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vendredi 10 juin 2022

Acte délégué de la Commission Européenne sur l’hydrogène renouvelable : La priorité n’est pas l’hydrogène renouvelable, mais l’hydrogène bas carbone !

Contexte :  La Commission a en préparation un acte délégué sur l’hydrogène renouvelable, qui est actuellement en consultation jusqu’au 17 juin minuit !

https://ec.europa.eu/info/law/better-regulation/have-your-say/initiatives/7046068-Production-de-carburants-renouvelables-pour-le-transport-part-delectricite-dorigine-renouvelable-exigences-_fr

« Afin de considérer l’hydrogène comme entièrement renouvelable, la production d’hydrogène renouvelable devrait donc encourager le déploiement de nouvelles capacités de production d’électricité renouvelable ».

En fait cet acte délégué sur l’hydrogène est essentiellement un acte délégué pour la promotion des énergies dites renouvelables, ce qui constitue une grave erreur de nature à entraver le développement nécessaire d’une production industrielle massive d’hydrogène bas-carbone.

Extraits :

RÈGLEMENT DÉLÉGUÉ (UE) .../... DE LA COMMISSION XXX complétant la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil par l’établissement d’une méthodologie de l’Union établissant des règles détaillées pour la production de carburants liquides et gazeux renouvelables destinés au transport d’origine non biologique.

1) « Les carburants liquides et gazeux renouvelables destinés aux transports d’origine non biologique sont importants pour accroître la part des énergies renouvelables dans les secteurs qui devraient dépendre des combustibles gazeux et liquides à long terme »

2) « Le contenu énergétique de presque tous les carburants liquides et gazeux renouvelables d’origine non biologique est basé sur l’hydrogène renouvelable produit par électrolyse. L’intensité d’émission de l’hydrogène produit à partir d’électricité fossile est considérablement plus élevée que l’intensité d’émission de l’hydrogène produit à partir du gaz naturel dans les procédés conventionnels. L’utilisation d’hydrogène renouvelable ne conduira donc à des réductions des émissions de gaz à effet de serre que si les incitations à une augmentation de la production d’électricité fossile sont empêchées par une augmentation de la production d’électricité renouvelable. Compte tenu de l’énorme quantité de production supplémentaire d’électricité renouvelable nécessaire pour progresser dans la décarbonisation de la production actuelle d’électricité fossile, cela ne peut être assuré qu’en incluant des critères stricts d’additionnalité dans cette méthodologie. »

3) « Afin de considérer l’hydrogène comme entièrement renouvelable, la production d’hydrogène renouvelable devrait donc encourager le déploiement de nouvelles capacités de production d’électricité renouvelable (principe d’additionnalité) ou avoir lieu à des moments où les électrolyseurs soutiennent l’intégration de la production d’énergie renouvelable dans le système électrique ou dans des zones de dépôt des offres où l’électricité renouvelable représente déjà la part dominante et l’ajout de capacités supplémentaires de production d’électricité renouvelable ne permettrait pas  être nécessaire ou possible

8) Si l’installation produisant de l’électricité renouvelable et l’installation produisant de l’hydrogène sont non seulement directement connectées, mais sont également connectées au réseau, il convient de fournir la preuve que l’électricité utilisée pour produire de l’hydrogène est fournie par le raccordement direct. L’installation fournissant de l’électricité pour la production d’hydrogène par le biais d’une connexion directe devrait toujours fournir de l’électricité renouvelable. S’il fournit de l’électricité non renouvelable, par exemple obtenue à partir du réseau, l’hydrogène résultant ne sera pas considéré comme renouvelable. »

9) « En ce qui concerne l’hydrogène renouvelable produit à partir d’électricité provenant du réseau, sa production devrait encourager, par le biais d’un contrat d’achat d’électricité, le déploiement de nouvelles capacités de production d’électricité renouvelable qui ne bénéficient pas déjà d’un soutien financier »

