Projet de construction d’un parc éolien posé au large de l’île d’Oléron de 500 mégawatts à 1 GW, soit environ 70 éoliennes de 260 mètres sur une superficie de 120 km2.
La CNDP nous a gâté : trois rapports : les Constatations
de la Présidente de la CNDP , le
Compte-rendu de la Commission particulière du débat public, Rapport aux maîtres
d’ouvrage :
1) « Est-il pensable pour les publics de consentir à un tel projet dans un tel milieu ? »
« Les alluvions continentales que déverse la
Gironde forment dans l’Océan un panache que les courants diffusent vers
le nord, alimentant une mosaïque de biotopes dûment reconnus, inventoriés et
protégés. Ce milieu décide en quelque sorte de la ressource halieutique, des
opportunités touristiques. Cette exceptionnelle richesse biologique a donné
naissance à plusieurs aires marines protégées qui, en raison de leur
justification scientifique, sont sacralisés dans l’esprit des îliens.
C’est dans ce milieu de vie écologique, économique et social que l’État, dans le cadre de la politique énergétique nationale et européenne, dessine une zone dite préférentielle pour y installer un parc éolien, voire deux, et la met en débat afin d’affiner la localisation de cet équipement de nature industrielle. Ainsi serré, dès son exposition, le noeud du débat public : est-il simplement pensable pour les publics de consentir à un tel projet dans un tel milieu ? » (Rapport aux maîtres d’ouvrage)
« Les publics n’ont, ni compris, ni admis que
la maîtrise d’ouvrage puisse seulement oser proposer une localisation dans un
espace dont la richesse et la fragilité sont reconnues par sa classification en
Zone Natura 2000 » (Constatations de la Présidente de la CNDP)
2) Une concertation « peu propice à créer les conditions de confiance » très suspecte de manipulation et à l’issue évidente
« Une
difficulté fut le contenu de la saisine portant sur un projet qui pouvait aller
de 500 MW à 2 GW, donc potentiellement et caricaturalement de 35 éoliennes sur
60 km2 à 140 éoliennes sur 240 km2, alors que la zone d’étude proposée par
l’État n’était que de 300 km2. Même si cette zone d’étude s’inscrivait dans une
zone potentielle d’implantation beaucoup plus large, les publics ont pu
comprendre, à tort ou à raison, que l’État avait déjà choisi la zone.
De fait, cette imprécision sur l’ampleur du projet, la restriction de la zone privilégiée par l’État et plus encore la proposition initiale d’une zone entièrement classée parl’État « Natura 2000 », c’est-à-dire stratégique pour la biodiversité, étaient peu propices à créer les conditions de confiance dans les responsables du projet »
« Comme pour le débat public en Méditerranée, et dans une moindre mesure en Normandie, la transparence des intentions de l’État est questionnée : « quel est le coup d’après ? ». Cette demande de visibilité, à 20 ou 30 ans, des projets de parcs éoliens par espace maritime est commune à tous les débats publics récents. Cette demande est exacerbée par l’annonce du Gouvernement d’un objectif de 50 parcs éoliens en mer d’ici 2050 »
« Ce projet semble avoir hérité du cumul des erreurs passées. Comme en Sud Bretagne, la concertation préalable de l’État avec les acteur.rice.s locaux pour identifier une zone préférentielle a conduit le public à s’interroger sur l’utilité du débat public. La taille très limitée de la zone préférentielle au regard de l’ampleur des projets potentiels annoncés, son positionnement au sein d’une aire marine protégée, la faiblesse des études environnementales disponibles, la confusion quant au nombre de parcs éoliens envisagés et finalement l’absence de consensus entre acteur.rice.s autour de la zone initiale, ont abouti à une opposition des personnes qui se sont exprimées telle que la commission particulière ne considère pas faisable le projet envisagé dans la zone initiale » (Constatations de la Présidente de la CNDP)
« Les
publics ont lu la saisine comme un imbroglio. En effet, celle-ci fait état
d’une zone de 120 km2 issue des concertations de 2015 et 2017, elle-même située
dans une zone d’étude spécifique à ce projet de 300 km2 qui est une partie de
la zone potentielle d’installation de parcs éoliens définie par le Document
stratégique de façade (DSF). La question soumise au débat consiste à demander
aux publics de localiser plus précisément un parc éolien dont la puissance
installée peut elle-même varier de 500 à 1 000 MW, autrement dit de « poser un
confetti sur un grain de riz ».
