REPower EU : La réponse de la Commission au défi russe… est une réponse allemande aux problèmes allemands qui aggraverait et généraliserait à toute l’Europe la catastrophe de l’Energiewende. Une course aveugle derrière l’EnergieWende allemande : gaz ( et encore charbon) au mépris des engagement climatiques, marche forcée aux Energies Variables Intermittentes malgré les échecs et les réticences de plus en plus fortes des opinions), absence du nucléaire (le mot ne figure pas dans le document REpower EU, aucune allusion à la solution évidente de la prolongation des centrales), biométhane à gogo (mais quid des cultures alimentaires )…et le miracle hydrogène !
Alors que certains États membres ont déjà annoncé leur intention de mettre fin aux importations de fossiles en provenance de Russie, aucun État membre ne peut relever ce défi isolément. Grâce à l’évaluation et à la planification conjointes des besoins, aux achats conjoints et à une coordination renforcée, nous pouvons faire en sorte que l’ambition de mettre fin à la dépendance de la Russie à l’égard des combustibles fossiles soit à la fois réalisable et abordable pour tous les États membres. C’est pourquoi la Commission présente un plan SAVE de l’UE, avec une approche à deux volets: réaliser des économies d’énergie à court terme grâce à un changement de comportement et accélérer et renforcer le changement structurel grâce à des mesures d’efficacité énergétique à moyen et à long terme. D’après les commentaires des intervenants, on estime que ces types de mesures à court terme pourraient permettre de réduire de 5 % la demande de gaz et de pétrole.
Le moment est venu de réduire la dépendance énergétique stratégique de l’Europe. REPowerEU accélère la diversification et davantage de gaz renouvelables, utilise les économies d’énergie et l’électrification avec le potentiel de fournir d’ici 2027 au moins l’équivalent des combustibles fossiles que l’Europe importe actuellement de Russie chaque année. Elle le fait avec une planification coordonnée, dans l’intérêt commun et avec une forte solidarité européenne. L’urgence de parvenir à réduire la dépendance énergétique de l’Europe est double. Alors que la crise climatique a été gravement aggravée par une crise de sécurité dans le voisinage immédiat de l’UE, l’UE ne peut pas permettre que sa demande d’énergie soit utilisée comme une arme économique ou politique. »
Le solaire et l’éolien sont des sources d’énergie dont la
production est variable et ce de manière non pilotable. Elles ne peuvent donc
pas, seules, faire face à la demande. C’est pourquoi l’Allemagne a, malgré
l’énorme augmentation des énergies renouvelables, conservé un parc de
production pilotable qui lui permet d’assurer la production pendant les
périodes de vent faible ou d’ensoleillement limité. La sollicitation de ces
différents moyens de production est très variable en fonction de la demande en
énergie, mais aussi de la météorologie. La production du solaire photovoltaïque
est bien sûr nulle pendant la nuit, mais peut monter au-delà de 40 GW au milieu
d’une belle journée d’été. De même, la production éolienne peut descendre à
moins de 1 GW, mais aussi dépasser les 45 GW. Ces variations considérables sont
compensées en petite partie par l’hydraulique, mais surtout par les productions
fossiles (charbon et gaz).
En 2020, il y a eu une forte diminution de la consommation électrique en Allemagne, comme dans l’immense majorité des pays, du fait de l’épidémie de Covid-19. Cette diminution s’est répercutée pour l’essentiel sur la production d’électricité d’origine fossile puisque les énergies renouvelables sont prioritaires, avec donc une baisse des émissions de CO2 . Cet événement fortuit a permis à l’Allemagne de respecter l’objectif qu’elle s’était donné d’une diminution de 40 % des émissions sur la période 1990-2020. Avec la fin des contraintes liées à la gestion de l’épidémie, mais aussi du fait de la flambée des prix du gaz qui ont favorisé l’usage du charbon, les émissions ont fortement réaugmenté en 2021 (par rapport à leur niveau de 2020) et l’objectif sur les émissions de CO2 ne sera plus tenu. »
F-M Bréon, https://www.afis.org/La-transition-du-secteur-electrique-en-Allemagne
Commentaire : Avec son Energiewende tout renouvelable, l’Allemagne n’a en valeur absolue pas baissé d’un pouce ses émissions de CO2 par habitant qui restent supérieures d’un tiers à celles de la France. Quant aux émissions de CO2 pour la production électrique, elles sont 6 à 8 fois supérieures à celles de la France !