10) « Afin de garantir que l’hydrogène renouvelable est produit à partir d’électricité renouvelable, la production d’électricité renouvelable devrait avoir lieu en même temps que la consommation d’électricité pour la production d’hydrogène renouvelable et il ne devrait pas y avoir de congestion du réseau électrique entre l’électrolyseur produisant de l’hydrogène renouvelable et l’installation produisant de l’électricité renouvelable. »

(11) « Afin de démontrer que la production d’électricité produite à partir de sources renouvelables a lieu en même temps que la consommation d’électricité, les producteurs d’hydrogène devraient démontrer que la production d’hydrogène renouvelable a lieu à la même heure civile que la production d’électricité renouvelable ou que l’électricité renouvelable qui a été stockée localement pendant ces périodes est utilisée. »

Commentaire sur l’additionnalité

« L’additionnalité signifie que la nouvelle production d’énergie renouvelable est construite pour les nouveaux projets d’hydrogène. L’acte délégué prévoit une période d’introduction progressive de règles plus strictes jusqu’en 2026. Seuls les nouveaux parcs éoliens et solaires non subventionnés pourront être utilisés pour produire de l’hydrogène renouvelable.

À partir du 1er janvier 2027, la production d’hydrogène devra également avoir lieu dans la même heure que la production d’électricité, précise la Commission. Avant cette date, il faut une correspondance mensuelle entre la production d’électricité et la production d’hydrogène »

Réaction de RWE :

« Markus Krebber, PDG de RWE, déclare :

“Les règles détaillées concernant les critères relatifs à l’hydrogène […] freineront les investissements nécessaires dans les années à venir…

Le lien temporel signifiera également que les électrolyseurs resteront inactifs pendant les périodes de faible production d’énergie. Des secteurs tels que la mobilité électrique n’ont pas de telles exigences. De plus, le marché des émissions de l’Union européenne plafonne les émissions de carbone du secteur de l’électricité.

Le groupe industriel Hydrogen Europe et ses membres du secteur des services publics font depuis longtemps pression en faveur d’un assouplissement des règles d’additionnalité. L’entreprise déclare qu’il ne sera pas possible de développer la technologie si les exigences sont trop strictes 

Commentaire : c’est parfaitement vrai, la production d’hydrogène à partir d’énergies intermittentes est une aberration technique et économique, les électrolyseurs doivent être utilisés 24h/24.

Proposition de réaction

Il existe un large consensus sur le fait que l’hydrogène est appelé à jouer un rôle crucial dans la transition énergétique, notamment dans la décarbonation des procédés industriels, certains transports lourds, la chimie, les piles à combustibles et que les besoins en hydrogène vont augmenter de manière très important. Actuellement, l’hydrogène est produit très majoritairement (95% dans l’UE) par craquage d’hydrocarbure, un procédé très émetteur de gaz à effets de serre  (typiquement 12 tonnes CO2 par tonnes d’hydrogène). Une solution industrielle alternative permettant une production massive d’hydrogène existe, il s’agit de l’électrolyse de l’eau ; elle sera bas-carbone si l’électricité utilisée est elle-même bas carbone.

En confondant une fois de plus un moyen particulier (les énergies renouvelables) avec le but  recherché (l’utilisation d’une électricité bas-carbone), la Commission fait fausse route et commet une grave erreur de nature à entraver le développement nécessaire d’une production industrielle massive d’hydrogène bas-carbone. Et ceci pour plusieurs raisons, qui ont notamment été indiquées dans un rapport de l’Académie des Technologies (Rôle de l’hydrogène dans une économie décarbonée, juillet 2020)

1) « Le coût d’investissement des électrolyseurs est élevé et ils ne peuvent se contenter de fonctionner exclusivement dans les périodes de surplus d’électricité ; la rentabilité de la production d’énergie intermittente implique qu’elle soit vendue en moyenne à un prix égal à son coût de production actualisé ». La production d’hydrogène décarboné exclusivement à partir d’énergies intermittentes ne peut se faire qu’à coût prohibitif.

