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mercredi 29 novembre 2023

Rapport sur le soutien public aux parcs éoliens terrestres et maritimes, Cour des Comptes_ Oct 2023

 Résumé : Le rapport de la Cour des comptes d’octobre 2023 sur le soutien public aux parcs éoliens terrestres et maritimes suit celui de 2018, qui avait eu un certain retentissement et provoqué la Commission Parlementaire d'enquête sur les ENR (Commission Aubert) et ses révélations. Le cru 2023 met toujours en exergue un fort décalage entre les ambitions affichées et les politiques suivies, ainsi qu’un certain nombre d’aberrations, voire de scandales.


Extraits et commentaires de PIEBÏEM (Préserver l’Identité Environnementale de la Bretagne sud et des Îles contre l’Eolien en Mer) :

1. Fixation des objectifs ENR : de l’art de se tirer une balle dans le pied ! 2. Aucun contrôle des comptes des parcs éoliens depuis 2013. Et quelques magouilles 3. Des éoliennes à moins de 500mètres des habitations : pas de problèmes pour la Cour des Comptes (surtout en Bretagne) ! 4. Eolien en Mer : une bonne nouvelle : l’organisation actuelle ne saurait répondre au défi de développement des 50 parcs d’ici à 2050 5. La renégociation des tarifs de l’éolien en mer : « le bilan financier de la négociation ne peut toutefois être établi. » Sic ! 6. Eolien en mer et législation : toujours plus de facilités pour les promoteurs mais des actions restent possibles 7. Compensation des externalités négatives pour l’éolien en mer : le problème de la pêche 8. Fonds de développement territorial : avertissement de la Cour des Comptes 9. Quand la Cour des comptes appelle à renoncer à la compétitivité… 10. Eolien en mer : le soutien au raccordement au réseau : des charges croissantes à venir 11. Avertissement de le Cour des Comptes à propos de l’éolien flottant : l’éolien flottant ne constitue pas encore une technologie mature 12. Eolien en mer : attention aux niveaux de soutien et aux types de contrats.

Dans un rapport corrosif, la Cour des Comptes s'alarme du décalage entre les politiques mises en oeuvre et les ambitions affichées par le gouvernement. Elle passe au crible le résultat des politiques engagées depuis 2017 pour éliminer les freins au développement de l'énergie éolienne terrestre et maritime. Et elle s'inquiète de politiques publiques qui ne permettront pas, en l'état, de répondre aux objectifs que le gouvernement s'est lui-même fixés – soit parce qu'elles restent engluées dans un écheveau administratif « incompréhensible », soit par défaut de pilotage.

Commentaire : prendre du retard dans le développement de l’éolien, qui est climatiquement nul, inutile pour la production électrique, dangereux pour la stabilité du réseau, ravageur de nos paysages, de nos littoraux et de leur biodiversité, économiquement et socialement insoutenable, c’est prendre de l’avance dans la décarbonation efficace de nos sociétés. On ne peut que s’en réjouir !

Malgré son tropisme pro ENR, la Cour des comptes livre quelques aspects étonnants, réjouissants ou scandaleux de la politique énergétique pro-ENR

Extraits

1) Fixation des objectifs ENR : de l’art de se tirer une balle dans le pied !

« La France n’a pas atteint la cible fixée par la directive 2009/28/CE : la consommation finale d’énergies renouvelables (électriques et chaleur) s’est élevée en 2020 à 307 TWh. Sa part de 19,1 %

dans le total, en hausse de 10 % par rapport à 2005, se situe en dessous de l’objectif de 23 %. Il faut noter que la France avait accepté des objectifs d’implantation des ENR plus ambitieux que ceux de la plupart des autres pays, alors même que son mix électrique est fortement décarboné et que le retard dans l’atteinte de ses objectifs n’est pas imputable au seul mix électrique, et notamment pas au seul secteur éolien, mais aussi à la trop faible baisse de la consommation globale d’énergie, chauffage et transports inclus »

« À la fin de 2022, les capacités éoliennes développées en France représentaient au total 20,9 GW, soit environ 80 % de l’objectif visé pour 2023 dans la PPE, et avaient assuré 8,3 % de la production électrique nationale. Seul pays européen à ne pas avoir atteint les objectifs de la directive de 2018, la France doit acheter des « droits statistiques » pour des sommes importantes et encourt en outre des sanctions financières »

Commentaire : Il est temps d’en finir avec les objectifs en ENR (et surtout de surjouer les bons élèves de la classe européenne) pour s’en tenir à des objectifs de décarbonation, qui sont les seuls sensés pour répondre au défi climatique. Les objectifs ENR, c’est le résultat du travail des lobbys ENR !