2) Du point de vue géostatégique, c’est remplacer une dépendance russe par une dépendance américaine. Dans l’immédiat, c’est peu discutable ? Mais qui sait ce que réserve le futur ? On aura pas la cruauté de rappeler les déclarations des dirigeants allemands qualifiant Poutine de démocrate sans faille (Schröder) , le soutien à l’élection ukrainienne douteuse de Viktor Ianoukovitch, et leurs illusions sur l’évolution de la Russie.
3) L’un des principaux obstacles au développement renforcé des ENR , c’est aussi l’un des grands échecs de l’Energiewende, le réseau ;
En 2020, l’estimation du coût de l’adaptation du réseau aux ENR était estimée à 110 milliards d’euros pour 2050, soit un quintuplement de l’estimation initiale ; et cette valeur est elle-même déjà caduque. Et le principal problème est que ce réseau ne se fait pas : sur 3600 km de réseau supplémentaire prévus pour 2015, seuls 17% étaient réalisés en 2019! Or l’ Energiewende complète exigerait 11.000 km.
Les éoliennes de la mer du nord ne sont toujours pas reliées aux centres industrielles du sud, et les surplus éoliens, lorsqu’ils existent se déversent chez les Tchèques et les Polonais, qui n’en ont nul besoin et doivent s’en protéger
Le fait est que cette extension du réseau se heurte à un immense problème d’acceptabilité ; et l’on ne voit pas comment cela serait compatible avec une accélération des ENR
4) Stabilité du réseau : graves conséquences
A supposer même que les ENR puissent se substituer davantage aux pilotables à rythme accéléré (« remplacer le gaz russe) ; c’est la quasi-certitude de risques énormes d’effondrement du réseau. Ceci a été pointé en termes assez peu diplomatiques par la Cour des Comptes Fédérale Allemande (« Les hypothèses du ministère des Affaires économiques concernant la sécurité d'approvisionnement en électricité sont "en partie trop optimistes et en partie invraisemblables »)et en France par un rapport de France Stratégie qui a eu un certain écho (Quelle sécurité d’approvisionnement électrique en Europe à horizon 2030 ?:
«La fermeture programmée en Europe de capacités pilotables doit être mieux prise en compte pour garantir la sécurité d’approvisionnement avant 2030… dès 2030 et vraisemblablement à une date plus rapprochée, si les tendances actuelles se maintiennent, les seuls moyens pilotables ne seront pas en mesure de satisfaire toutes les demandes de pointe moyennes »
Et pour terminer, un ordre de grandeur : le redémarrage d'un seul réacteur nucléaire existant aurait le même effet que la fourniture d'un million de tonnes de #GNL (gaz naturel liquéfié) supplémentaire par an sur le marché mondial.
5) Enjeux matières premières : très critique !
Que ce soit l’Ademe (Les
réseaux électriques choix technologiques, enjeux matières et opportunités
industrielles, 2020), l’AIE (Clean
energy progress after the Covid-19 crisis will need reliable supplies of
critical minerals, RTE (« Futurs
énergétiques 2050 », 12.3 Les ressources : des tensions possibles sur
l’approvisionnement en ressources minérales,l’IFP (Les métaux dans la transition énergétique) et plus récemment
l’université de Leuwen (Europe’s Green
Deal requires massive amounts of battery metals, 2022), tous pointent sur
des problémes massifs et critiques d’approvisionnement en métaux et minéraux (cuivre, aluminium ,
lithium, platinoides, silicium, cobalt, nickel, terres rares).
L’accélération massive de la transition vers les ENR ne fera disparaitre le
problème bien au contraire !
Et le
pire du pire, c’est l’offshore !
6) Un coût qui doit être économiquement soutenable et socialement acceptable
La solution allemande et vers laquelle la Commission
Européenne veut orienter l’Europe consiste à doubler un parc pilotable par un
parc ENR est l’une des plus couteuses qui soit, et de fait l’Allemagne a
structurellement le coût le plus élevé d’Europe pour l’électricité.
7) Une certaine hypocrisie et toujours un antinucléarisme dogmatique et intransigeant.
Quelques nouvelles glanées dans l’actualité :
6a) A aucun moment, le mot nucléaire ne figure dans le document REPowerEU. Ni pour le court terme ( prolongation des centrales existantes), ni pour le moyen terme, ni pour le long terme.
