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vendredi 10 avril 2015

Heidegger_on peut s’en dispenser


Heidegger « arraisonné »
Relu une tribune de Mandioso dans Le Monde (26 septembre 2014) sur le cas Heidegger. Il semble que l’intelligentsia française se réveille en faisant semblant de découvrir l’antisémitisme et la proximité avec le nazisme de la pensée de Heidegger, apparemment soigneusement masqués par très complaisants traducteurs ; mais souligne Mandioso, le principal problème est que Heidegger n’ pas grand-chose à nous dire d’intéressant sur le monde moderne, tant son ignorance de la science est profonde. Citations :
« Le principal problème est évidemment que la philosophie de Heidegger est faite en grande partie de jeux de langage et se révèle d’une extrême pauvreté ; derrière le jargon heidegerrien, ses questionnements parsemés de de citations poétiques et ses étymologies fantaisistes faisant dériver l’allemand du grec, il n’y a pas grand-chose de sérieux ni de consistant »
« L’agriculture industrielle, les chambres à gaz, et les centrales nucléaires  sont la conséquence inéluctable d’un dévoilement initial, car tel est le destin de l’homme « organisé techniquement », qui a délaissé l’Être «   (c’est le fameux « arraisonnement »). «  La technique  est antinomique de la destinée qui est propre à l’homme- « être le gardien de l’Être »
Le succès de Heidegger s’explique d’une manière assez simple : « il flatte la paresse intellectuelle qui permet au philosophe de négliger des pans entiers de la réalité,  pour se consacrer à la méditation des grands textes, la philosophie se limitant ainsi à un exercice d’autolégitimation »
Ajoutons-y ce que révèlent en matière d’antisémitisme, les « cahiers noirs » qui viennent d’être publiés. ( cf France Culture, Les Chemins de la Connaissance, Heidegger et l’antisémitisme, 17 oct 14) : l’Allemand seul parviendra à conquérir l’essence de la théoria, ce en quoi il est le seul héritier des Grecs ; il s’oppose au Juif, qui s’exprime pleinement dans ses dons pour le calcul, la technique qui déracine et déterritorialise, alors que la philosophie de Heidegger valorise le romantisme du sang et du sol, le chez- soi…
 
Ma préférence positiviste
Désolé, mais s’il s’agit de penser la science et la technique, je préfère et trouve plus sûrs et plus intéressants mes chers positivistes.
« La science ne pense pas » dixit Heidegger, elle dépoétise le monde et détruit l’Être

Ceci, plus de cent ans auparavant, du positiviste Bridges :

« Il est clair que dans l'invention d'une hypothèse, les facultés les plus hautes de l'imagination sont mises en jeu. Personne ne doute que Kepler et Archimède fussent doués de forces imaginatives aussi puissantes que celles d'Eschyle ou de Milton. Et dans ce procédé mental, non seulement l'imagination, mais les sympathies les plus nobles de l'homme, pensait Comte, ont une part des plus actives. »
Sur l’essentialisation des Allemands et des Juifs :

« C’est certainement une des plus étonnantes inventions de la littérature actuelle que de soutenir qu’il y a des idées qui sont caractéristiques des races «  (Pierre Laffitte)
« Nous n'apppartenons pas à une race, mais à une civilisation constituée par vingt peuples différents… En dehors des grandes divisions connues — la blanche, la jaune, la noire, — les races, au point de vue physiologique, n'existent pas. Il n'y a que des races sociologiques. Pour mon compte, je ne suis pas de telle race, la celtique, par exemple, en dépit delà structure de mon nom. Je suis d'une civilisation composée d'hellénisme, de romanisme et finalement d'européanisme » (Lavertujon)
 
La pensée contre les Lumières, contre la Science, contre la Technique, pour le mysticisme du sol et du sang ne pouvait que conduire Heidegger aux confins du nazisme, le prédisposait à servir en instrument des nazis, ce qu’il fit, et sans jamais, même après la guerre, même malgré les objurgations de disciples subjugués  tel Jonas ou Arendt, exprimer le moindre remords.
A cela s’ajoute un inquiétant mépris de la démocratie, qu’il a bien transmis à Hans Jonas, le père du Principe Responsabilité, et partiellement, du principe de précaution. Il faut lire Hans Jonas critiquer violemment la démocratie, incapable de prendre en compte le destin des générations futures,  et de féliciter l’ex URSS (celle de Brejnev) de savoir imposer à ses peuples une bienheureuse frugalité, une ascèse et autres sacrifices ; et de l’opposer à une société d’abondance condamnable. Et l’entendre aussi appeler à une « heuristique de la peur », à renoncer à la raison, à la discussion, à la démonstration pour convaincre et y substituer la peur ; et aussi substituer l’inspiration divine à la science.

Que nous sommes loin de l’attachement des positivistes à l’éducation populaire, à l’alliance des prolétaires, des savants et des philosophes, pour le progrès matériel, mental, spirituel.
Non, qu’il ait été un peu, beaucoup, passionnément nazi,  il n’y a rien à sauver chez Heidegger ; et si l’on veut sérieusement penser la science et la technique, c’est par d’autres qu’il faut passer.


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