2) Aucun contrôle des comptes des parcs éoliens depuis 2013… Et quelques magouilles

« Malgré les recommandations des rapports précédents de la Cour, l’économie des parcs éoliens reste mal connue : depuis l’étude réalisée par la CRE en 2014, ni cette dernière, ni la DGEC, ni EDF OA, ni l’Ademe n’ont conduit d’analyses sur des données réelles et comptables provenant d’un échantillon suffisant de parcs…. « Le dispositif de dépôt des comptes des installations n’a pas été mis en place ; depuis l’étude de la CRE, donc depuis 2013, ni la DGEC, ni EDF OA n’ont demandé une seule fois ses comptes à un parc éolien en exploitation » !

D’où la recommandation ferme de la Cour des Comptes : organiser un contrôle annuel des coûts et de la rentabilité des parcs !

Commentaire : on croit rêver ! Et évidemment sur cette absence de contrôle et les trous de la législation prospèrent les magouilles des margoulins de l’éolien. Ainsi :

« Certains parcs ont pu échapper à l’obligation de reverser le produit des ventes réalisé au-delà du tarif de soutien. D’une part, des résiliations de contrat anticipées ont permis à certains parcs de profiter de prix de marchés supérieurs au tarif garanti. D’autre part, une clause de plafonnement des avoirs a pu limiter le volume des compléments de rémunération négatifs à verser à l’État. Des modifications de la réglementation ont mis fin à ces effets d’aubaine en 2022 et 2023. Pour autant, le manque à gagner pour l’Etat qui en a résulté s’élèverait à 767 M€ pour le seul 1er trimestre 2022. »

« La délibération de la CRE du 13 juillet 2022 relative aux charges de service public pour 2023 relève : « sur la base des données remontées par des acheteurs obligés, il apparaît que certains producteurs ont choisi de résilier leur contrat d’achat ou de complément de rémunération avant sa date d’échéance pour bénéficier des hauts niveaux de prix de gros de l’électricité ». La délibération du 3 novembre 2022 estime le volume des installations concernées, , qui appartiennent principalement aux filières éoliennes et hydrauliques, à 3,7 GW. Dans la délibération précitée, la CRE a estimé le manque à gagner potentiel pour l’Etat, et donc l’effet d’aubaine pour les producteurs, entre 6 Mds€ et 7 Mds€. La CRE a dénoncé cet effet d’aubaine, alors que les installations concernées n’ont pu être développées que grâce à la garantie et au soutien financier de l’Etat »

Commentaire : La CRE a fait les gros yeux mais n’a pris aucune sanction. Elle n’avait apparemment aucun texte sur lequel s’appuyer pour le faire, c’est ballot !

3) Des éoliennes à moins de 500 mètres des habitations : pas de problèmes pour la Cour des Comptes !

« Jusqu’à la loi Grenelle II qui a soumis l’éolien terrestre au régime des installations classées et à l’obligation de respecter un éloignement de 500 mètres avec les habitations, les parcs éoliens terrestres n’étaient pas régis par une règle de distanciation particulière avec les habitations. Dans une région comme la Bretagne, la règle des 500 mètres constitue un défi pour le renouvellement des premiers parcs mis en service entre 2000 et 2011. Dans le département du Finistère, par exemple, 83 % des éoliennes sont en deçà de 500 mètres des habitations et 55 % dans l’ensemble de la région Bretagne. Cette situation n’étant pas la seule en France, d’autres régions sont exposées à un risque de diminution brutale de la capacité installée lors de l’arrivée en fin de vie des parcs actuels. En cohérence avec les objectifs de la politique énergétique, la réglementation devrait prévoir la possibilité, pour les seules installations déjà existantes avant 2011 et situées à une distance raisonnable des habitations, de déroger à la règle des 500 mètres, sous réserve d’une limitation de la dimension des équipements réimplantés »

« Recommandation : Pour le renouvellement des parcs éoliens installés avant 2011, permettre de déroger à la règle de 500 mètres des habitations »

Commentaire : Pour l’éolien terrestre comme pour l’éolien en mer, la Région Bretagne veut jouer aux bons élèves. Pas sûr que les Bretons apprécient. Une mesure tout simplement scandaleuse !