6b) Visite d’Urusla Van Der Leyen en Inde : “Energy security is one of the most pressing topics for India and Europe. The EU will diversify away from Russian fossil fuels and will invest heavily in clean renewable energy. So 🇪🇺 🇮🇳 cooperation on solar and green hydrogen is key”
Pas un mot sur les projets d’EPR en Inde où pourtant la France a remis une "offre engageante » en vue de la construction de six (réacteurs) EPR sur le site de Jaitapur qui deviendrait alors la plus puissante centrale nucléaire au monde. Clairement, il ne faut attendre aucun soutien de cette Commision sous influence allemande pour ce type de projet.
6c) Ce que ne dit pas Repower EU, c’est que c’est aussi un plan procharbon !
Ainsi, on apprend : « Le Botswana a été inondé de requêtes pour fournir du charbon à l’Europe et estime que la demande des pays occidentaux pourrait dépasser un million de tonnes par an, a déclaré mardi le président Mokgweetsi Masisi, alors que la guerre en Ukraine oblige l’Europe à se tourner davantage vers l’Afrique pour les ressources énergétiques. »
Et quasi simultanément, on apprend :
« Le ministre ougandais en charge de l’énergie a
annoncé le 11 mai l'acquisition d'un terrain en vue de la construction de la
première centrale nucléaire d’Afrique de l’Est (2000 MW).
Quelle ironie !https://www.reuters.com/business/energy/europe-seeks-million-tonnes-per-year-botswana-coal-says-president-2022-05-10/?s=09 ; https://www.connaissancedesenergies.org/louganda-prevoit-de-construire-la-premiere-centrale-nucleaire-dafrique-de-lest-220513
Le
Miracle hydrogène : ne peut pas pallier les défauts des énergies variables
intermittentes !
Le miracle hydrogène a été suscité parce qu’au fond, les dirigeants allemands savent bien que les énergies variables et intermittentes (éolien et solaire) ne leur permettront jamais de se passer à la fois du charbon et du nucléaire. C’est toujours la course aveugle derrière l’EnergieWende, avec un problème non résolu : l’hydrogène est un vecteur énergétique, pas une source. Donc, il faut le produire !
« L’hydrogène jouera un rôle clé pour remplacer le gaz naturel, le charbon et le pétrole dans les applications difficiles à décarboniser dans l’industrie et les transports. REPowerEU propose un « accélérateur d’hydrogène » fixant un objectif de 10 millions de tonnes de production nationale d’hydrogène renouvelable et de 10 millions de tonnes d’importations d’hydrogène renouvelable d’ici 2030. Afin d’atteindre cet objectif, il est proposé d’accélérer les efforts conjoints au niveau de l’UE et des États membres pour finaliser les cadres réglementaires et les projets relatifs à l’hydrogène, stimuler le déploiement de l’électricité renouvelable et les capacités de fabrication d’électrolyseurs dans l’UE, et faciliter la transition vers l’hydrogène… Des cadres réglementaires sont nécessaires de toute urgence pour permettre au développement de l’économie de l’hydrogène dans l’UE. Conjointement avec cette communication, la Commission a publié pour réaction du public deux actes délégués sur la définition et la production d’hydrogène renouvelable Il est également urgent d’accélérer les travaux sur les normes manquantes en matière d’hydrogène, en particulier pour la production, les infrastructures et l’utilisation finale de l’hydrogène ... »
Commentaire : sur la question de l’hydrogène renouvelable, la Commission ignore visiblement toutes les études démontrant que la production d’hydrogène à partie d’énergies renouvelables se fait à un coût prohibitif… ou avec beaucoup de gaz puisque le coût de structure des hydrogénateurs est archidominant et que ceux-ci doivent être utilisés de façon continue. On restera discret par charité sur les délires de classification taxonomique de la Commission sur les différentes types hydrogènes (gris, bleu, vert, jaune , rose _l’hydrogène produit à partir du nucléaire, considéré évidemment comme non renouvelable).
