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vendredi 24 juin 2022

Métaux pour une énergie propre: voies pour relever le défi des matières premières en Europe-KUL

 Rapport commandé par Eurométaux à la KU Leuwen University, 2022

Contexte : Dans le Sustainable Development Scenario (SDS),  de l’AIE, les défis du marché liés à la transition énergétique sont irréalisables  pour certains produits de base : cuivre, nickel, lithium, cobalt et quelques  terres rares. La demande prévue pour 2030 dépasserait la capacité d’offre de l’ensemble des ressources annoncées.

Dans le scénario plus conservateur Stated Policies (STEPS) de l’AIE, il reste une forte demande sur ces métaux, mais les contraintes d’approvisionnement peuvent être résolues, principalement par le biais d’incitations financières pour accélérer l’exploration et le développement de projets. Les changements réglementaires, qui peuvent combiner des normes de durabilité avec un processus de développement plus rapide, pourraient potentiellement apporter des incitations supplémentaires. L’innovation est un autre levier important qui peut jouer un rôle désengorgeant.

Les métaux joueront un rôle central dans la construction réussie des chaînes de valeur des technologies propres en Europe et dans la réalisation de l’objectif de neutralité climatique de l’UE à l’horizon 2050. À la suite des perturbations de l’approvisionnement causées par la pandémie de COVID-19 et de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le manque de résilience de l’Europe pour ses besoins croissants en métaux est devenu une préoccupation stratégique. Cette étude évalue comment l’Europe peut atteindre son objectif de « parvenir à la sécurité des ressources » et de « réduire les dépendances stratégiques » pour ses métaux de transition énergétique, grâce à une évaluation de la demande, de l’offre et de la durabilité du pacte vert de l’UE et de ses besoins en ressources.

Sa conclusion est que  l’Europe dispose d’une fenêtre d’opportunité pour jeter les bases d’un niveau plus élevé d’autonomie stratégique et de durabilité pour ses métaux stratégiques grâce à un recyclage optimisé, à des investissements dans la chaîne de valeur nationale et à une stratégie d’ approvisionnement mondial plus active. Mais une action ferme est nécessaire rapidement pour éviter les goulets d’étranglement pour plusieurs matériaux qui risquent d’être en pénurie mondiale à la fin de cette décennie.

 Commentaire : cette conclusion optimiste est largement battue en brèche par le corps du document

Quelques données :

La production de voitures électriques est le principal moteur de la demande de métaux de transition énergétique (responsable de 50 à 60% de l’ensemble), suivie des réseaux électriques et du solaire (35 à 45%), puis d’autres technologies les 5% restants.

Le lithium, le cobalt, le nickel, les éléments des terres rares et le cuivre seront les métaux les plus demandés et qui connaîtront la plus forte accélération de la demande. L’iridium, le scandium et le tellure sont les produits à faible demande mais qui sera impactée par la transition énergétique.

Les plans de l’Europe visant à établir une production nationale pour les technologies d’énergie propre augmenteront sa demande pour un large éventail de métaux. Cela comprend la croissance des marchés des métaux de base matures (aluminium, cuivre, nickel) et l’ouverture de nouveaux marchés de matières premières (lithium, éléments de terres rares).

Commentaire : En ce qui concerne la voiture électrique, le problème était déjà pointé dans lun rapport de l’Académie des Sciences et de l’Académie des technologies (Stratégie d’utilisation des ressources du sous-sol pour la transition énergétique française, Les métaux rares, Rapport des Académie des sciences et de l’Académie des technologies, 2018). Le programme de véhicules électriques français examiné (2 millions de véhicules par an à partir de 2040) fait appel à des quantités de lithium et de cobalt très élevées, qui excèdent, en fait et à technologie inchangée, les productions mondiales d’aujourd’hui, et ce pour satisfaire le seul besoin français ! L’analyse économique montre que le flux financier annuel global pour les seuls véhicules électriques à batteries est du même ordre de grandeur que celui des importations actuelles de pétrole pour assurer l’approvisionnement en carburant. »

https://vivrelarecherche.blogspot.com/2020/08/les-energies-renouvelables-sont-elles.html

 Demande mondiale de métaux


Donc, je traduis : demande Lithium *21, Dysprosium *43 , Coballt*42  Tellure *27, Scandium *20, Nickel *17, praséodyme * 11, Gadolinium*7.7, Néodyme * 6.6, Platine*6.4, Silicium *6.3, Cuivre *5.1 Aluminium *4.3 etc.