4) Eolien en Mer : une bonne nouvelle : l’organisation actuelle ne saurait répondre au défi de développement des 50 parcs d’ici à 2050

« La définition par l’État des espaces destinés à l’éolien maritime est soumise à des délais excessifs qui pèsent sur la capacité de l’administration à engager le processus des appels d’offres à un rythme compatible avec les objectifs ambitieux de la politique énergétique »

« Les documents stratégiques de façade (DSF) définissent des zones de vocation très larges reposant sur une logique de répartition des usages de la mer (pêche, tourisme, énergie) sans zonages géographique fins. Ces « macrozones » ont un périmètre si large qu’il est difficile d’en déduire des volumes d’une part et des localisations d’autre part. En outre, ces documents ne traitent pas de la planification des raccordements des parcs éoliens en mer alors qu’il s’agit d’une donnée majeure à articuler avec l’identification des zones et des capacités à installer »

« Le discours de Belfort de février 2022 ayant fixé un objectif de 40 GW d’ici 2050, l’État s’est engagé, dans le pacte éolien passé en mars 2022 avec la filière, à viser un volume minimal d’attribution d’appels d’offres de 2 GW/an dès 2025. Ce volume doit lui permettre d’atteindre 20 GW attribués en 2030, 18 GW en service en 2035 et 40 GW en 2050…Ces objectifs paraissent difficiles à atteindre. Le cumul des projets déjà attribués et ceux des projets en cours non attribués reste inférieur à 8 GW. »


Au regard de ce qui précède, l’organisation actuelle ne saurait répondre au défi de développement des 50 parcs d’ici à 2050 »

Commentaire : eh ben voilà une bonne nouvelle, pour une technologie de production aléatoire, à forte variabilité, à coût exorbitant, avec une menace majeure sur la biodiversité côtière et qui annihile cent ans d’effort de protection de nos littoraux et supprimerait une bonne partie de la pêche côtière artisanale, la plus respectueuse des ressources naturelles.

Les Documents Stratégiques de Façades révèlent un manque de connaissance détaillée des fonds marins, pourtant indispensable. . « À quoi rime, dans ce cas, le lancement prématuré d'appels d'offres, annoncés en grande pompe, alors qu'aucun répondant ne peut estimer, faute de cartographie détaillée, le coût réel de son projet ni celui de son raccordement au réseau ? » (https://www.lepoint.fr/politique/developpement-de-l-eolien-la-cour-des-comptes-decrit-un-paquebot-sans-pilote-17-10-2023-2539678_20.php)

5) La renégociation des tarifs de l’éolien en mer : « le bilan financier de la négociation ne peut toutefois être établi. » Sic !

« La renégociation des tarifs des six parcs éoliens en mer attribués en 2012 et 2014, qui s’est déroulée en 2018, a donné lieu de part et d’autre à des concessions dont, au profit des exploitants, la gratuité de l’implantation sur le domaine public et la prise en charge par la collectivité des coûts de raccordement au réseau de transport. Il reste que l’importance de l’enjeu financier nécessite une surveillance de l’économie de ces parcs organisée dans la durée. A cet égard, les appels d’offre pour l’éolien en mer devraient dans tous les cas prévoir un tarif de référence au-delà duquel les recettes reviennent à l’Etat. »

« Les nouveaux tarifs issus de la négociation s’étagent entre 131 € et 155 €, soit une baisse comprise entre 28,3 € et 65 € selon les parcs, s’élevant en moyenne à 45,55 €. Elle a eu pour contrepartie des concessions au profit des exploitants, dont les principales sont :

- La renonciation de l’Etat à percevoir des redevances d’occupation du domaine public ;

- La suppression de la part fixe dans la formule d’indexation du tarif, qui fait passer de 60 % à 100 % la part qui est indexée ;

- La prise en charge des coûts de raccordement par RTE ;

- La suppression dans les contrats de la clause de prévention d’une rentabilité excessive. »

« Il n’est pas possible d’apprécier si leur effet sur le LCOE est inférieur ou supérieur à la baisse du tarif, autrement dit si les producteurs ont réellement fait des concessions, et notamment répercuté sur le tarif la baisse des coûts de construction, celle des taux d’intérêts ou d’autres facteurs d’amélioration de la rentabilité. La question se pose notamment pour le transfert du coût du raccordement, qui représente une part de l’investissement total d’environ 10 % et se traduit pour RTE par une dépense nouvelle qui, pour les 6 parcs concernés, s’élève à 1 734 M€ .

