Grand débat sur la transition :
les conditions élémentaires ne sont pas remplies : farce ou manipulation
Un
grand débat est censé se dérouler en ce moment sur la Politique Energétique et
la fameuse transition. Je crains fort que ce ne soit une farce ou une manipulation
profondément malhonnête de l’opinion publique, ou les deux à la fois. Comment
les Français pourraient-ils y participer utilement sans prendre le temps, au
préalable, d’une information préalable solide et scientifique ? Comment
pourraient-ils le faire sans d’abord un
débat solide, organisé, honnête donnant le temps nécessaire à la confrontation
et lorsqu’elle est possible à la conciliation, entre experts, expliquant leurs
données, d’où elles viennent et ce qu’ils en tirent. Alors seulement, le débat
public pourra être honnête et utile.
Il
me semble que ce type de débat devrait répondre au principe posé par Auguste
Comte : « Le public ne sait pas ce qu’il lui faut, mais il sait
parfaitement ce qu’il veut, et personne ne doit s'aviser de vouloir pour lui. ».
Le public, pour Comte, c’est le peuple
informé. Alors accomplissons mon devoir d’intellectuel organique et tentons d’informer,
pour commencer sur deux sujets importants. Premièrement, sur la situation en Australie du Sud et les conséquences inéluctables
et incontrôlables, même dans un pays bien favorisé par l’ensoleillement, d’un
taux supérieur à trente pour cent d’énergies renouvelables non pilotables,
voulue par démagogie politique. Deuxièmement,
sur la tentative désastreuse de
privatisation de la production électrique en Californie, très riche d’enseignement
sur ce qui se passerait en cas de privatisation de la production et de la
distribution
Une élection en
Australie du sud
Mars
2018 : Le gouvernement travailliste d’Australie du Sud vient de perdre
sèchement les élections, des élections que le Premier Ministre travailliste Weatherill avait présenté comme un référendum sur sa politique de l’énergie »
De
fait l’Australie du Sud constitue un laboratoire énergétique remarquable. Le Gouvernement travailliste a mené une
politique de développement volontaristes du solaire et éolien, qui produisent
environ la moitié de l’électricité, la proportion des trois quart étant visée. Résultat :
1)
Les factures d’électricité bondirent et l’Etat avait l’électricité la plus chère du monde
développé. Et cela a eu des conséquences sociales – une précarité énergétique
comme on n’a pas idée en France. Les demandes d’aides de nourriture
explosèrent et le Banque alimentaire locale fit savoir que les pauvres se
privaient de repas pour payer leur électricité. Signalons d’ailleurs que les
trois Etats en tête pour l’importance du solaire/éolien », Australie du Sud,
Allemagne et Danemark ont des tarifs proches, les plus élevés du monde
industriel, doubles des prix français…
2)
Une instabilité chronique et grave du
réseau. Durant l’été austral
2016-2017, l’Etat d’Australie du Sud connut une demi-douzaine de coupures, dont
l’un concerna tout le territoire – un effondrement total du réseau. Malgré un plan d’urgence coûteux ( un parc de
batteries gigantesques amenés en grande publicité par Elon Musk, mais surtout la
construction d’un parc de centrales à gaz), les problèmes ont persisté en 2018
avec encore de nombreuses coupures électriques. Lors d’un
incident en février 2018, quarante salles d’opération d’un hôpital de la
capitale se retrouvèrent dans le noir durant vingt minutes. Il n’y eut pas mort
d’homme grâce au sang froid du personnel médical, mais l’Association des
Médecins d’Australie rappela sèchement au Gouvernement local la nécessité d’une
alimentation en électricité fiable.
Bref,
les électeurs ont tranché, et les libéraux revenus au pouvoir ont promis de
réorienter complètement la politique énergétique.
Une privatisation en
Californie : l’ »expérience désastreuse » du gouverneur Davis
La
Californie a décidé en 1996 d'entreprendre la dérégulation de son secteur
électrique qui était jusque-là, pour l'essentiel, sous le contrôle de l'Etat.
La concurrence, disaient les promoteurs de cette politique, allait exercer une
pression à la baisse sur les prix, dont bénéficieraient les consommateurs.