Demande Européenne de métaux

En ce qui concerne l’Europe , les demandes de  lithium, cobalt, terres rares, nickel connaitront les plus fortes croissances.








La demande de cuivre est centrale compte-tenu de ses  rôles multiples notamment dans  le  déploiement rapide de véhicules électriques, l’expansion du réseau etc.

Commentaire : J’ai du mal à croire que cette demande de cuivre est durable !




Et de fait,

“La pénétration des technologies à faible émission de carbone dans les secteurs des transports et de l’énergie (véhicules électriques et technologies de production d’énergie à faible émission de carbone) devrait augmenter considérablement la demande de cuivre d’ici 2050. Les résultats montrent que, dans le scénario le plus rigoureux, la demande cumulative de cuivre primaire entre 2010 et 2050 s’est avérée être de 89,4 % des ressources en cuivre connues en 2010.

Copper at the crossroads: Assessment of the interactions between low- carbon energy transition and supply limitations, Resources Conservation and Recycling. 163. 10.1016/j.resconrec.2020.105072.

Pour le nickel, des taux de croissance élevés ont été possibles dans le passé, mais en utilisant de la fonte brute de nickel, un produit de nickel de pureté inférieure. Le nickel de classe 1 requis pour les batteries nécessite un traitement plus intense, ce qui complique la situation.

 La demande de terres rares peut devenir critique si l’Europe, comme elle en a proclamé l’intention,  parvient à établir une industrie des aimants permanents.

 La demande de silicium doublera d’ici 2050  si l’Europe parvient à relancer la production de cellules solaires photovoltaïques et à lancer des anodes de batterie utilisant du silicium.

Pour le lithium, au cours des 30 prochaines années, une croissance moyenne de 8 à 11 % est prévue, avec un taux de croissance maximal de 20 % au cours de la décennie 2020-2030. Il s’agit d’une accélération significative par rapport au taux de croissance moyen de 8% du lithium au cours de la dernière décennie. Le lithium, c’est donc critique à très court terme.

 Le  cobalt pose un problème spécifique car il est un sous-produit, généralement extrait avec le cuivre et le nickel comme produits primaires. Leurs taux de croissance projetés de 3 à 4 % par an sont plus lents que ceux requis pour le cobalt, ce qui crée un décalage et un fort problème potentiel.

Un tableau récapitulatif montre l’ampleur inquiétante du problème dans les années qui viennent 

Et que l’on compare les ENR au nucléaire :


https://www.iea.org/data-and-statistics/charts/minerals-used-in-clean-energy-technologies-compared-to-other-power-generation-sources

https://www.sfen.org/rgn/mineraux-transition-energetique-tension/

https://www.iea.org/reports/the-role-of-critical-minerals-in-clean-energy-transitions

 Les trois phases de la transition énergétique :

Pour les experts de KU Leuwen, il existera trois phases :

2020-2030: − La transition énergétique accélérée de l’Europe augmentera considérablement les besoins en métaux, qui seront satisfaits soit par des importations plus élevées, soit par de nouvelles activités minières et raffinées nationales (et le recyclage pour les marchés matures des métaux de base).  

Les contraintes d’approvisionnement mondial pour plusieurs métaux augmenteront le risque de hausses de prix ou de perturbations qui compliqueront le déploiement de technologies ENR.

2030-2040:  La demande de métaux en Europe atteindra un sommet entre 2030 et 2040 (selon le produit), car les chaînes de valeur de la production d’énergie propre ont achevé leur montée en puissance.

L’approvisionnement devra en grande partie provenir de sources primaires, car les flux de recyclage ne pourront  devenir importants à mesure que les véhicules électriques et les technologies d’énergie renouvelable commencent à avoir besoin d’être remplacés.

Les importations atteindront également un pic au cours de cette période, à moins que l’Europe n’ait augmenté plus tôt sa propre capacité de production de métaux primaires.

