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lundi 14 novembre 2022

L’Estonie se prépare à entrer dans le club nucléaire : 1) rapport intermédiaire Possibilités d'utilisation de l'énergie nucléaire en Estonie » (sept 2022)

 C’est émouvant, une nouvelle nation qui veut entrer dans l’ère nucléaire ! Rapport officiel  intermédiaire au Parlement estonien, le  rapport final du groupe de travail, qui sera achevé d’ici la fin de 2023,   

https://twitter.com/buchebuche561/status/1583113864245149698?t=o8CXanxabDYPfbL1GGXjhQ&s=09

L’entrée dans l’ère nucléaire :  les raisons : défi climatique, sécurité énergétique, compétitivité, sécurité du réseau et flexibilité de la production et des usages   

« La vision stratégique à long terme de la Commission européenne du 28 novembre 2018 intitulée « Une planète propre pour tous » s’est fixé pour objectif de parvenir à une économie neutre pour le climat d’ici 2050….

La guerre en Ukraine, le comportement instable de la Russie en tant qu’exportateur d’énergie, ainsi que l’imposition de sanctions à la Russie, ont exacerbé la nécessité d’assurer la sécurité énergétique dans toute l’Europe et l’ont placée parmi ses priorités politiques

«  Afin d’accroître la sécurité, la durabilité et la compétitivité énergétiques de l’Estonie et d’atteindre ses objectifs climatiques pour 2050, le « Plan national estonien en matière d’énergie et de climat pour 2030 » et « Analyse des moyens de relever l’ambition climatique de l’Estonie » ont proposé l’introduction de l’énergie nucléaire après 2030 comme l’une des solutions possibles »

Défi climatique : « Depuis les années 1970, l’énergie nucléaire a largement contribué à ralentir la croissance des émissions mondiales de CO2. Entre 1971 et 2020, environ 66 Gt de carbone ont été évités , en supposant que d’autres sources d’électricité qui se sont développées parallèlement à l’énergie nucléaire, y compris les combustibles fossiles, auraient plutôt été augmentées proportionnellement. Les émissions totales provenant de la production d’électricité au cours de cette période auraient été près de 20 % plus élevées et les émissions totales liées à l’énergie de 6 %. Sans l’énergie nucléaire, les émissions de production d’électricité au Japon auraient été environ un quart plus élevées, et en Corée et au Canada environ 50 % plus élevées. »

« Comme de  manière réaliste, la  première centrale nucléaire en Estonie pourrait être achevée d’ici 2035 au plus tôt, l’introduction de l’énergie nucléaire ne contribuerait pas aux objectifs fixés par l’Estonie pour 2030, mais contribuerait à atteindre les objectifs fixés pour 2050 »

Sécurité du réseau et flexibilité de la production et des usages  : Le rôle de l’énergie nucléaire pour assurer la sécurité de l’approvisionnement À mesure que la part des énergies renouvelables augmente, la capacité du système électrique à faire face à la variabilité et à l’incertitude de la demande et de l’offre de manière fiable et rentable est un facteur de plus en plus important pour la sécurité de l’électricité. Afin d’assurer la stabilité instantanée du système électrique et la sécurité d’approvisionnement à long terme, une flexibilité est nécessaire à différents intervalles de temps, de minute en minute, d’heure en heure et d’une saison à l’autre.

En France, où l’énergie nucléaire couvre la majeure partie des besoins de production d’électricité, le besoin de flexibilité est pris en compte dans la conception des réacteurs, ce qui permet à certaines centrales d’augmenter ou de diminuer leur production rapidement et à court terme (en quelques heures) afin de fonctionner en mode de suivi de charge… Bien que les pays n’aient jusqu’à présent pas utilisé l’énergie nucléaire comme premier choix pour la flexibilité, de nombreux réacteurs peuvent être utilisés à cette fin sans ou avec des modifications techniques minimes.

Les nouvelles technologies nucléaires, y compris les petits réacteurs modulaires, sont considérées comme une occasion de passer de la production d’électricité à la production de chaleur, d’ammoniac ou d’hydrogène ou de les produire en même temps que de l’électricité

Les conditions de compétitivités

Compétitivité dans la productions électrique : Le principal obstacle économique est le coût élevé du capital par rapport à d’autres sources d’énergie à faibles émissions. 

