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dimanche 24 décembre 2023

Contribution du CEREME à La stratégie française pour l’énergie et le climat_18 dec 2023

 Extraits et remarques

1) Le ministère de la transition énergétique n’a joint aucune évaluation environnementale au dossier soumis à la consultation du public alors même que la loi l’y oblige

En vertu de l’article L. 122-4 du code de l’environnement, les plans et programmes relevant du domaine de l’énergie doivent faire l’objet d’une évaluation environnementale. En droit européen, la directive 2011/42/CE prévoit, de surcroît, que les Etats membres sont tenus de mettre à disposition du public l’évaluation environnementale ainsi que les conclusions qu’ils en retirent.

Or, dans le dossier qui a été soumis à la consultation du public, il n’est mentionné à aucun moment que la stratégie française énergie climat a fait l’objet d’une évaluation environnementale, que ce soit par l’Autorité environnementale ou par toute autre institution.

NB : C’est totalement regrettable surtout en ce qui concerner les 45 GW d’éolien en mer à proximité des côtes françaises, qui représentent une menace imminente d’une ampleur inédite pour la vie côtière et des activtés comme la pêche, le nautisme etc.

2) Le dossier soumis à la consultation du public repose sur une méthodologie incomplète

L’article 100-1 du code de l’énergie fixe à la politique énergétique de la France sept grands objectifs : la compétitivité de l’économie française et la création d’emplois, la sécurité d’approvisionnement, la maîtrise des coûts, la lutte contre la précarité énergétique, la contribution à la politique européenne de l’énergie, la préservation de la santé humaine et de l’environnement ainsi que la garantie de la cohésion sociale et territoriale.

Le ministère de la transition énergétique n’a nullement tenu compte des objectifs de préservation de la santé humaine et de l’environnement ainsi que de garantie de la cohésion sociale et territoriale pour élaborer sa stratégie climat…-La prise en compte de l’objectif de garantie de la cohésion sociale et territoriale aurait, par exemple, très probablement réduit les ambitions gouvernementales en matière d’éolien terrestre, cette technologie étant rejetée par 60% des populations vivant dans des zones rurales.

NB : idem pour l’éolien en mer…

 3) Des chiffres insuffisamment étayés

Ainsi « le ministère reconnait que « les chiffres de consommation et de production de biomasse font l’objet de modélisations en cours de finalisation, dans le cadre la préparation de la SNBC, qui pourront conduire à réviser les trajectoires ci-dessus. ».

Le dossier ne présente aucun graphique de consommation finale d’énergie par secteur, sauf pour la biomasse, dont les chiffres sont sujets à caution.

La faisabilité technico-économique des H2 et e-fuel n’est pas démontrée : Inscrire ces objectifs dans la SFEC 2050 et dans la PPE n’a de sens que si leur prix est acceptable, ce qui requiert pour le H2 qu’il soit produit par une électricité à la fois décarbonée durablement compétitive. Or, le dossier présume cette compétitivité mais sans la démontrer. »

Au total, le ministère reconnaît donc que le dossier présenté au public n’est pas abouti.

4) Les objectifs de production d’énergies renouvelables sont fondés sur des postulats non démontrés, voire erronés

Les affirmations sur la compétitivité ne sont pas étayées: Il est mentionné que « En 2022 et 2023, après plus de 15 ans de soutiens publics à l’émergence d’énergies renouvelables, celles-ci sont pour la plupart devenues compétitives sur notre sol. ». La compétitivité des énergies renouvelables, en particulier les électricités renouvelables intermittentes, n’est ici aucunement démontrée.

En outre, l’intermittence des électricités éoliennes et solaire conduit inéluctablement à des coûts d’investissements complémentaires dans des capacités pilotables pour pallier les périodes durant lesquelles il n’y a ni suffisamment de vent, ni suffisamment de soleil.

Le Cérémé invite le ministère à se référer aux différentes études qu’il a consacré à ce sujet

Le postulat de recettes fiscales supplémentaires générées par l’éolien est contestable :Il est mentionné que l’éolien a « généré 6,5 Md€ de recettes nettes supplémentaires dont 6,2 Md€ cumulés pour l’éolien terrestre au titre de 2022 et 2023. »

« Cette affirmation est d’autant plus inexacte que le ministère ne pouvait ignorer, au jour de lancement de la consultation du public, la décision du Conseil Constitutionnel QPC du 26 octobre 2023 https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2023/20231065QPC.html par laquelle celui-ci a annulé les dispositions règlementaires qui permettaient d’espérer obtenir des recettes fiscales supplémentaires de la part de la filière éolienne … laquelle a pourtant bénéficié de dizaines de milliards d’euros de subventions publiques pendant deux décennies ! »

Eolien terrestre : Les objectifs de développement de l’éolien terrestre fixés dans le dossier soient très supérieurs aux engagements pris par le Président de la République à Belfort, alors que rien ne le justifie, ni sur le plan climatique, ni sur le plan économique ;

Eolien en mer : L’objectif de 18 GW qui prévoit « d’attribuer de l’ordre de 10 GW supplémentaires d’ici fin 2025, à l’issue de l’exercice de planification des quatre façades maritimes qui sera conduit entre fin 2023 et mi 2024. » est un pari audacieux.