Deux concessions sont de nature à déséquilibrer dans le temps le résultat de cette négociation. D’une part, l’indexation à 100 % du tarif, alors que plus de la moitié du LCOE résulte de l’investissement initial, lequel n’est plus exposé à l’inflation une fois le parc construit, pourrait entraîner des rentabilités élevées, à proportion de l’intensité et de la durée de la hausse des prix114, et en fonction de l’évolution, sous l’effet de l’inflation, ces coût de maintenance ; d’autre part, la suppression de la clause de prévention des surrentabilités (dites surcompensation) va être un obstacle à leur récupération par l’État.

Au total, la renégociation a fait passer la moyenne du tarif par MWh des six parcs de 185,55 € à 140 €. Cette baisse de 45,55 € a fait diminuer de 500 M€ par an, soit 10 Mds€ sur 20 ans le coût des soutiens publics. Le coût des concessions faites en contrepartie ne pouvant être déterminé par avance, le bilan financier de la négociation ne peut toutefois être établi…

Les tarifs issus de la négociation sont très supérieurs à ceux qu’on observait à la même époque dans d’autres pays européens. Par exemple, dès septembre 2017, une étude de l’Ademe faisait état de résultats d’appels d’offres à 72€/MWh et 64€/MWh aux Pays-Bas (Borssele) et au Danemark (Vesterhav) »

Commentaire : Il ressort des commentaires prudents de la Cour des Comptes que cette renégociation des tarifs initiaux de l’éolien en mer, présentée comme une grande victoire par le gouvernement de l’époque ( on allait voir ce qu’on allait voir, on ne va quand même pas se laisser voler par les promoteurs éoliens »….) était en fait un marché de dupes, et même pire ! Déjà dans l’immédiat, et de plus en plus au cours du temps ? Margoulins de l’éolien bat France par KO !

6) Eolien en mer et législation : toujours plus de facilités pour les promoteurs mais des actions restent possibles

Priorité d’installation en zone économique exclusive plutôt que dans le domaine public maritime : » Les projets éoliens en mer ne sont pas soumis au régime des ICPE. Ils sont situés dans le domaine public maritime ou en zone économique exclusive (ZEE). La loi AER (article 56) prévoit que désormais, les projets éoliens offshore doivent s’établir prioritairement dans la ZEE. »

Commentaire : c’est une simple recommandation, pas une obligation. Qui ne concerne pas les parcs en discussion, mais non débutés.

L’autorisation environnementale : encore plus d’accélération : « Il en résulte une simplification du régime des autorisations pour l’éolien maritime situé en ZEE et dans le domaine public maritime qui sera donc soumis au dispositif de l’autorisation environnementale qui, en outre, inclut dans son périmètre l’arrêté approuvant la convention d’occupation du domaine public. Outre la simplification de procédure qui résulte de ces nouvelles dispositions, le nouveau régime devrait permettre de réduire le nombre de contentieux relatifs à un même parc. Actuellement, les recours concernent, pour chaque parc, à la fois l’autorisation environnementale et la convention d’occupation du domaine public. »

« Jusqu’à la loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance dite loi ESSOC, le titulaire d’une autorisation pour un parc éolien en mer (DPM et ZEE) devait déposer une nouvelle autorisation dès lors que son procédé technologique avait changé entre le moment où il avait été
désigné et celui où il engageait les travaux. Désormais, les diverses autorisations fixent et tiennent compte des caractéristiques variables dans lesquelles les projets pourront évoluer.
Recommandations de la Cour : « Dans le cadre de l’instruction des demandes d’autorisation environnementale sur les projets éoliens, supprimer le caractère suspensif des demandes complémentaires d’informations dans la computation des délais réglementaires applicables. »

Mais des actions toujours possibles :

« La question de l’insertion paysagère des projets cristallise les oppositions locales et motive près de 70 % des recours. La loi AER du 10 mars 2023 (article 2) introduit la notion d’effets de saturation visuelle parmi les éléments dont l’autorisation environnement doit tenir compte. La notion de paysage donne lieu à une appréhension floue, souvent subjective car non définie de façon précise dans le code de l’environnement »

Commentaire : il n’y a pas que ça. L’arrêt Combray/ Proust du Conseil d’Etat (4 octobre 2023) autorise la prise en compte du patrimoine immatériel dans les autorisations de parcs éoliens. Cette décision devrait pouvoir s’appliquer à des vues immortalisés par certains peintres, comme les aiguilles de Port Coton de Belle-Île, immortalisées par Manet, un paysage marin qui serait complètement saccagé par la zone industrielle éolienne Bretagne Sud.

