Extraits et remarques
1) Le ministère de la transition
énergétique n’a joint aucune évaluation environnementale au dossier soumis à la
consultation du public alors même que la loi l’y oblige
En vertu de l’article L.
122-4 du code de l’environnement, les plans et programmes relevant du domaine
de l’énergie doivent faire l’objet d’une évaluation environnementale. En droit
européen, la directive 2011/42/CE prévoit, de surcroît, que les Etats membres
sont tenus de mettre à disposition du public l’évaluation environnementale
ainsi que les conclusions qu’ils en retirent.
Or, dans le dossier qui a été soumis à la consultation
du public, il n’est mentionné à aucun moment que la stratégie française énergie
climat a fait l’objet d’une évaluation environnementale, que ce soit par
l’Autorité environnementale ou par toute autre institution.
NB : C’est
totalement regrettable surtout en ce qui concerner les 45 GW d’éolien en mer à
proximité des côtes françaises, qui représentent une menace imminente d’une
ampleur inédite pour la vie côtière et des activtés comme la pêche, le nautisme
etc.
2) Le dossier soumis à la
consultation du public repose sur une méthodologie incomplète
L’article 100-1 du code
de l’énergie fixe à la politique énergétique de la France sept grands objectifs
: la compétitivité de l’économie française et la création d’emplois, la
sécurité d’approvisionnement, la maîtrise des coûts, la lutte contre la précarité
énergétique, la contribution à la politique européenne de l’énergie, la
préservation de la santé humaine et de l’environnement ainsi que la garantie de
la cohésion sociale et territoriale.
Le ministère de la
transition énergétique n’a nullement tenu compte des objectifs de préservation
de la santé humaine et de l’environnement ainsi que de garantie de la cohésion
sociale et territoriale pour élaborer sa stratégie climat…-La prise en compte
de l’objectif de garantie de la cohésion sociale et territoriale aurait, par
exemple, très probablement réduit les ambitions gouvernementales en matière
d’éolien terrestre, cette technologie étant rejetée par 60% des populations
vivant dans des zones rurales.
NB : idem
pour l’éolien en mer…
3) Des
chiffres insuffisamment étayés
Ainsi « le ministère
reconnait que « les chiffres de consommation et de production de biomasse font
l’objet de modélisations en cours de finalisation, dans le cadre la préparation
de la SNBC, qui pourront conduire à réviser les trajectoires ci-dessus. ».
Le dossier ne présente aucun graphique de consommation
finale d’énergie par secteur, sauf pour la biomasse, dont les chiffres sont
sujets à caution.
La faisabilité technico-économique des H2 et e-fuel
n’est pas démontrée : Inscrire ces objectifs dans la SFEC 2050 et dans la
PPE n’a de sens que si leur prix est acceptable, ce qui requiert pour le H2
qu’il soit produit par une électricité à la fois décarbonée durablement
compétitive. Or, le dossier présume cette compétitivité mais sans la démontrer. »
Au total, le ministère reconnaît donc que le dossier
présenté au public n’est pas abouti.
4) Les objectifs de
production d’énergies renouvelables sont fondés sur des postulats non
démontrés, voire erronés
Les affirmations sur la
compétitivité ne sont pas étayées: Il est mentionné que «
En 2022 et 2023, après plus de 15 ans de soutiens publics à l’émergence
d’énergies renouvelables, celles-ci sont pour la plupart devenues compétitives
sur notre sol. ». La compétitivité des énergies renouvelables, en particulier
les électricités renouvelables intermittentes, n’est ici aucunement démontrée.
En outre, l’intermittence
des électricités éoliennes et solaire conduit inéluctablement à des coûts
d’investissements complémentaires dans des capacités pilotables pour pallier
les périodes durant lesquelles il n’y a ni suffisamment de vent, ni suffisamment
de soleil.
Le Cérémé invite le ministère à se référer aux
différentes études qu’il a consacré à ce sujet
Le postulat de recettes
fiscales supplémentaires générées par l’éolien est contestable :Il
est mentionné que l’éolien a « généré 6,5 Md€ de recettes nettes
supplémentaires dont 6,2 Md€ cumulés pour l’éolien terrestre au titre de 2022
et 2023. »
« Cette affirmation
est d’autant plus inexacte que le ministère ne pouvait ignorer, au jour de
lancement de la consultation du public, la décision du Conseil Constitutionnel
QPC du 26 octobre 2023
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2023/20231065QPC.html par
laquelle celui-ci a annulé les dispositions règlementaires qui permettaient
d’espérer obtenir des recettes fiscales supplémentaires de la part de la
filière éolienne … laquelle a pourtant bénéficié de dizaines de milliards
d’euros de subventions publiques pendant deux décennies ! »
Eolien terrestre : Les
objectifs de développement de l’éolien terrestre fixés dans le dossier soient
très supérieurs aux engagements pris par le Président de la République à
Belfort, alors que rien ne le justifie, ni sur le plan climatique, ni sur le
plan économique ;
Eolien en mer : L’objectif
de 18 GW qui prévoit « d’attribuer de l’ordre de 10 GW supplémentaires d’ici
fin 2025, à l’issue de l’exercice de planification des quatre façades maritimes
qui sera conduit entre fin 2023 et mi 2024. » est un pari audacieux.