2) Il y a aussi un problème d’ordre de grandeur : « produire la moitié de l’hydrogène actuellement consommé en France (922 kt) par électrolyse nécessiterait près de 50 TWh d’électricité ; si l’hydrogène est utilisé pour décarboner certaines industries ou pour produire du gaz et des carburants de synthèse. Il faudrait au moins prévoir pour la France près de 300 TWh d’électricité, ce qui dépasse de très loin les excédents d’électricité intermittente d’un mix 100 % renouvelable. Avec l’exigence d’additionnalité, c’est un nombre considérable et même inenvisageable d’éoliennes supplémentaires qu’il faudrait mettre en service (en 2020, la production éolienne française était de 14.5 Tw.h)

L ‘hydrogène  renouvelable ainsi que défini par le projet d’acte délégué ne peut donc ni techniquement, ni économiquement répondre aux besoins en hydrogène bas-carbone que nécessite une transition climatique réussie. Pour produire de l’hydrogéne bas- carbone, il existe deux solutions

- En Europe, un  recours massif à la source d’électricité de base décarbonée et pilotable  qu’est le nucléaire, et donc une politique d‘investissements majeurs  dans la prolongation du nucléaire existant et  dans le nouveau nucléaire. La production d’hydrogène pourrait ainsi s’appuyer sur une électricité très décarbonée fournie par le réseau ou sur une production nucléaire dédiée. Il existe notamment des projets de SMR fonctionnant à haute température qui permettraient d’utiliser à la fois l’électricité et la chaleur produites pour obtenir un processus d’électrolyse à haute température qui augmenterait  de 10 points ( jusqu’à85%) le rendement de l’électrolyse

- Certains pays envisagent d’importer massivement l’hydrogène de pays hors de l’Union Européenne bien dotés en énergie renouvelable à l’instar de leurs importations actuelles de gaz naturel. Cette stratégie nous exposerait une fois de plus à une dépendance énergétique majeure à une production extra-européenne.  Le bilan carbone et le bilan environnemental de l’hydrogène ainsi produit et transporté, calculé de la source au point d’utilisation, sont bien inférieurs à celui d’une production nucléaire locale ;  le bilan économique et en termes d’emplois dans l’Union Européenne aussi . Sur un plan plus politique, de tels projets ont été qualifiés par le Dr Samuele Furfari, ancien haut fonctionnaire à la direction générale de l’énergie de la Commission européenne, « d’écolonialisme au pays du surréalisme ».

Au terme de plusieurs années de discussion, nous en sommes aujourd’hui à une catégorisation de l’hydrogène en au moins cinq « couleurs » : gris ( cracking d’hydrocarbure),  vert ( renouvelable), bleu ( gaz décarbonné), rose ( nucléaire), jaune ( mix électrique bas-carbone ). En matière d’hydrogène comme dans les autres domaines une  stratégie de décarbonation réussie implique d’arrêter les délires métaphysiques et de rompre avec le dogmatisme anti-nucléaire ; elle ne peut se baser sur l’ignorance des réalités physiques les plus élémentaires et doit suivre, en ce qui concerne les sources d’énergie, le principe de neutralité technologique à efficacité climatique.

Par conséquent, il nous semble opportun d’annuler cet acte délégué qui ne répond en aucune façon à la problématique et compromet le but même dans lequel il est proposé. Suivant l’avis de l’Académie Française des technologies, nous demandons 1) que la classification des différents types d’hydrogène soit exclusivement basée sur une analyse CO2 émis pendant le cycle de vie et jusqu’au point de distribution et que 2) comme le proposait l’acte délégué présenté le 23 avril 2021 par la Commission soit défini comme bas-carbone et éligible à la taxonomie la production qui dégage moins de 3 kg de CO2 par kg d’hydrogène.

