parler de l’intérêt à peu près nul de Heidegger en ce qui concerne la connaissance et la réflexion sur la science et la technique, et la dangerosité de ses conceptions qui le lient profondément au nazisme. Que malgré le comportement de Heidegger sous le nazisme, Hans Jonas, élève de Heidegger, Juif qui duit fuir l’Allemagne  et combattit contre les nazis n’ait pas vraiment rompu  et ait toujours été fasciné  par lui est, plus qu’intriguant, inquiétant.  D’Heidegger, Jonas a retenu une méfiance et même un mépris de la technique et de la science : le futur est systématiquement pensé sous le signe du pire : « La thèse liminaire de ce livre est que la promesse de la technique moderne s’est inversée en menace, ou bien que celle-ci s’est indissolublement alliée à celle-là ».  (Le principe Responsabilité. On retrouve donc chez Jonas une inquiétante critique de la démocratie, qu’il accuse d‘être incapable de prendre en compte le destin des générations future ; et Jonas de féliciter l’ex URSS (celle de Brejnev) de savoir imposer à ses peuples une bienheureuse frugalité, une ascèse et autres sacrifices à opposer à la société d’abondance condamnable. Peu adepte donc du débat démocratique, Jonas défend une « heuristique de la peur », et appelle à renoncer à la raison, à la discussion, à la démonstration pour convaincre et y substituer la peur : « Peut-être que la peur réussira là où la raison a échoué ». Il faut utiliser la peur pour faire réaliser la dangerosité de notre technique et sauver l’humanité

A cela s’ajoute un retour aux mentalités et aux âges théologiques - Jonas consacrera une partie importante de son œuvre à la Gnose. La science a détruit l’idée de Dieu et laissé l’homme sans repères. S’opposer à la nature, c’est s’opposer à Dieu. Celui conduit Jonas à s’opposer à l’avortement (notons aussi que sont jugés irresponsables les humains qui ne font pas d’enfants) et à l’euthanasie, à plaider pour une éthique qui ne saurait être que religieuse et juive, et aussi pour à appeler à l’inspiration divine à la science.

Onfray parle gentiment dans les cours de son Université Populaire consacrés à la philosophie post-nazie parle d’un « conservatisme de gauche » ; mais en fait c’est bien d’une pensée profondément et violemment rétrograde, bien dans la lignée de Heidegger qu’il s’agit.

Gunther Anders

Plus original est Gunther Anders, lui aussi ancien élève de Heidegger, mais qui s’en sépara plus violemment. Dans « La pseudo concrétude de la philosophie de Martin Heidegger » (texte difficile indique Onfray –), il n’hésite pas à dire que la façon qu’à Heidegger de penser le concret rend possible le national socialisme , et il propose une philosophie qui parte vraiment d’une observation concret, des phénomènes modernes ( la radio, la télévision, le jazz). Sou ouvrage majeur est l’ « Obsolescence de l’homme ». Quelques idées glanées dans l’exposé de Michel Onfray. La technique (radio, télévision) nous éloigne du réel, et nous vivons dans un monde d’images, de fantômes, qui nous rendent incapables d’être présent au monde, sous l’effet de la vitesse, de la tyrannie de l‘instant, de l’absence de hiérarchie de l’information ; et nous sommes tellement aliénés par ces fantômes que même ceux qui prétendent s’en échapper s’y soumettent en réalité- nous en venons à réclamer notre propre esclavage - il n’y a même plus besoin d’un quelconque endoctrinement. Pour échapper l’angoisse de la mort, de la finitude de l’homme, nous nous auto-réifions ; nous aspirons à devenir des objets fabriqués pour atteindre l’espèce d’immortalité que possèdent des objets industriels parfaitement identiques et indéfiniment remplaçables les uns par les autres ; le maquillage, l’effacement des visages de l’art contemporain, les festivités de masses, les mass-media, le caractère mécanique ? du jazz, le star system, le culte des performances sportives  sont autant de signes de ce nihilisme et de cette aspiration à la machine, à la réification de l’homme.
Gunther Anders revendique l’étude du concret et l’exagération comme méthode philosophique ; s’il partage avec les Heidegerriens l’hostilité envers la technique et une connaissance pour le moins approximative des sciences, c’est en s’éloignant d’Heidegger  et d’ailleurs de toute l’institution philosophique qu’il parvient à quelques aperçus fulgurants et fascinants sur le monde moderne.
Reste que Gunther Anders, comme les autres ne peut être classé que parmi les réactionnaires et qu’il manifeste, comme les heidegerrien, un mépris certain de la démocratie, de l’argumentation, du débat, de la démarche rationnelle.  Citations :
« On nous a traités de « semeurs de panique ». C'est bien ce que nous cherchons à être »
« Si nous voulons assurer la survie de notre génération et celle des générations suivantes, il n’y a pas d’autres moyens que d’informer clairement ceux qui persistent à mettre en danger la vie sur terre par l’utilisation de l’atome, qu’elle soit guerrière ou pacifique, et continuent à refuser systématiquement tout pourparler en vue d’y mettre un terme, qu’ils vont, tous autant qu’ils sont, devoir se considérer comme notre cible. Je déclare que nous n’hésiterons pas à tuer les hommes qui se rendent ainsi coupables de crimes contre l’humanité » (ceci est tiré d’un article intitulé la contestation non violente est-elle suffisante, et l’on voit clairement la réponse d’Anders).
Nous sommes loin là encore de l’insistance des positivistes sur la démocratie comme démocratie d’opinion, sur la nécessité de l’éducation populaire et de l’existence d’un pouvoir spirituel (experts, philosophes) complètement indépendants du pouvoir temporel ; loin de l’exemple plutôt heureux , plus démocratique et plus conforme au modèle comtien du GIEC et de son action contre le réchauffement climatique anthropique.
 
 

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