Ce pari audacieux est
aussi un pari hasardeux, compte tenu de la sous-estimation des enjeux
environnementaux directs (fonds marins) et indirects (flux migratoires
aviaires) de l’éolien en mer, sur lesquels la Commission européenne elle-même
attire l’attention des pouvoirs publics.
Cet objectif est fondé
sur une sous-estimation des coûts de production de l’éolien, a fortiori sur des
scénarios qui seront de plus en plus éloignés des côtes et feront donc appel au
très onéreux modèle flottant. Onéreux et non complètement maîtrisé au plan
technique, une contrainte à laquelle s’ajoutent les difficultés financières de
cette filière.
Le Cérémé considère qu’il
n’y a pas de nécessité de se précipiter sur une solution aussi hasardeuse
reposant en partie sur un facteur de charge moyen retenu par le ministère de
44,4 %, supérieur à la réalité connue de 38 à 40% dans notre pays.
Au final, le Cérémé propose donc de
tempérer fortement les capacités prévisionnelles en éolien en mer figurant dans
le dossier, au bénéfice de capacités renforcées dans le programme nucléaire.
Solaire : Le Cérémé approuve le développement d’un solaire photovoltaïque industriel « … en privilégiant le développement compétitif sur des espaces déjà artificialisés »… Cette orientation est cohérente avec le recensement par l’Ademe, en 2019, d’un potentiel de 49 GW à ces différents titres, auxquels s’ajoutait un potentiel de 4 GW sur ombrières de parkings, soit un total de 53 GW représentant à soi seul la moitié de l’objectif présidentiel de Belfort en matière solaire.
En revanche, le Cérémé appelle à la prudence concernant les objectifs de développement du solaire en zones naturelles, agricoles, et forestières . Un objectif qui « ouvre la porte à une potentielle déstabilisation du monde rural et à des destructions intenses de biodiversité, sans parler de ses impacts paysagers. En tout état de cause, cet objectif mériterait de faire l’objet d’une évaluation environnementale approfondie. »
5) Le potentiel de
développement du nucléaire et des énergies renouvelables thermiques n’ait pas
été pleinement optimisé.
Nucléaire : Le
Cérémé observe que le dossier ne met pas suffisamment en avant auprès du public
les avantages décisifs du nucléaire et sa contribution massive à quatre
objectifs figurant à l’article L 100-1 du code de l’énergie : une électricité
totalement décarbonée, pilotable et donc concourant à la sécurité
d’approvisionnement, compétitive et permettant un accès des ménages à une
énergie à coût non excessif, et respectant l’environnement.
Le Cérémé désapprouve à
ce titre l’orientation de prolonger à seulement 50 ou 60 ans le parc existant.
Le Cérémé désapprouve
également le caractère trop prudent de l’orientation sur les EPR2 traduit par la confirmation du programme de
construction de 6 EPR2 et la poursuite de l’étude d’un éventuel second palier
d’au moins 13GW, correspondant à la capacité de 8 EPR2.
« L’adjectif «
Eventuel » ici ajouté au discours de Belfort où il ne figurait pas 5 n’est
pas porteur. Il ne donne pas aux filières et branches professionnelles
impliquées dans ce programme la visibilité sur le temps long afin qu’elles
investissent sur le plan industriel mais aussi sur le plan des compétences,
dans un moment où le président d’EDF affirme désormais être en mesure de mettre
en service 1,5 EPR2 par ans »
Cet objectif est éloigné de l’appel d’une vingtaine de pays
incluant la France à tripler les capacités le nucléaire dans le monde d’ici à
2050 afin d’obtenir la neutralité carbone à cet horizon.
Le Cérémé demande donc au
ministère de mettre son dossier en accord avec les nécessités ainsi reconnues,
et de s’engager plus nettement dans les axes suivants : remotoriser, prévoir
la prolongation à 70 ans de la majorité des réacteurs existants, lancer
un programme massif de construction d’EPR 2 sur la base d’une mise en service
de 1,5 réacteurs par an à partir de 2035 ou 2036.
Le Cérémé déplore, enfin,
le manque de fermeté et le manque d’engagement du dossier concernant la
fermeture du cycle du combustible, souhaitable à la fois au plan technique,
économique et environnemental.
Géothermie : Le
dossier ne témoigne pas d’un intérêt élevé pour les PAC géothermiques, ce qui
n’est pas cohérent avec les publications du ministère 7: 10 TWH en 2030 sont
trop éloignés du potentiel officiel de 100 TWH en 2050, qui représenterait près
de 10% de la demande en énergie finale.
Production de chaleur et
biomasse ; Le potentiel volontariste de chaleur
renouvelable affiché pour les échéances si proches de 2030 et 2035 en p. 55
pourrait manquer de réalisme. En effet, si l’on excepte les déchets, le
potentiel de biomasse accessible à ces échéances n’a pas encore été consolidé,
étant rappelé que nos forêts doivent être exploitées en privilégiant des
utilisations en bois d’oeuvre. Et il serait fâcheux pour notre empreinte
carbone de recourir à des importations.
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