Cette question est assortie « éventuellement » d’une autre : les publics peuvent se prononcer sur l’opportunité d’un deuxième parc d’éoliennes posées (« deuxième », pas second) d’une puissance installée cette fois fixée à 1 000 MW, dans la même zone d’étude ou en dehors. » (Rapport aux maîtres d’ouvrage)
3) L’utilité même de l’éolien en mer et les sacrifices qu’il impose fortement questionnés
« Le débat public a fortement questionné l’opportunité du projet dans la zone envisagée. Il l’a questionné quant au choix de la zone mais également quant à sa capacité à atteindre les objectifs « zéro carbone » en 2050. Plus inquiétant est le questionnement de la crédibilité même de ces objectifs que certains ont qualifié d’irréalistes. Les termes employés dans le compte rendu sont significatifs :«Il ne restait rien de l’héritage prétendument consensuel » (Constatations de la Présidente de la CNDP)
« Par comparaison avec l’éolien, le nucléaire dont l’actualité a été ravivée par la prospective de l’énergie réalisée par RTE rendue publique en cours de débat est présenté comme une énergie abondante et pilotable par ses fervents défenseurs très actifs sur la plateforme participative »
4) Les pécheurs non pris en compte et sacrifiés : « le choix de la zone préférentielle est vécu comme un casus belli »
« Le 2 décembre, en cours du débat, la ministre de
la Transition écologique annonce un élargissement de la zone d’étude.
Considérée comme trop limitée, elle passe de 300 à 743 km2…
Du côté des pêcheurs, réaction de rejet face à
l’argument que cette extension « ouvre la possibilité de mieux concilier
le projet avec les activités de pêche en recherchant des zones de moindre
impact situées plus au large » (Communiqué de presse 03/12.). « Les pêcheurs
n’ont jamais dit que c’était une zone de moindre contrainte » (Le
représentant du Comité régional des pêches, Saint-Pierre d’Oléron 07/12). »
« Mal cernée également par la maîtrise
d’ouvrage, l’intensité de l’activité halieutique. Les données de pêche qui
alimentent le dossier du maître d’ouvrage sous-estiment grandement, dénoncent
les pêcheurs, le niveau élevé de leur activité car elles ne prennent pas en
compte les bateaux de petite dimension qui constituent la plus grande part de
la flotte….
La position du Comité régional des pêches de Nouvelle-Aquitaine est tranchée « Il n’y a pas de zone de moindre contrainte au regard des activités de pêche dans la zone soumise au débat. » (Compte-rendu de la Commission particulière du débat public)
« Le choix de la zone préférentielle est vécu comme un casus belli : c’est la zone où la pêche est la plus intense qui est concernée par la zone préférentielle. Celle-ci abrite un riche écosystème permettant une pêche artisanale à haute valeur ajoutée. Comme le font observer les comités des pêches de Nouvelle-Aquitaine et de Charente-Maritime (tant l’implantation du parc, voire de deux parcs, que les zones pressenties pour leur raccordement, au nord et au sud, mettent en péril des zones de frayère et de nourricerie…
La zone préférentielle serait aussi « le pire endroit » pour la pêche en Charente-Maritime, celle-ci étant entièrement comprise en-deçà des 20 miles nautiques (37 km), la limite règlementaire pour les bateaux de moins de 12 m qui constituent l’essentiel de la flotte locale.
Les zones de raccordement chevaucheront, pour celle du nord, une zone de frayère de seiche, et pour celle du sud, une zone de frayère de maigre. Cette zone est également à cheval sur des zones de nourriceries dont celle du merlu, du bar de la sole, du céteau (seule région française où il est exploité), de la dorade grise (...). » (Rapport aux maîtres d’ouvrage)
5) Et en plus, on se moque d’eux : la parole de l’Etat n’inspire pas confiance !
On se moque d’eux en leur promettant qu’ils pourront pêcher dans le parc éolien !
« Les pêcheurs ne croient pas à l’intérêt et à la possibilité de pêcher dans les parcs éoliens marins. Selon les pêcheurs, les retours d’expérience que nous avons montrent qu’il n’y a plus rien à pêcher ; que pêcher dans des parcs éoliens est dangereux et dissuade de s’y aventurer ; que les contraintes nouvelles qui en résulteraient, au nom de la sécurité, compliqueraient à l’excès les pratiques de pêche ; que la parole de l’État, de ses services, entendue au fil des différents débats publics, n’inspire pas confiance car elle ne garantit pas formellement les conditions dans lesquelles la pratique de la pêche et de quelle pêche serait imposée aux industrie.