2040-2050: − L’approvisionnement secondaire en métaux de batterie et en éléments de terres rares deviendra beaucoup plus important.

« Les principaux défis de l’Europe en matière d’approvisionnement apparaîtront au cours de la période 2020-2030, les marchés européens étant exposés aux marchés mondiaux en raison de la dépendance à l’égard des importations ». Les contraintes potentielles de l’offre mondiale de cuivre, de lithium, de nickel, de cobalt et d’éléments de terres rares auront des impacts forts et différents sur les approvisionnements européens. »

Commentaire : le développement des ENR ne se fera surement pas au rythme annoncé et il aura pour effet  de remplacer une forte dépendance pétrolière par une forte dépendance en métaux.

 Et la production Européenne ? Ben comment dire, c’est pas ça qui sauvera les ENR !

« Les annonces de projets miniers européens pour la prochaine décennie indiquent que la croissance potentielle la plus importante, mais incertaine, de l’approvisionnement de l’Europe concerne le lithium et les éléments de terres rares. « 

« Pour les marchés des métaux matures (cuivre, zinc, nickel), des projets sont en cours de planification qui compenseraient l’épuisement mais n’apporteraient pas de nouvelle croissance majeure. Les projets miniers en Europe présentent un niveau d’incertitude élevé par rapport à d’autres dans le monde. Il y a plusieurs raisons à cela, y compris la faible acceptation sociale parmi les communautés locales, la nécessité de prix incitatifs plus élevés pour justifier économiquement l’exploitation des minerais à faible teneur, et de nouvelles technologies à développer  dans certains projets de lithium. »

« L’Europe n’exploite actuellement que de faibles volumes de lithium, pour des applications céramiques et en verre, au Portugal. Plus de 10 nouveaux projets européens d’extraction de lithium ont été annoncés, en Autriche, en République tchèque, en Allemagne, en Finlande, au Portugal, en Espagne et en Serbie, avec un pipeline total de projets de 130 kt d’ici 2030. Aucun de ces projets n’a suffisamment progressé pour les considérer dans une perspective de scénario de référence, bien que cela puisse changer en fonction d’un certain nombre de facteurs. Plusieurs projets font l’objet d’une opposition de la communauté locale »

« Il n’est pas possible d’élaborer des perspectives d’approvisionnement européennes détaillées au-delà de 2030, étant donné le manque de visibilité pour les nouveaux projets après cette décennie….

Il existe un risque légitime d’épuisement minier après 2030. La production minière actuelle de cuivre et de zinc en Europe diminuerait de près de 50 % d’ici 2040 sans que de nouveaux projets ne soient mis en service.

Comme analysé dans les perspectives de l’offre pour 2030, l’Europe ne dispose actuellement pas d’un climat d’investissement positif pour de nouveaux projets miniers et métallurgiques. Dans de nombreux États membres, la base de soutien public local pour le développement de nouveaux projets miniers est très limitée. L’économie par rapport aux concurrents mondiaux est également mise en question par la hausse des prix de l’électricité en Europe, des coûts de main-d’œuvre et des réglementations environnementales et sociales légitimes. Pour les mines européennes, la taille et la qualité moyennes des réserves/ressources ne sont pas non plus en concurrence avec celles des autres régions. »

Les niveaux et les budgets d’exploration ne sont pas analysés en détail dans le rapport, mais la recherche de nouvelles sources d’approvisionnement minier après 2030 dépendra également d’une exploration et d’une planification de projet suffisantes. Actuellement, le budget d’exploration de l’UE est faible par rapport aux autres régions du monde »

NB : sur le sujet, on peut aussi regarder deux rapports de l’Ademe :

Le photovoltaïque : choix technologiques, enjeux matières et opportunités industrielles, Ademe 2020

https://vivrelarecherche.blogspot.com/2021/06/le-photovoltaique-choix-technologiques.html

qui identifie six matières à risque  : le silicium métal, l’argent, le cadmium, le tellure, le plomb et le cuivre

Les réseaux électriques choix technologiques, enjeux matières et opportunités industrielles

https://vivrelarecherche.blogspot.com/2021/01/les-reseaux-electriques-choix.html

Problèmes massifs sur le cuivre et l’aluminium  !

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