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dimanche 29 août 2021

EOS (Eoliennes flottantes en Méditerranée) : les pêcheurs se mobilisent et ils ont raison !

 Le projet EOS (EOliennes flottanteS en Méditerranée) consiste en la réalisation, pour une durée de 25 à 30 ans, de deux parcs éoliens flottants commerciaux de 250 MW chacun et de leurs extensions, de 500 MW chacune. Les premiers parcs comporteraient chacun une vingtaine d’éoliennes flottantes, leurs systèmes d’ancrage, un poste électrique en mer et le raccordement au réseau. Avec des éoliennes probablement plus puissantes, leur extension représentera une trentaine d’éoliennes supplémentaires, soit une cinquantaine pour chaque parc (extension attribuée à partir de 2024)

Situations des zones éoliennes  et des  zones de pêche

Bon déjà on voit un gros problème et les pêcheurs ont été les premiers à réagir par un cahier d’acteur déposé par la Sa.Tho.An qui  regroupe environ  100 navires de pêche sur une trentaine de ports en Méditerranée française et représente 350 marins embarqués et un CA de 30 millions d’euros par an,

https://sathoan.fr/wp-content/uploads/2021/08/CAHIER-DACTEURS-VF-OP-SATHOAN.pdf

Les points principaux :

- Une implantation hors des macro-zones B et C et au-delà de la limite des 20 milles nautiques, étant donné le caractère indispensable de ces zones dans l'économie de la pêche. Ces zones représentent des secteurs de forte dépendance pour les pêcheurs de la Sa.Tho.An. Une implantation dans un de ces secteurs de forte dépendance serait donc très préjudiciable pour eux.

-  Aucune suppression de zones de pêche sans récupération équivalente dans un autre secteur ;

- L'élaboration d'un retour d'expérience complet des fermes pilotes avant le lancement d'un projet de plus grande envergure dans un milieu fragile ;

Remarque : c’est la sagesse même : il s’agit du projet Eoliennes flottantes du golfe du Lion (EFGL : 3 éoliennes de 10 MW chacune à 16 km au large de Leucate et du Barcarès)

- la nomination d'un garant de la concertation par la CNDP qui soit au fait autant de tous les enjeux induits par le vaste jeu d'acteurs dont le golfe du Lion est le terrain que des enjeux particuliers de la pêche

-  la constitution d'un GIS pour mesurer les impacts cumulatifs environnementaux et socio-économiques du projet avec le contexte du golfe du Lion…

En passant, une autre partie de la zone est incluse dans un Parc Naturel Marin…sans que ça fasse trop réagir les associations écologistes.

Et les pêcheurs ont raison de s’inquiéter !

Voire notamment le colloque qui a eu lieu au Parlement européen le 22 janvier 2020 « Les pêcheries et l’éolien en mer peuvent-ils coexister ? » et ce qui s’en est ensuivi, le projet de rapport sur les effets des parcs éoliens en mer et des autres systèmes d’énergie renouvelable sur le secteur de la pêche. Parlement Européen, Commission Pêche, Rapporteur : Peter van Dalen

Cf sur ce blog https://vivrelarecherche.blogspot.com/2020/11/eolien-en-mer-les-pecheurs-se-battent.html; https://vivrelarecherche.blogspot.com/2021/05/parlement-europeen-commission-peche.html; https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/PECH-PR-681090_FR.pdf

Extraits :

- on ne sait pas grand chose des effets de gigantesques parc éoliens sur la pêche et sur l’environnement végétal et animal ;  les premiers retours des pêcheurs sont catastrophiques. 