Ce pari audacieux est aussi un pari hasardeux, compte tenu de la sous-estimation des enjeux environnementaux directs (fonds marins) et indirects (flux migratoires aviaires) de l’éolien en mer, sur lesquels la Commission européenne elle-même attire l’attention des pouvoirs publics.

Cet objectif est fondé sur une sous-estimation des coûts de production de l’éolien, a fortiori sur des scénarios qui seront de plus en plus éloignés des côtes et feront donc appel au très onéreux modèle flottant. Onéreux et non complètement maîtrisé au plan technique, une contrainte à laquelle s’ajoutent les difficultés financières de cette filière.

Le Cérémé considère qu’il n’y a pas de nécessité de se précipiter sur une solution aussi hasardeuse reposant en partie sur un facteur de charge moyen retenu par le ministère de 44,4 %, supérieur à la réalité connue de 38 à 40% dans notre pays.

Au final, le Cérémé propose donc de tempérer fortement les capacités prévisionnelles en éolien en mer figurant dans le dossier, au bénéfice de capacités renforcées dans le programme nucléaire.

Solaire : Le Cérémé approuve le développement d’un solaire photovoltaïque industriel « … en privilégiant le développement compétitif sur des espaces déjà artificialisés »… Cette orientation est cohérente avec le recensement par l’Ademe, en 2019, d’un potentiel de 49 GW à ces différents titres, auxquels s’ajoutait un potentiel de 4 GW sur ombrières de parkings, soit un total de 53 GW représentant à soi seul la moitié de l’objectif présidentiel de Belfort en matière solaire.

En revanche, le Cérémé appelle à la prudence concernant les objectifs de développement du solaire en zones naturelles, agricoles, et forestières . Un  objectif  qui « ouvre la porte à une potentielle déstabilisation du monde rural et à des destructions intenses de biodiversité, sans parler de ses impacts paysagers. En tout état de cause, cet objectif mériterait de faire l’objet d’une évaluation environnementale approfondie. »

5) Le potentiel de développement du nucléaire et des énergies renouvelables thermiques n’ait pas été pleinement optimisé.

Nucléaire : Le Cérémé observe que le dossier ne met pas suffisamment en avant auprès du public les avantages décisifs du nucléaire et sa contribution massive à quatre objectifs figurant à l’article L 100-1 du code de l’énergie : une électricité totalement décarbonée, pilotable et donc concourant à la sécurité d’approvisionnement, compétitive et permettant un accès des ménages à une énergie à coût non excessif, et respectant l’environnement.

Le Cérémé désapprouve à ce titre l’orientation de prolonger à seulement 50 ou 60 ans le parc existant.

Le Cérémé désapprouve également le caractère trop prudent de l’orientation sur les EPR2  traduit par la confirmation du programme de construction de 6 EPR2 et la poursuite de l’étude d’un éventuel second palier d’au moins 13GW, correspondant à la capacité de 8 EPR2.

« L’adjectif « Eventuel » ici ajouté au discours de Belfort où il ne figurait pas 5 n’est pas porteur. Il ne donne pas aux filières et branches professionnelles impliquées dans ce programme la visibilité sur le temps long afin qu’elles investissent sur le plan industriel mais aussi sur le plan des compétences, dans un moment où le président d’EDF affirme désormais être en mesure de mettre en service 1,5 EPR2 par ans »

Cet objectif  est éloigné de l’appel d’une vingtaine de pays incluant la France à tripler les capacités le nucléaire dans le monde d’ici à 2050 afin d’obtenir la neutralité carbone à cet horizon.

Le Cérémé demande donc au ministère de mettre son dossier en accord avec les nécessités ainsi reconnues, et de s’engager plus nettement dans les axes suivants : remotoriser, prévoir la prolongation à 70 ans de la majorité des réacteurs existants, lancer un programme massif de construction d’EPR 2 sur la base d’une mise en service de 1,5 réacteurs par an à partir de 2035 ou 2036.

Le Cérémé déplore, enfin, le manque de fermeté et le manque d’engagement du dossier concernant la fermeture du cycle du combustible, souhaitable à la fois au plan technique, économique et environnemental.

Géothermie : Le dossier ne témoigne pas d’un intérêt élevé pour les PAC géothermiques, ce qui n’est pas cohérent avec les publications du ministère 7: 10 TWH en 2030 sont trop éloignés du potentiel officiel de 100 TWH en 2050, qui représenterait près de 10% de la demande en énergie finale.

Production de chaleur et biomasse ; Le potentiel volontariste de chaleur renouvelable affiché pour les échéances si proches de 2030 et 2035 en p. 55 pourrait manquer de réalisme. En effet, si l’on excepte les déchets, le potentiel de biomasse accessible à ces échéances n’a pas encore été consolidé, étant rappelé que nos forêts doivent être exploitées en privilégiant des utilisations en bois d’oeuvre. Et il serait fâcheux pour notre empreinte carbone de recourir à des importations.

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