Draft answer to the Commission consultation:

There is a large consensus that hydrogen is expected to play a crucial role in the energy transition, particularly in the decarbonisation of industrial processes, heavy transports, chemicals, fuel cells and that hydrogen needs will increase very significantly. Currently, hydrogen is produced overwhelmingly (95% in the EU) by cracking hydrocarbons, a process that emits a lot of greenhouse gases (typically 12 tonnes CO2 per tonne of hydrogen). An alternative solution allowing an industrial  massive production of hydrogen exists, which is the electrolysis of water : this process  is low-carbon if the electricity used is itself low-carbon.

By confusing once again a particular means (renewable energies) with the desired goal (the use of low-carbon electricity), the Commission is on the wrong track and is making a serious mistake that will hinder the necessary development of industrial production of low-carbon hydrogen. This for several reasons, which were notably indicated in a report by the Academy of Technologies (Role of hydrogen in a decarbonized economy, July 2020). Main two ones are :

1) "The investment cost of electrolysers is high and they cannot be satisfied with operating exclusively in periods of surplus electricity; the profitability of intermittent energy production implies that it is sold on average at a price equal to its discounted cost of production". The production of carbon-free hydrogen exclusively from intermittent energies can only be done at prohibitive cost.

2) There is also a problem of order of magnitude: "Producing half of the hydrogen currently consumed in France (922 kt) by electrolysis would require nearly 50 TWh of electricity; whether hydrogen is used to decarbonise certain industries or to produce gas and synthetic fuels, it would be necessary to at least provide nearly 300 TWh of electricity, which far exceeds the intermittent electricity surpluses of a 100% renewable mix”. With the requirement of additionality, it is a considerable and even inconceivable number of additional wind turbines that would have to be commissioned (in 2020, french wind production was 14.5 Tw.h)

Renewable hydrogen, as defined in the draft delegated act, can therefore neither technically nor economically meet the low-carbon hydrogen needs required for a successful climate transition. To produce low-carbon hydrogen, there are two solutions :

1) In Europe, a massive use of the carbon-free and controllable source of baseload electricity that is nuclear, and therefore a policy of major investments in the extension of existing nuclear power plants  and in new nuclear power. Hydrogen production could thus rely on highly carbon-free electricity supplied by the grid or on dedicated nuclear production. In particular, there are projects for high-temperature SMRs that would make it possible to use both the electricity and heat produced to obtain a high-temperature electrolysis process that would increase the efficiency of electrolysis by 10 points (up to 85%)

- Some countries are considering massive imports of hydrogen from countries outside the European Union that are well endowed with renewable energy, similar to their current natural gas imports. This strategy would once again expose us to a major energy dependence on non-European production.  The carbon footprint and environmental balance of the hydrogen thus produced and transported, calculated from source to point of use, are much less favourable than that of local nuclear production.  This is also true for the economic balance and in terms of jobs in the European Union. On a more political level, such projects have been described by Dr Samuele Furfari, a former senior official in the European Commission's Directorate-General for Energy, as "ecolonialism in the land of surrealism".

After several years of discussion, we are now at a categorization of hydrogen into at least five "colors": gray (hydrocarbon cracking), green (renewable), blue ( gas with carbon capture), pink (nuclear), yellow (low-carbon electricity mix). In hydrogen as in other areas, a successful decarbonization strategy involves stopping metaphysical delusions and breaking with anti-nuclear dogmatism; it cannot be based on ignorance of the most basic physical realities and must follow, as regards energy sources, the principle of technological neutrality with climate efficiency.

Therefore, it seems appropriate to cancel this delegated act, which in no way addresses the problem of hydrogen production and undermines the very purpose for which it is proposed. Following the opinion of the French Academy of Technologies, we ask 1) that the classification of the different types of hydrogen be based exclusively on a CO2 analysis emitted during the life cycle and up to the point of distribution and that 2) as proposed in the delegated act presented on 23 April 2021 by the Commission, define as low-carbon and eligible for the taxonomy an hydrogen  production that emits less than 3 kg of CO2 per kg of hydrogen.

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