De meilleures mesures, telles que LCOE ajusté en fonction de la valeur (VALCOE), peuvent également vous aider à comparer et à classer différentes technologies en fonction d’autres valeurs. La VALCOE des énergies éoliennes et solaire se détériorera à mesure que leur part de la production totale augmentera, tandis que celle de l’énergie nucléaire et d’autres options de production gérée s’améliorera plutôt. Le coût de construction de nouveaux réacteurs nucléaires est crucial pour le rôle futur de l’énergie nucléaire dans la transition mondiale vers une énergie propre. Si le coût de construction de la nouvelle énergie nucléaire tombait à 2000 USD/kW (environ 1900 €) ou moins (par rapport aux coûts actuels, qui vont de 2800 USD/kW (environ 2660 €)) à plus de 12 000 USD/kW (environ 11 400 €), elle serait en mesure de concurrencer directement les  énergies solaire et éolienne dans la plupart des régions

NB : le rôle de la VALCOE comme instrument de comparaison avait été très bien expliqué dans le Rapport sur le nucléaire du Parlement Néerlandais., notamment sur les coûts systèmes 

https://vivrelarecherche.blogspot.com/2020/11/role-possible-du-nucleaire-dans-le.html

Compétitivité de l’énergie nucléaire dans la production d’hydrogène :  « Selon l’AIE, il est peu probable que les nouvelles centrales nucléaires soient compétitives par rapport aux énergies renouvelables ou aux combustibles fossiles dans la production d’hydrogène aux prix actuels » 

Cependant, le rapport rappelle que cette analyse « ne tient pas compte des autres avantages potentiels de l’énergie nucléaire pour la production d’hydrogène, tels que sa maniabilité et sa capacité à produire en continu. La technologie nucléaire peut produire de grandes quantités d’hydrogène plus près du lieu de consommation, réduisant ainsi le besoin d’infrastructures de transport et de distribution de l’hydrogène. »

Compétitivité de l’énergie nucléaire dans le chauffage urbain :  « Pour que la cogénération nucléaire soit compétitive par rapport aux combustibles fossiles combinés au CCUS, à la biomasse ou aux pompes à chaleur électriques pour les applications industrielles et le chauffage urbain, les coûts d’investissement de la centrale doivent généralement être d’environ 3000 USD/kWe, et l’emplacement approprié pour la centrale doit également être situé à proximité des consommateurs de chauffage urbain. Les délais de planification et de construction devraient également être raisonnablement courts (en fonction notamment du temps consacré aux études environnementales) afin de limiter le risque de dépassement des coûts. C’est également là que la question de la sûreté nucléaire entre en jeu, car les centrales de cogénération doivent être situées à proximité des centres de population afin de minimiser les pertes et les coûts associés lors du transfert de chaleur sur de longues distance. »

Conclusion : «  Dans le plan national estonien en matière d’énergie et de climat pour 2030 (REKK 2030)10, les réacteurs nucléaires modulaires ont été considérés comme l’une des options alternatives pour produire de l’électricité en Estonie. Dans le même temps, il est également noté qu’ils nécessitent des travaux préliminaires approfondis – études, travaux préparatoires et construction (estimés à 10 ans) – et que des réacteurs modulaires plus petits qui ne sont pas encore en service dans le monde pourraient convenir aux conditions estoniennes.

Ce seront donc des SMR, mais lesquels ? (voir partie 2)

Les défis à relever : tout est à bâtir

Cadre juridique : « À l’heure actuelle, l’Estonie ne dispose pas du cadre juridique, des autorités compétentes ou des experts en la matière nécessaires pour construire une centrale nucléaire. Selon la loi sur les rayonnements, une autorisation pour de telles activités ne peut être demandée qu’après que le Riigikogu a adopté une décision sur la mise en service d’une installation nucléaire. La mise en service d’une centrale nucléaire, quelle que soit la technologie à déployer, comprend au moins 10 à 15 ans d’activités préparatoires, telles que la mise en place d’un cadre juridique et réglementaire, les activités de planification et de construction et la délivrance de permis. Le processus de préparation couvre également un montant important (estimé à 10+ millions d’euros) de coûts, y compris pour l’analyse et la génération de compétences avant même qu’il ne soit clair si la centrale nucléaire sera construite en Estonie »