La Commission :

- S’inquiète de l’impact négatif à long terme des éoliennes en mer sur les écosystèmes, les stocks de poissons et la biodiversité, et par conséquent sur l’ensemble des pêcheries, et ce tout au long du cycle de vie des éoliennes, de leur construction jusqu’à leur déclassement, en passant par leur exploitation;

- Souligne que le déploiement à grande échelle de parcs éoliens en mer risque de nuire au fonctionnement physique des bassins maritimes, en particulier des courants marins et aériens, ce qui pourrait contribuer au mélange des couches de la colonne d’eau, et, par conséquent, influer sur le cycle des nutriments, la génération des vagues, 

- Insiste sur le fait que toute restriction d’accès aux zones de pêche traditionnelles a des répercussions directes sur les moyens de subsistance des pêcheurs de l’Union et les emplois connexes à terre, et que l’approvisionnement responsable et durable en denrées alimentaires et la sécurité alimentaire s’en trouvent compromis;

- Met en exergue que l’analyse des chevauchements entre les énergies renouvelables en mer et les pêcheries laisse présager une forte hausse des conflits spécifiques potentiels dans les eaux européennes dans les années à venir;

Et les mensonges habituels des maîtres d’œuvres ! la synthèse du dossier de la maîtrise d’ouvrage de EOS :

Qqs extraits

« Ces projets de parcs éoliens flottants commerciaux seraient parmi les premiers au monde, en dehors des fermes pilotes ou des démonstrateurs. »

Remarque :  justement alors, pourquoi ne pas attendre les résultats et l’expérience du projet pilote Eoliennes flottantes du golfe du Lion (EFGL  3 éoliennes de 10 MW chacune à 16 km au large de Leucate et du Barcarès ? Voilà qui serait logique et intelligent.

« Ainsi les éoliennes reçoivent des vents à la fois plus forts et plus réguliers, ce qui améliore leur capacité de production.

Remarque :  laquelle reste intermittente 30%-35% au mieux, exige donc toujours une autre source et  si comme souvent, cette autre source c’est du gaz, eh ben, ça ne la fait pas du tout. L’éolien off shore, c’est de 24 g/kWh à 47 g CO2/kWh. C’est déjà beaucoup plus que le nucléaire (6gCO2/kw.h), jour et nuit, hiver et été. Alors, si, comme souvent, on supplémente l’intermittence par du gaz (420g/CO2/kw.h), ça nous fait à la louche du 350gCO2/Kw.h. le moins qu'on puisse dire,  pour la décarbonation, ça le fait plus du tout !

Par ailleurs, même avec une capacité de production améliorée…l’éolien off shore  constitue toujours le moyen le plus cher de produire de l’électricité (170 € -360 € /MWh -éolien flottant)

« Pour répondre à une ambition française de diminution des émissions de gaz à effet de serre et de diversification du bouquet énergétique pour le rendre plus robuste, l’implantation de deux parcs éoliens flottants et de leurs extensions est étudié…  nécessaires pour limiter le réchauffement climatique en dessous de 2°C d’ici à 2050…  crucial pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre »

Remarque : je ne vois pas en quoi l’énergie variable intermittente de l’éolien rend plus robuste notre bouquet énergétique. Quant à l’argument mille fois entendu de la diversification, Jancovici lui a fait un sort : Si on coupe une de mes jambes pour la remplacer par une jambe de bois, j’ai diversifié mes appuis mais je ne suis pas sûr que ma situation globale soit améliorée.

Ces projets éoliens offshore ne contribuent pas à la réduction des émissions de gaz à effet de serre en France ; ils ne serviront pas non plus à lutter contre le réchauffement climatique. »

« Les deux parcs de 250 MW produiront un total cumulé d’environ 2,2 TWh d’électricité, l’équivalent de la consommation annuelle de 950 000 habitants, ce qui représente plus de la population de Toulouse, Montpellier et Nîmes réunies. Avec les extensions de 500 MW, l’ensemble du projet pourra fournir près de 6,6 TWh d’électricité, ce qui représente la consommation annuelle de près de 2,9 millions d’habitants, soit environ 50 % de la population de la région Occitanie ou 60 % de la population de Provence-Alpes-Côte d’Azur. »

Remarque : Assez fatigant d’entendre cette propagande éhontée,  toujours la même. Les deux parcs ne fourniront aux habitants de l’électricité que 30% du temps, et pas du tout nécessairement quand ils en ont besoin, mais quand le vent voudra bien.

Dites, la CNPD, ça serait bien quand même que vous réagissuez un peu lorsque la présentation de la ma^trise 'ouvrage est aussi caricaturale ! 