« Si des espèces protégées ou des espèces d’intérêt patrimonial sont identifiées dans la zone d’étude et si l’atteinte aux espèces protégées est suffisamment caractérisée, les porteurs de projet doivent obtenir une dérogation à l’interdiction d’atteinte aux espèces protégées. Selon les informations données par la DGPR, un nombre croissant d’autorisations sont attaquées sur la dérogation des espèces protégées et sont in fine annulées.

Selon la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN) environ 20 % des parcs autorisés sur la période 2016/2018 ont fait l’objet d’une dérogation « espèces protégées ».

Elle ajoute qu’il est vraisemblable qu’au vu du renforcement de la jurisprudence, et du fait que le développement éolien concerne désormais davantage de sites à enjeux de biodiversité, ce pourcentage « augmente très sensiblement ».

Commentaire : cela concerne au plus haut point la ceinture les parcs éoliens en Mer Bretagne Sud et la trentaine de zones industrielles éoliennes prévues le long des côtes bretonnes, situées dans un couloir majeur de migrations transcontinentales pour les oiseaux et les cétacés.

7) Compensation des externalités négatives pour l’éolien en mer : le problème de la pêche

« Les pêcheurs en mer voient leurs zones de pêche potentiellement perturbées par l’implantation de parcs éoliens maritimes. La compensation de cette externalité négative peut contribuer à l’acceptabilité des projets et donc à la réalisation des objectifs de la PPE. Elle prend la forme de contributions significatives des parcs aux organisations professionnelles de la pêche. Néanmoins, elle se heurte en général à la difficulté de chiffrer les externalités et d’identifier les ayants droits »

Commentaire : très timide progrès, ce chapitre n’était jamais abordé auparavant. La Cour des Comptes Européennes dans son dernier rapport a été plus directe : « Nous avons constaté que le conflit entre ces deux secteurs (les Energies Marines renouvelables et la Pêche) restait sans issue… Il existe un risque de perte d’emplois dans le secteur de la pêche en raison de la croissance de celui des EMR.. À notre connaissance, la Commission n’a encore jamais quantifié les principaux effets économiques qu’aurait le développement des Energies Marines Renouvelables sur la pêche »

Remarque très pertinente de la Cour des Comptes françaises : les « compensations » jusqu’à présent vont à des organismes professionnels pas toujours représentatifs et non pas vers ceux qui en auraient le plus besoin. Et cela entretient une très forte colère chez les pêcheurs concernés.

8) Fonds de développement territorial : avertissement de la Cour des Comptes

Des fonds dont une gestion et des critères rigoureux conditionnent l’efficacité : « Le cahier des charges de l’appel d’offres en mer « AO4 » (Centre-Manche) oblige les candidats à allouer 10 M€ à un « fonds de développement territorial » destiné à financer des « mesures de développement territorial ». Il s’agit en fait d’aides financières qui doivent bénéficier à des activités situées dans la région Normandie. Pour parer le risque de requalification en aide d’État, elles doivent être inférieures aux seuils « de minimis » ou viser des activités bénéficiant d’exemptions : éducation, recherche, culture, sport et même « plateformes d’information et de réseau visant à résoudre directement les problèmes de chômage et les conflits sociaux au sein de la région Normandie ». Ce fonds aux critères étendus coexiste avec un « fonds biodiversité » d’un montant plus important.