Faut-il se réjouir de créer 300 emplois dus aux éoliennes si on détruit 10% des emplois (1000) d’une filière pêche qui pèse 10 000 emplois, soit 700 emplois nets détruits dans ce cas ? ! » (CA n°23, NEMO) » (Compte-rendu de la Commission particulière du débat public)
Une position originale en Europe ??? :
« Un deuxième point de désaccord, récurrent d’un débat éolien à l’autre,
concerne la compatibilité entre les parcs éoliens et les pratiques de pêche. Le
maître d’ouvrage annonce une position presque originale en Europe, consistant à
prévoir que la pêche, sous certaines conditions, sera possible dans les parcs
éoliens qui devront s’y adapter techniquement (disposition des éoliennes,
ensouillage des câbles de raccordement, etc.).
Mais les pêcheurs se montrent plus que dubitatifs. Au-delà des interrogations sur ce qu’il resterait à pêcher dans les parcs (des craintes étant exprimées sur l’évolution de la population de poissons), la profession ne croit pas que pêcher sera possible en raison de contraintes nouvelles dont le maître d’ouvrage ne dit rien, et de règles de sécurité qui pourraient être revues. Les retours d’expérience des pratiques de pêche dans des parcs éoliens sont rares, car la plupart des parcs existants en Europe du Nord sont interdits à la pêche. Les témoignages de pêcheurs anglais et écossais sollicités par la commission ne rassurent pas les pêcheurs français sur la possibilité de pêcher dans des parcs » (Rapport aux maîtres d’ouvrage)
Commentaire : En effet, même lorsque c’est autorisé, les assurances refusent de les assurer…
6) La solution de l’éloignement
« La commission a acquis la conviction que l’espoir d’un « consentement sous conditions » rassemblant les publics ne peut s’imaginer sans le glissement plus loin en mer du projet actuel ». La CNDP a, sur proposition de la commission particulière, fait expertiser le scénario d’un parc posé à plus grande profondeur permettant ainsi d’éloigner le projet de parc des côtes » (Constatations de la Présidente de la CNDP)
« Auditionnés par la commission au cours d’un
webinaire public le 22 février, les experts confirment la faisabilité technique
d’un projet de parc posé à forte profondeur hors du Parc Naturel Marin. Du posé
grande profondeur d’abord au flottant ultérieurement : une solution certes plus
chère mais que viendraient compenser les bénéfices d’un plus grand consentement…
L’éloignement des côtes au-delà des 50 m de profondeur
est une tendance actuelle de fond en Europe pour des raisons techniques
(captation d’un vent de meilleure qualité) et politiques (insertion dans un
espace moins anthropisé).« Ce qui est vraiment une tendance mondiale, c’est de
s’éloigner des côtes pour des raisons d’acceptabilité sociale » (Expert,
Webinaire 22/02)…
Le posé pourrait être complété à terme par du flottant, à partir d’une certaine limite, probablement située autour de 70 m. L’horizon d’atteinte d’un tel scénario pourrait se situer entre 2030 et 2035. L’électricité ainsi produite serait sûrement plus chère que les prix envisagés pour les projets actuels mais devrait rester dans le même ordre de grandeur. Surtout, elle offrirait une solution de stabilisation des prix, face à la très forte volatilité des énergies fossiles.
Ces différentes considérations incitent à penser que du
point de vue technique un projet de parc posé à forte profondeur (entre 60 et
70 m pour certaines éoliennes) en dehors du Parc naturel marin est faisable
Ne pourrait-on pas considéré ce surcoût comme la condition de sa réalisation ? N’est-ce pas le « prix à payer pour limiter le risque de possibles retards ? « [ç]a va coûter plus cher, mais la chute de la biodiversité nous coûte encore plus cher » (Saint-Georges-d’Oléron, 24/01) » (Compte-rendu de la Commission particulière du débat public)
« La Commission a fait expertiser le scénario d’un parc posé à plus grande profondeur. Les experts consultés par la commission tiennent à rappeler qu’en matière d’éolien en mer, on parle d’une technologie qui n’aura cessé d’évoluer durant les six à huit années qui séparent le projet de sa réalisation. Il apparaît dès aujourd’hui que l’on ne peut repousser l’idée de réaliser un parc posé par des profondeurs de 60, 65 voire 70 mètres, ni pour les fondations des éoliennes ni pour la station de raccordement en mer, tout en restant dans des prix de production de l’électricité comparables à l’objectif issu de la PPE de 2019….