C'est exactement le contraire qui s’est passé. Les distributeurs d’électricité
ont été conduits à une quasi-faillite, ont été étranglés par une dette énorme
due à l’explosion des coûts de production totalement libérés alors que leurs
prix restaient régulés par l’Etat : ils ont exigé une augmentation de 30%
des factures aux consommateurs sans quoi des coupures de courant seraient
inévitables.
Que
s’est-il passé ? Qu'allait-il advenir
pour les producteurs, autrefois appartenant à l’Etat et maintenant
privatisés, dans un marché ouvert, y compris aux producteurs d'autres Etats? Les
producteurs de courant, autrement dit les centrales électriques, ont adopté une
politique attentiste Dans cette incertitude, ils n’ont strictement rien fait,
et, contrairement à leurs engagements, ils n’ont entrepris la construction
d'aucune des centrales qu'ils avaient pourtant dans leurs cartons et qu’ils s’étaient
engagé à construire. Leur seule vraie
crainte, la menace suprême pour eux, c’était la surproduction, et ils n’avaient aucun intérêt à investir
et à augmenter une production… dont
la rareté assurait leur profit – elle était la garantie pour eux de pouvoir
imposer des tarifs élevés et maximiser leurs bénéfices sans investissements. Mais dans le même temps, dans cette Californie
où les industries de pointe bourgeonnent, où chaque ménage multiplie les
équipements électriques et électroniques, la demande n'a cessé de croître.
Affaires en or pour les centrales, catastrophes pour les particuliers et les
industriels avec augmentations de prix et pannes.
De
plus, certaines entreprises telles que
Enron et Reliant se sont mise à manipuler le marché, par exemple en bloquant
la jonction entre le réseau de Californie du Nord et celui du Sud. Cette
jonction agissait comme un « goulot d’étranglement » que Enron s’amusait à
paralyser en réservant la capacité de transmission sans l’utiliser. Cela
faisait encore plus augmenter le prix de l’électricité et permettait à Enron de
réaliser d’énormes profits. Évidemment, la Federal Energy Regulatory Commission
(FERC) se devait de contrer ces stratégies, mais elle n’avait pas les
ressources et la sophistication nécessaires pour le faire.
D’autre
part, il y avait souvent des interruptions pour l’entretien de centrales qui se
produisaient en même temps, ce qui est normal puisque les producteurs
indépendants n’avaient aucun incitatif à coordonner leurs interruptions
d’entretien pour ne pas qu’elles se fassent en même temps. Les producteurs
avaient plutôt un incitatif à faire leurs interruptions d’entretien en même
temps, puisque cela créait des hausses
de prix drastiques et leur permettait d’empocher des profits élevés. Comme les distributeurs avaient de la difficulté à
joindre les deux bouts, ils ont eu de la difficulté à payer les producteurs.
Certains d’entre eux ont donc arrêté de produire, ce qui a encore contribué à
exacerber la pénurie et à faire monter le prix. En Janvier 2001, l’état
d’urgence a été décrété par le gouverneur Davis.
Seule
Los Angeles s’était sorti du désastre, et heureusement : la métropole de
Californie du sud avait refusé de s'engager en 1996 dans le mouvement de
privatisation. Son Département de l'eau et de l'énergie a disposé de plus d'électricité qu'il n'en faut à la
ville. Te se permettait même d’ne céder aux voisins. Plusieurs grandes municipalités (San
Francisco, San Diego…) ont alors envisagé de suivre l'exemple de Los Angeles et
de créer un service municipal de l'électricité.
L’exaspération
gagna les Etats voisins désastre (Oregon, Washington, Idaho), qui avaient
l'habitude de recevoir en hiver de l'électricité californienne. La soudaine
pénurie obligea certaines grandes usines d'aluminium à diminuer ou à suspendre
leur activité.
Finalement,
Le gouverneur démocrate Gray Davis résuma la situation en la qualifiant d'«expérience
désastreuse». La renationalisation du
transport de l’électricité et le régulation des trois plus grandes compagnies
productrices fut décidée.
Fin
d’une expérience qu’il ferait bon ne pas reproduire
Tous ceux qui le souhaitent peuvent (tenter) de participer au grand débat sur la programmation pluriannuelle de l'énergie (https://www.debatpublic.fr/revision-programmation-pluriannuelle-lenergie)
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