Il apparaît, au vu de ces exemples, qu’une vigilance doit accompagner la mise en oeuvre de tels dispositifs : d’une part, leur exécution doit respecter les règles qui régissent les dépenses publiques ; d’autre part, des objectifs et un ciblage pertinents conditionnent leur efficacité. Dans le cas des fonds décrits ci-dessus, l’aire géographique est vaste et les champs thématiques paraissent trop peu précis. Le MTECT souligne qu’il s’agit de projets « strictement liés au parc éolien en mer ». Le respect de ce critère ainsi que des stratégies de développement territorial bien structurées seront nécessaires pour prévenir le risque d’un impact faible ou mal ciblé. »

Commentaire : il s’agit de « bonnes oeuvres » (en fait du financement de la propagande) des promoteurs éoliens pour se concilier la société civile et le silence de ceux qui pourraient s’opposer à leurs projets : scientifiques, éducateurs, activités nautiques, sociétés de protection de la nature. La Cour rappelle qu’il y a des règles…

9) Quand la Cour des comptes appelle à renoncer à la compétitivité…

« Des clauses de compétitivité à l’utilité contestable. Dans le cadre des procédures de mise en concurrence, les pouvoirs publics doivent arbitrer entre obtenir le volume de puissance le plus important possible pour satisfaire les objectifs de développement des EnR et limiter les impacts sur les dépenses publiques en éliminant les offres les moins compétitives.

Les choix retenus révèlent des stratégies variables selon les périodes. À deux reprises au cours de l’appel d’offres CRE4, le ministre a privilégié le volume en ajoutant des lauréats supplémentaires à la liste proposée par la CRE, malgré l’impact de ce choix sur le tarif moyen pondéré (68,7 €/MWh au lieu de 66,9 €/MWh pour la deuxième période et 62,9 €/MWh au lieu de 62,2 €/MWh pour la cinquième période).

La logique des clauses de compétitivité introduites à partir de la quatrième période de l’appel d’offres CRE4 est inverse puisqu’elle privilégie l’élimination des offres les moins compétitives au détriment le cas échéant du volume attribué. Ces clauses sont actionnées de façon automatique lorsque la puissance cumulée des offres conformes représente moins que la puissance appelée. Elles conduisent à l’élimination des offres les moins bien notées dans la limite de 20 % de la puissance cumulée des offres conformes.

Par ailleurs, les critères de déclenchement de la règle de compétitivité apparaissent discutables dans un contexte de sous-souscription : l’application des clauses de compétitivité a un effet couperet conduisant à éliminer des offres proposant des prix proches des offres retenues. La Cour relève du reste que la CRE a renoncé à mettre en oeuvre la clause de compétitivité lors du dernier appel d’offres pour ne pas dégrader encore le faible volume de puissance attribuée (54 MW / 925 MW appelés). »
Commentaire : mais quel aveu ! Les producteurs éoliens (même en mentant sur les coûts réels) sont incapables de proposer suffisamment de projets compétitifs pour répondre aux appels d’offre. Alors, on renonce à la compétitivité, open bar pour les promoteurs, le contribuable et les consommateurs paieront pour cette folie idéologique !

10) Eolien en mer : le soutien au raccordement au réseau : des charges croissantes à venir

« Les dépenses de raccordement des parcs éoliens en mer ont été jusqu’à présent assez limitées du fait des délais de mise en service. Elles ont atteint 28,6 M€ en 2019 et 170,4 M€ en 2020 et 244 M€ en 2021. Elles devraient augmenter de façon importante dans les prochaines années. L’estimation totale des coûts de raccordement pour les projets en cours et futurs est située dans une fourchette de 7,7 Md€ à 10,1 Md€. Ils varient sensiblement d’un projet à l’autre selon de multiples facteurs liés à l’éloignement des côtes, la profondeur et la nature des fonds marins. »

Commentaire : un avertissement de la Cour à prendre très au sérieux ! Rappelons que justement, depuis la mirifique renégociation de 2018, le coût du raccordement en mer n’est plus à la charge des promoteurs éoliens, mais à celui de l’Etat. C’est ballot !

11) Avertissement de la Cour des Comptes à propos de l’éolien flottant : l’ éolien flottant ne constitue pas encore une technologie mature

« L’éolien flottant ne constitue pas encore une technologie mature et n’a pas été encore déployé de façon industrielle bien qu’il existe à ce jour deux fermes commerciales flottantes, en Ecosse (30 MW) et en Norvège (56 MW). Des expérimentations ont donc été jugées nécessaires. »

« Les fermes pilotes bénéficient à ce titre d’aides à l’investissement dans le Programme d’investissements d’avenir à hauteur de 300 M€ dont une partie sous forme d’avances remboursables et d’une aide au fonctionnement sous la forme d’un tarif d’achat garanti de l’électricité pendant 20 ans.