L’absence de cadres pour les normes n’est pas qu’un obstacle bureaucratique, c’est un problème technique fondamental lié à la dangerosité spécifiques de l’hydrogène (explosibilité, diffusibilité) A part les usages industriels de l’hydrogène, le dangers sont loin d’être négligeables, identifiés et maitrisés. Ainsi, en Norvège, l’explosion en juin 2019 d’une station-service en Norvège a mis fin à la vente de véhicules à hydrogène par Toyota et Hyundai…
« « L’utilisation massive
d’hydrogène comme stockage intermédiaire d’énergie électrique intermittente
(éolien et solaire) dans la chaîne Power-to-Gas-to-Power se heurte à
des obstacles rédhibitoires tenant aux volumes considérables des stockages
d’hydrogène requis et au faible facteur de charge des électrolyseurs et
piles à combustible de la chaîne « conversion-stockage-conversion » qui
obère considérablement les coûts… Dans tous les cas, le stockage d’une
électricité renouvelable variable sous forme d’hydrogène entraine des pertes de
conversion de 70 %, à terme peut-être seulement 40 ou 50 %. Dans un
environnement disposant de larges réseaux de gaz ou d’électricité les
perspectives de rentabilité pour ces solutions semblent très lointaines, à
des niveaux de coût carbone bien supérieurs à ce qu’ils sont
actuellement. »
(Comité de prospective de la CRE_ Le vecteur hydrogène ; Les enjeux de l’Hydrogène, rapport de l’Académie des Technologies)
Très clairement, selon la vision allemande, une grande partie de l’hydrogène européen serait produit dans des pays tiers. Les plans allemands de giga production au Sahel, basés sur le solaire, ont fait chou blanc, ils sont remplacés par d’autre gros projets en Namibie, au Congo, etc. Outre les nouvelles dépendances qui en résultent, on peut s’interroger sur ce que l’ancien expert de la Commission Samuele Furfari a qualifié d’ « écocolonialisme au pays du surréalisme »
Autres remarques
Ouverture vers le gaz de schiste en Europe ?
« L’un des principaux objectifs de REPowerEU est d’assurer un approvisionnement en gaz alternatif adéquat pour couvrir la demande de gaz de l’Europe en diversifiant les approvisionnements extérieurs. La production nationale de gaz naturel au sein de l’UE pourrait compenser dans une certaine mesure la réduction des importations en provenance de Russie à court terme »
Commentaire : Intéressant :l’un des objectifs est-il d’autoriser la production de gaz de schiste en Europe ?
Le biogaz et les conflits d’usages : concurrence avec les cultures alimentaires, c’est pas réglé du tout !
« Porter la production de biométhane à 35 milliards de mètres cubes d’ici 2030 [objectif de 2028] est une voie rentable pour réaliser notre ambition de réduire les importations de gaz naturel en provenance de Russie. Afin d’accroître la capacité de production de biogaz dans l’UE et de promouvoir sa conversion en biométhane, les besoins d’investissement estimés s’élèvent à 36 milliards d’euros sur la période, qui peuvent être cofinancés par la politique agricole commune à condition que les États membres incluent les projets dans leurs plans stratégiques. »
Commentaire :
Le détournement de la politique agricole commune vers les besoins énergétiques
surprend : c’est assez maladroit et angoissant à un moment où la guerre en Ukraine révèle des
fragilités et dépendances alimentaires plutôt inquiétantes.
Déjà en Allemagne la lutte pour la terre entre production alimentaire et production énergétique a provoqué un net ralentissement du biogaz. En France, France Stratégie (Quelle place pour le gaz dans la transition énergétique ?, 2020 ; Biomasse agricole : quelles ressources pour quel potentiel ? (2022) a pulvérisé les prévisions très optimistes de l’Ademe :
« Le remplacement du gaz fossile par du gaz renouvelable
relève encore largement du pari...Même pour l’industrie seulement, « il n’est pas certain qu’une offre de gaz
renouvelable puisse répondre à ces besoins spécifiques en gaz, aussi limités
soient-ils in fine. De
fait, les trois technologies disponibles pour produire du gaz renouvelable
n’ont pas encore fait la preuve de leur rentabilité dans une perspective de
développement à grande échelle. »
« Le potentiel énergétique maximal identifié de la biomasse agricole pourrait, en théorie, atteindre 120 TWh. Or, la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) estime un potentiel de production de biomasse agricole proche de 250 TWh. »
« La SAU (superficie
agricole utilisée) consacrée à la production de biomasse non alimentaire est
estimée actuellement à environ 1,7 Mha (soit 6 % de la SAU totale). Pour
couvrir les besoins en biomasse projetés à long terme, il sera nécessaire de
recourir massivement aux résidus de cultures, aux surplus d’herbes et aux
cultures intermédiaires ne nécessitant pas de nouvelles surfaces spécifiques et
récoltables sur un minimum de 15 Mha (plus de 50 % de la SAU estimée en 2050). »
On fait comment ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Commentaires
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.