Les déchets : entreposage ultime à prévoir, mais pas dans l’immédiat : « Il n’est possible de planifier une centrale nucléaire en Estonie que s’il n’est possible d’éliminer le combustible nucléaire irradié en Estonie. L’analyse spatiale qui sera préparée dans un premier temps permettra de déterminer s’il existe des conditions spatiales (principalement naturelles et géologiques) pour la planification d’une centrale nucléaire et d’un site de stockage final du combustible usé en Estonie. S’il y a des conditions préalables pour les deux, il est possible de planifier une centrale nucléaire. Selon les normes internationales, le combustible usé peut être stocké dans un site de stockage intermédiaire appartenant à une centrale nucléaire jusqu’à la fin de la durée de vie de la centrale nucléaire (40-80 ans). Par conséquent, lors de l’élaboration d’un plan, le site de stockage final n’est pas planifié. Ceci est fait lorsque le besoin s’en fait sentir.

Autorité de Sureté : Création d’un régulateur nucléaire : conformément à la loi sur les rayonnements, le ministère de l’environnement organise des activités de sûreté radiologique (y compris la sûreté nucléaire) en Estonie dans les limites de ses compétences, en associant d’autres autorités compétentes et en tenant compte, entre autres, de l’expérience du secteur .. Sur la base des données de Fermi Energia AS « Analyse de faisabilité de l’adéquation d’un petit réacteur modulaire (VMR) pour assurer l’approvisionnement énergétique de l’Estonie et atteindre les objectifs climatiques d’ici 2030+ », il faudra au moins 10 millions d’euros pour créer une compétence nationale et créer un cadre juridique. Si une décision positive est prise sur l’introduction de l’énergie nucléaire, le régulateur devrait être créé après l’approbation du Riigikogu, vraisemblablement en 2024. Afin d’accélérer le processus d’introduction de l’énergie nucléaire, la proposition de création d’un régulateur nucléaire devrait être proposée pour approbation avec le rapport final au Parlement (fin 2023)

Acceptabilité sociale / attitude générale vis-à-vis du nucléaire

Une enquête a révélé que que les résidents de l’Estonie sont positifs à l’égard de l’énergie nucléaire – 59% soutiennent l’introduction de l’énergie nucléaire, tandis que 22% ont exprimé leur opposition.  67 % estime que la Lettonie devrait coopérer avec les pays voisins (nordique-balte) afin d’utiliser l’énergie nucléaire.

Plus de la moitié de la population estonienne se considère familière avec le principe général de la production d’énergie nucléaire, un peu plus d’un tiers considèrent que le domaine ne leur est pas familier, mais sont intéressés par de nouvelles connaissances. Dans les segments où le niveau de connaissance est plus élevé, la proportion de défenseurs de l’énergie nucléaire est plus élevée.

Les plus grandes craintes liées au nucléaire sont les risques environnementaux potentiels posés par la gestion des déchets radioactifs; le besoin d’information est également le plus grand dans ce domaine.

En tant que source d’information sur le nucléaire , la télévision et la radio et les thématiques sont préférées au web

Si l’attitude générale de la population estonienne à l’égard de l’introduction de l’énergie nucléaire est plutôt favorable (59%), elle peut changer considérablement sur des points spécifiques. Une communication honnête et transparente est nécessaire pour que, pour quelque motif que ce soit, le sujet ne soit pas utilisé pour créer des confrontations dans la société et que le débat ne soit pas tué tant qu’il ne peut pas réellement commencer.

Les phases du projets

Phase I:de 2 à 5 ans : Analyse et considérations préalables à la décision d’introduire l’énergie nucléaire (préparation du projet). À la fin de la première phase, le pays devrait être prêt à prendre une décision réfléchie et éclairée sur l’introduction de l’énergie nucléaire. En fin de compte, il doit répondre à la question de savoir si et pourquoi l’énergie nucléaire serait la meilleure option pour le pays.

Phase II : environ dix ans : La décision de principe d’autoriser la construction d’une centrale nucléaire a été prise. Lors de la deuxième étape, des activités préparatoires sont réalisées, qui sont une condition préalable à la conclusion des contrats et à la construction (activités de développement de projets, plans). À la fin de la phase II , les négociations sur un contrat pour la construction d’une centrale nucléaire doivent pouvoir commencer.