Le tarif a été fixé par l’arrêté du 9 avril 2020 à 240 €/MWh. L’article 4 de l’arrêté de 2020 prévoit que les conditions du tarif d’achat font l’objet d’un réexamen au bout de dix ans pouvant conduire, dans l’hypothèse d’un TRI projet supérieur à 8,5 % à un partage des bénéfices avec l’État. Ce dispositif de soutien est potentiellement très coûteux pour l’État. La CRE a estimé à 1,6 Md€ les charges de service public liées aux fermes éoliennes pilotes (100 MW), soit le triple des charges prévues pour le parc de Dunkerque de 600 MW (542 M€). »

« Parallèlement à la mise en place de ces fermes pilotes dont la mise en service est prévue en 2023, l’État a lancé deux dialogues concurrentiels pour des éoliennes flottantes en sud Bretagne (2021) et en Méditerranée (2022). À la différence des fermes expérimentales, ces procédures concernent des projets commerciaux. Le niveau de soutien ne sera pas fixé par arrêté ministériel mais, comme pour les autres parcs commerciaux depuis Dunkerque, par la procédure d’appel d’offres et sous forme de complément de rémunération »

Commentaire : l’éolien flottant n’est pas mature, les fermes pilotes coûteront bonbon… mais on se lance dans des projets industriels… ) Grégoire de Saivre, responsable du département éolien offshore de Total Energies devant l’OPECST ( 2 février 2023) , Estimer les coûts de construction d’une filière qui n’est pas mature sur une période de 8 à dix ans ; impossible c’est une boule de cristal.

12) Eolien en mer : attention aux niveaux de soutien et aux types de contrats

« Des niveaux de soutien en forte baisse pour l’éolien posé : Depuis les appels d’offres de 2011/2012, deux nouveaux parcs ont été attribués : celui de Dunkerque (AO3) pour 500 MW et celui de Centre-Manche 1 (AO4) pour 1000 MW. Les procédures se sont caractérisées par un niveau accru de concurrence (11 candidats recevables pour Dunkerque, six pour Centre-Manche et une baisse significative des niveaux de soutien. En effet, les offres retenues s’élèvent respectivement à 44 €/MWh (tarif de référence) pour Dunkerque (soit 53 €2022/MWh) et 44,9 €/MWh pour Centre-Manche 1, bien en deçà des tarifs plafond (respectivement 90 €/MWh et 75 €/MWh). S’agissant de Centre-Manche , la CRE a jugé qu’en dépit des risques de dégradation de la rentabilité pesant sur le projet, le tarif proposé par le lauréat n’était pas manifestement sous-évalué »

Commentaire : Quelle lucidité de la Cour des Comptes ( c’est ironique )! Celle-ci (le rapport a-t-il été rédigé avant) n’a visiblement pas vu venir les défaillances en série des industriels éoliens en Europe ( Siemens, Oersted, Vestas, GE), ni, spécifiquement pour l’éolien marin, la longue litanie des demandes de réévaluation des tarifs, des annulations de projets, des appels d’offres infructueux (USA, UK…). Donc, tout faux !

« Aux Pays-Bas, les appels d’offres imposent l’absence de soutien et ne prévoient que des critères qualitatifs pour départager les candidats. Les entreprises qui font ces offres espèrent profiter pleinement de la hausse des prix de l’électricité sur le marché européen. Ces contrats ne sont donc avantageux pour la collectivité que s’il existe un risque réel de voir les prix de marché redevenir durablement inférieurs au prix d’équilibre des installations. Dans tous les autres cas, il existe un risque d’accorder un droit d’exploiter une rente sur le domaine public. La Cour appelle donc à rester vigilent sur ce type de contrat et à privilégier le mécanisme du complément de rémunération qui permet à la collectivité de profiter aussi de la hausse des prix de marché »

Commentaire : là encore, quel aveu ! L’éolien marin ne sera rentable qu’en cas de très forte hausse des prix de l’électricité. Et la Cour appelle à se défier de mécanismes sans fonds de soutien réclamés par certains promoteurs éoliens mais veut que la collectivité profite aussi de l’élévation des coûts de l’électricité ! C’est qui la collectivité ? Visiblement pas les consommateurs d’électricité, ni les artisans, ni les industriels…

Pour un résumé

Florilège du rapport sur le soutien public aux parcs éoliens terrestres et maritimes de la Cour des Comptes



Eric Sartori pour PIEBÎEM

https://piebiem.webnode.fr/contact/

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