Une extension épidémique
Dans le Livre noir des allergies ( l’Archipel), l’allergologue Pierrick
Hordé parle d’une épidémie en explosion.
L’OMS prévoit que la moitié de la population occidentale sera en 2050 victime
d’allergies de toutes natures (respiratoires, alimentaires, professionnelles).
Il y aurait aujourd’hui en Europe 150 millions d’allergiques. De plus, les symptômes (rhinites,
conjonctivites, exémas) ne sont pas forcément bien pris en compte et les
rhinites allergiques évoluent près d’une fois sur deux vers l’asthme, encore
trop souvent sous-diagnostiqué. Or,
rappelle M. Hordé, dans les années 1970, on parlait assez peu d’allergies.
C’est devenu un phénomène de civilisation
et une telle explosion ne peut s’expliquer que par l’intervention de
facteurs environnementaux et les modifications de modes de vie.
La pollution de l’air joue un
rôle important, notamment dans l’allergie aux pollens où pollens et particules
fines forment ce que M. Hordé appelle un « cocktail explosif ». Les particules
fines accentuent l‘irritabilité des muqueuses ; de plus elles se fixent sur les
pollens et les font éclater, facilitant ainsi leur pénétration plus profonde
dans les bronches et le relargage d’allergènes. Souvent négligée, la pollution
intérieure est cinq à sept fois supérieure à la pollution extérieure et
représente un véritable fléau en matière de santé publique ; l’ANSES parle de
2.000 décès en France et l’OMS de 4,3 millions de décès annuels contre 3,7 à la
pollution atmosphérique. Les polluants impliques sont les composés organiques
volatiles, particulièrement le formaldéhyde et autres aldéhydes, présents dans
les peintures, colles, bois agglomérés, détergents etc. , les acariens et très
souvent, les résidus de tabac_ l’interdiction de fumer en voiture est une bonne
décision. Le Dr Hordé appelle aussi à se méfier des produits et plantes censés
purifiés l’air qui, souvent empirent la situation : bougies, encens, huiles
essentielles, aérosols contiennent aussi souvent des composés organiques
volatiles nocifs et il dénonce un manque de réglementation et des indications
souvent trompeuses. La seule et vraie
mesure efficace consiste dans l’aération journalière des habitations. Les
cosmétiques doivent aussi être surveillés, et la mention cosmétique bio
n’apportent aucune garantie quant aux allergies. Les méthodes de stérilisation
UHT, préférables, se développent. Les
écoles sont un point évidemment important, critique et inquiétant. L’Inserm a
mené une étude sur la qualité de l'air à l'intérieur de 108 écoles primaires
réparties dans 6 villes : 30% des élèves
sont exposés à des niveaux des principaux polluants atmosphériques supérieurs
aux valeurs guides recommandées par l'OMS et l'ANSES (et cette exposition est
associée à une augmentation de l'asthme et des rhinites) chez les enfants
scolarisés. De nombreuses améliorations sont possibles sur le cadre de vie.
Reste qu’il faudra prendre la mesure de
la gravité de l’épidémie allergique et que c’est un domaine un peu négligé,
peut-être parce que très compliqué, en
matière de recherche.
Immunologistes et allergologues_ prendre l’allergie au sérieux
Un point est assez symbolique :
en France, l’allergologie n’est pas une spécialité médicale reconnue et
enseignée en tant que telle, contrairement à la plupart des pays européens ; au
contraire, l’immunologie ( remarquer la différence allergologue/immunologiste,
le iste fait tout de suite plus sérieux que le logue) qui est en quelque sorte
sa base scientifique est bien reconnue – et il faut dire que depuis Pasteur, la
France a une belle et forte tradition en ce domaine. L’immunologie s’occupe de
problèmes très sérieux : les vaccins, les rejets de greffe, les maladies
auto-immunes, l’arthrite rhumatoïde. Dans tous ces domaines, des progrès
immenses ont été accomplis- dans le
dernier, des médicaments plus efficaces et mieux tolérés que les anticorps,
comme le filgotinib de Galapagos sont en développement. Par contre,
l’allergologie s’occuperait de petits bobos, mal définis, qui touchent des
organes très différents, souvent en relations avec l’environnement, ce qui ne
simplifie rien ; elle est éclatée ente pneumologues, pédiatres, dermatologues, l'oto-rhino-laryngologues…).
Sauf que les allergies
s’aggravent en gravité et en nombre de personnes concernées, au point de
devenir l’épidémie menaçante dont je parlais au début de ce blog. L’immunologie
s’appuie sur une recherche fondamentale forte, l’allergologie semble être le
domaine de pratiques empiriques plus ou moins évaluées. Alors, il est temps que l’allergologie devienne une discipline
reconnue pouvant s’appuyer sur une recherche fondamentale puissante, de faire
mieux travailler ensemble immunologistes
et allergologues et de se donner les moyens de combattre sérieusement l’extension de l’épidémie d’ allergie
annoncée et de mieux soigner les nombreux allergiques.
D’autant que nous ne comprenons
pas bien les liens entre immunologie et allergie. En dehors de l’environnement,
le développement de l’hygiène qui entraine dans la prime enfance un contact
moindre avec de nombreux allergènes, à un moment où le système immunitaire
s’éduque semble jouer un rôle important dans l’épidémie d’allergie. Cela était
déjà suggéré par des études montrant que des enfants élevés dans des fermes au
contact d’animaux deviendraient ensuite moins
allergiques. Une étude récente sur 650 enfant suivis de leur naissance à
cinq ans (Du Toit et al. New England Journal of Medicine, 372, 803, 2015)
montre que même dans le cas d’allergènes très puissants comme la cacahuète, une
exposition précoce entre quatre et onze
mois permet de diminuer significativement le nombre des allergiques ; et ceci
même lorsque les nourrissons semblent sensibilisés à l’arachide. Il existerait
donc une fenêtre d’âge durant laquelle diversifier l’alimentation et les
contacts permet une désensibilisation
naturelle.
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