Un
acharnement antisyndical inédit
S’il y a une constante dans l’action de Macron, et
qui explique sa popularité parmi le patronat le plus hostile à la régulation
sociale, c’est sa volonté d’affaiblir voire même de supprimer les syndicats,
ces corps intermédiaires bien embêtants qui empêchent les capitalistes si bien
intentionnés de façonner la société à leurs besoins. C’était déjà bien l’intention
de la loi travail, lorsqu’elle privilégie les accords d’entreprise aux accords
de branche, laissant des salariés atomisés, privés de la force que peut amener
une confédération syndicale. Le programme qu’il a exposé sur les retraites
et sur l’assurance chômage met fin
brutalement au paritarisme et va en pratique vers la suppression des syndicats.
Sur les retraites, à en croire son interview dans Le
Parisien et ce qu'il a dit lors de sa conférence de presse de présentation
de son programme ce jeudi matin, Emmanuel Macron veut créer «un vrai système
universel de retraite» où «1 euro versé pour cotisation ouvrira droit aux mêmes
droits» quels que soient le secteur, la catégorie ou le statut. «Les règles
seront les mêmes pour tous les régimes, explique-t-il. Ce sera la vraie fin des
inégalités entre fonctionnaires et salariés du privé». Merveilleuse et
sympathique justice ! Sauf que ces « inégalités » (tiens, en
passant, pourquoi dénonce-t-on toujours les inégalités en visant de pseudo-privilégiés
dont on veut abolir les pseudo-privilèges plutôt que d’aligner tout le monde
sur le statut le plus favorable ?) ces
inégalités sont le produit de carrières, de sujétions, d’histoires très
différentes, de compromis passés justement entre les syndicats et les
employeurs pour régler des situations spécifiques. Le régime de retraite va
basculer entièrement dans un système étatisé, ou ni syndicats, ni patrons n’auront
leur mot à dire. Ce n’est pas un progrès. C’est une régression.
Et ne parlons même pas de la faisabilité- et il
semble bien que le financier Macron parle sans expérience ni de la fonction
publique, ni de l’industrie. En ce qui concerne par exemple les retraites de la
fonction publique, il est impossible aujourd'hui de retracer la carrière des
fonctionnaires au-delà de 5 ans en arrière car les données n'existent pas et
sont détruites - c'est pour cela que les pensions sont calculées sur les 6
derniers mois de traitement, et non sur les 25 meilleures années comme dans le
privé. Se pose également la question de
l'intégration des primes des fonctionnaires dans le salaire de référence des primes qui peuvent varier du simple au triple et représenter
dans certains cas la moitié du traitement. Quand un régime plus généreux se
rapproche du régime général, il paie une soulte à la CNAV et, en ce qui
concerne les fonctionnaires la soulte représenterait des dizaines de milliards
d’euros et serait financée par... les contribuables. L’alignement de la
retraite des « privilégiés » de fonctionnaire va coûter très très
cher !
Assurance
chômage – vers l’étatisation, puis la
privatisation
Sur l'assurance-chômage, c'est la même chose, peu
ou prou. M. Macron propose «un changement de philosophie complet» en sortant
d'un système financé par les cotisations «pour aller vers un système universel
financé par l'impôt et ouvert aux entrepreneurs, aux agriculteurs, aux
indépendants, aux professions libérales. Et aussi aux salariés qui
démissionnent, dans la limite d'une fois tous les cinq ans». Vous et moi avons
chèrement, et en ce qui me concerne longtemps, cotisé à une assurance-retraite qui
nous garantissait, en cas de chômage- de disposer pendant un certain temps d’un
revenu de remplacement lié à mon ancien salaire. Dans le système étatisé de M.
Macron, selon ses premiers projets, ce
ne sera plus le cas, et le revenu de remplacement …sera remplacé par des
allocations minimales qui permettront une survie minimale. Pour les salariés en
activité, c’est purement et simplement du vol ! Et le système sera plus
restrictif qu’actuellement, car, à supposer
que vous puissiez vivre avec votre allocation minimale, celle-ci même vous sera
coupée si vous refusez deux offres d’emploi crédibles !
L’Etatisation du système d’assurance chômage ne
tardera pas à faire regretter le bon vieux temps du Paritarisme –, le bon temps
des négos entre l’UIMM et la CGT- qui feraient bien de s’entendre rapidement sur
une réforme de l‘assurance chômage avant la présidentielle, sauvant le paritarisme
avant l’étatisation.
Mais bien sûr, il y a encore pire ! Car enfin,
dans deux, trois quatre, ans, l‘Etat s’apercevra qu’il ne peut pas et ne sait
pas gérer l’assurance chômage étatisée. Alors, il la privatisera et nous nous
retrouverons dans l’état de Daniel Blake, le héros du dernier chef d’œuvre de Ken
Loach, et de ces milliers de travailleurs anglais, gravement malade que l’assurance
chômage privatisée contraint à rechercher un travail et qui en meurent !
En
Marche, à rebours !
Oui, vous avez aimé Daniel Blake ? Votez Macron. Et
rappelons qu’il y a un sens du progrès, celui qui va de la création de
syndicats d’entreprises vers les fédérations de branches professionnelles, puis
vers les Confédérations nationales, puis vers des confédérations syndicales au
sein d’un espace économique commun ( les fédérations européennes), et enfin les
fédérations internationales qui permettent d’éviter la surexploitation des
travailleurs des pays pauvres. Et un sens rétrograde, inverse, qui atomise les
travailleurs et ôtent toute efficacité à leurs organisations jusqu’à les rendre
inutiles et les faire disparaître. C’est vers cela que Macron est en marche !
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