« Le projet ouvrirait la possibilité de développer et moderniser des ports comme celui de Port-La-Nouvelle, ou celui du Grand port maritime de Marseille-Fos, mais aussi de créer localement des emplois au sein de la porteuse filière de production d’énergies renouvelables. »

Remarque : Ah, le coup de l’emploi, bien rebattu lui aussi. On n’a jamais vu  les  600 000 emplois entre 2009 et 2020» promis par le Grenelle de l'environnement. Et pour le fun, ces déclarations de Naval Group à deux mois d’intervalle.

Quand Naval Group candidatait pour l’éolien offshore de la zone Bretagne ouest :  Naval Energies ambitionne de devenir un acteur industriel de référence au niveau mondial de l’éolien flottant. Le dynamisme du marché français permet à Naval Energies de se projeter ambitieusement sur les marchés export (Japon, Royaume-Uni, Corée, etc.)…Les perspectives de développement de cette filière sont immenses… ».

Deux mois plus tard, début février 2021, Naval Group met fin à sa diversification dans le secteur des énergies marines renouvelables :  « le marché des énergies marines renouvelables est immature…L'éolien flottant représente des investissements considérables pour une rentabilité incertaine, voire inatteignable »…

« Les  enjeux en présence dans la zone d’étude du projet : en phase de construction, les principaux effets potentiels sont liés aux bruits sous-marins et à la modification d’habitat pour certains animaux marins »

Remarque : en effet. A Saint-Brieuc, Sea Shepherd a enregistré le bruit des travaux sous-marins (ne pas oublier que le propagation du son dans l’eau est beaucoup plus importante que dans l’air) C’est terrifiant !

« Durant l’exploitation, les principaux effets potentiels en mer sont la modification d’habitat, le changement de nature des fonds marins ou l’effet récif artificiel »

Remarque : l’effet récif est fortement contesté ! Par contre ce qui est certain, c’est que la zone totale occupée par les éoliennes et les raccordements devient inaccessibles aux pêcheurs. D’ores et déjà, les pêcheurs se sont mobilisés et ont fait savoir que leurs principales zones de pêche se trouvaient dans les zones impactées et que, sauf à voir disparaitre leur activité, l’implantation ne pouvait se faire qu’au delà de 20 milles nautiques (voir cahier d’acteur Sa.Tho.An ci-dessus)

Par contre, l’effet chaine lui est de plus en plus mis en évidence.  Pour  les perturbations, ce n’est pas du tout la même chose d’avoir une éolienne isolée ou d’immenses parcs à proximité les uns des autres. Les turbulences importantes produites par les éoliennes entraînent des changements de vent provoquant des modifications dans la vitesse et la direction des vagues, les colonnes d’eau, le brassage des sédiments..)

« Les enjeux de la consultation selon RTE et l’Etat :  Identifier  l’ensemble des enjeux de la zone d’étude du projet à terre comme en mer, à partir des données aujourd’hui disponibles et de l’expertise citoyenne. L’objectif est notamment d’améliorer le potentiel de réalisation du projet ; déterminer un minimum de trois zones préférentielles pour l’installation de deux parcs éoliens flottants et leurs extensions, dont au moins une en région Occitanie et au moins une en région Provence-Alpes-Côte d’Azur ;   Affiner les aires d’études à terre et en mer pour les raccordements au réseau public de transport d’électricité, mutualisés pour chacun des premiers parcs et de leur extension, afin d’engager ultérieurement la concertation sur cette base « 

Remarque : Autrement dit, selon RTE, l’Etat et leur léger forcing, le projet est plié, ne reste qu’à discuter certaines modalités.

Heureusement la Commission Nationale du Débat Public ne l’entends pas ainsi et l’a à plusieurs reprises rappelé :

Sont donc soumis à consultation :

L’opportunité, les objectifs et les caractéristiques principales du projet ;

- Les enjeux socio-économiques ;

- Les impacts significatifs sur l’environnement et l’aménagement du territoire ;

- Les éventuelles solutions alternatives, y compris l’absence de mise en œuvre ;

- La localisation des zones potentielles d’implantation des parcs et de leur raccordement

A bon entendeur !

Et on rajoutera cet incipit du rapport de la CNDP en Normandie :

« La mer n’est pas vide et contrairement à l’apparence, elle n’est pas libre »

 Là encore, à bon entendeur !

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