Au-delà, encore plus au large, le changement de technologie est indispensable : seul l’éolien flottant est envisageable. Mais ce dernier apparaît aux experts consultés comme une solution technique et économique viable dans des conditions de prix pas si éloignées de l’éolien posé de 2022 dès la décennie 2030-2040. Elle pourrait être envisagée pour un deuxième parc si les projets sont poursuivis (voir sur le site du débat public le compte rendu de l’expertise complémentaire
Sur la côte ouest-américaine qui comprend plutôt des champs à plus grande profondeur, on voit qu’il y a des spots qui commencent à apparaitre aux alentours de 60, 65, 70 mètres…La limite aujourd’hui pour l’éolien posé est plutôt en train de se décaler de 50 mètres en faisabilité à 70-80 mètres. (Un expert, réunion thématique du 22 février 2022) »
En conclusion « A émergé un scénario de compromis selon certains participants : un parc posé d’un GW situé en dehors du Parc naturel marin et en dehors de la zone de pêche côtière (au-delà des 20 miles dans la limite de 70 mètres de profondeur) et un deuxième plus à l’ouest dans une zone plus éloignée avec un raccordement mutualisé » (Rapport aux maîtres d’ouvrage)
7) Et l’opposition des porteurs du projets : « faisant fi des argumentations développées »
Certains ont bien compris l’enjeu : « Il faut accepter de payer le prix d’une implantation plus au large pour gagner des zones de moindre conflictualité. Un industriel, La Rochelle, 14/01 » (Compte-rendu de la Commission particulière du débat public)
Mais pas tous :
« Après cinq mois de débat public, faisant fi des argumentations développées sous toutes les formes par tous les publics pour démontrer à l’État maître d’ouvrage l’inopportunité de la zone géographique mise en débat, le Syndicat des énergies renouvelables (SER) et la Fédération des énergies éoliennes (FEE), entre autres, proposent dans leurs propres cahiers d’acteur de revenir au projet de 2015 : le premier parc dans la zone d’étude initiale (300 km2) avec un raccordement en courant alternatif « répondant à une nécessité de mise en service à plus brève échéance, et un second projet principalement ou en totalité au sein de la nouvelle zone d’étude (743 km2) » pouvant atteindre deux gigawatts. La commission s’étonne que les syndicats professionnels, en fin de débat, justifient cette position en « s’appuyant sur le soutien réitéré au projet historique des élus locaux et des collectivités territoriales » (Cahier d’acteur FEE).
La recherche d’alternatives potentielles a pourtant donné aux participants, et notamment à des industriels, l’occasion de dessiner deux espaces réellement hors zone d’étude de la maîtrise d’ouvrage. Au-delà des limites du Parc naturel marin et de la zone Natura 2000 « habitats », au-delà de la limite des 20 milles nautiques (37 km) mais pour l’un dans une profondeur d’eau inférieure à 70 mètres, pour l’autre bien plus au large, moyennant un changement de technologie, passant d’éoliennes posées à des éoliennes flottantes aptes aux grandes profondeurs » (Rapport aux maîtres d’ouvrage
8) Autres problématiques
Biodiversité : « Une nouvelle fois, la faiblesse des études environnementales disponibles sur la zone proposée est soulignée, faiblesse d’autant plus critiquée que cette zone est identifiée depuis 2015. » (Constatations de la Présidente de la CNDP)
Nécessité de la planification : « la CNDP appelle à une planification spatiale à 20 ou 30 ans des projets envisagés, suffisamment précise pour offrir de la visibilité aux acteurs locaux sur les différents usages de la mer. Les Documents stratégiques de façade ne semblent pas répondre à ces objectifs » (Constatations de la Présidente de la CNDP)
Tourisme : Alors que les partisans du projet font valoir la possibilité de « développer une nouvelle offre autour des éoliennes (tourisme industriel, musée, balades en mer…), des impacts très négatifs sont anticipés par d’autres, habitants et élus locaux. L’évolution du paysage maritime entraînerait selon eux mécaniquement « une perte d’attractivité du territoire » (Avis 6) : « L’impact sur le tourisme sera désastreux, nos commerces, nos artisans d’art, les hôtels et restaurants, les campings, les gîtes et résidence de tourisme sont tous menacés. L’image sur l’ostréiculture aussi… » (Avis 148) » (Compte-rendu de la Commission particulière du débat public)
Commentaire : de fait, un certain nombre d’organismes comme les Gites de France ôtent leur label e cas de visibilité d’éolienne
9) Conclusion : pas de consensus
« La commission n’a pas recherché de consensus et, eu égard aux positions qui se sont affrontées, ne l’a pas non plus espéré. La commission a acquis la conviction que l’espoir d’un « consentement sous conditions » rassemblant les publics ne peut s’imaginer sans le glissement plus loin en mer du projet actuel. Il n’en demeure pas moins que de multiples questions soulevées par les contributeurs au débat public sont encore aujourd’hui sans réponses. » (Rapport aux maîtres d’ouvrage)
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