Les coûts concernent notamment le cadre réglementaire et juridique nécessaire à la mise en œuvre du programme nucléaire, le développement des compétences et la mise en place d’une infrastructure nationale de soutien au programme nucléaire. (aurorité de Sureté)

Phase III :  Dans la troisième phase, des activités sont menées pour la mise en service de la première centrale nucléaire (décision finale de financement, conclusion des contrats, construction). À la fin de la phase, qui peut durer de 7 à 10 ans, le pays devrait être prêt à autoriser la mise en service et l’exploitation de la première centrale nucléaire.

Si la durée de la phase I en Estonie est considérée comme étant de trois ans (une décision de principe en 2024), la phase II est de 7 à 10 ans et la phase III est de cinq ans, alors, selon le scénario le plus optimiste, la première centrale nucléaire en Estonie pourrait commencer à fonctionner après 2035.


Le Financement

Un certain nombre d’experts internationaux et de représentants de l’AIEA ont estimé raisonnable de coopérer entre les secteurs public et privé ou de financer un projet de construction reposant entièrement sur des capitaux privés, étant donné que les VMR sont moins capitalistiques que les grandes centrales nucléaires.

Néanmoins , il est souhaitable de  réduire le risque de rendement : « Si le gouvernement n’est pas un bailleur de fonds direct du projet, il peut tout de même jouer un rôle important dans la réduction du risque pour les investisseurs. L’une des considérations les plus importantes pour les investisseurs est la tarification de l’électricité, qui doit être efficace et rationnelle. Les rendements exigés par les investisseurs pour financer un projet dépendent principalement du niveau de risque qu’ils doivent prendre.

Sur les marchés libres où la part des énergies renouvelables variables est élevée, la baisse et la forte volatilité des prix de l’électricité créent des conditions difficiles pour investir dans de tels actifs sans subventions. Afin d’assurer un financement abordable sans subvention, la prévisibilité du prix de l’électricité est nécessaire pour garantir que les coûts d’investissement initiaux sont couverts pendant toute la durée de vie du projet. Sur les marchés réglementés, la régulation des tarifs facturés aux clients assure cette stabilité. En l’absence d’une telle stabilité, les technologies à faible intensité de capital peuvent être préférées, même si leurs coûts de durée de vie sont plus élevés.

 Assurer un financement compétitif des centrales nucléaires (ainsi que d’autres technologies à faible intensité de carbone) sur des marchés non réglementés dépend donc souvent de l’utilisation de mécanismes qui assurent effectivement la stabilisation à long terme des prix de l’électricité. Ces mesures comprennent les contrats d’achat d’électricité, les tarifs d’achat (FiT) et les contrats d’écart compensatoire (CfD). Contrat d’achat d’électricité (PPA)

Problèmes des CFD : « qu’est un « CfD équitable ». Le rôle du gouvernement est de prendre cette décision au nom des citoyens. Si le CfD est trop élevé, il peut être interprété comme une subvention – cela permet au producteur d’obtenir un rendement qui ne serait pas possible dans une situation de marché libre. S’entendre sur une juste valeur CfD pendant 30 ans est extrêmement difficile. Les prix actuels du marché sont souvent considérés comme une référence utile. Cependant, dans de nombreux marchés libres, les prix de gros correspondent à des coûts variables à court terme et sont donc nettement inférieurs au coût moyen de production d’électricité (qui comprend l’investissement de la centrale »

Il est nécessaire de prendre des décisions qui renforcent la confiance des investisseurs. L’intensité capitalistique des projets d’énergie nucléaire signifie que le coût du capital a un impact important sur les coûts de production. La réduction du risque pour les investisseurs peut réduire la composante des coûts totaux associés au financement. L’implication du gouvernement dans le projet facilite généralement l’obtention de prêts bon marché. Les prêteurs sont encouragés par le fait que, en dernier recours, les prêts sont en fait soutenus par l’État.. La participation de l’État au sens traditionnel peut être directe si le projet est financé par le budget de l’État, si l’entreprise de services publics exploitant la centrale appartient à l’État ou si le gouvernement détient une participation majoritaire, ou indirecte, par exemple, une aide financière sous forme de garanties.


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