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dimanche 2 juin 2013

Pourquoi les économistes n'ont pas vu venir la crise

Conférence AJEF 15 mai  2013: Les économistes n'ont pas vu venir la crise. Pour une approche plus globale des problèmes de notre temps. Alain Caillé professeur d'économie à Paris X Nanterre et fondateur de la revue du MAUSS.

Pourquoi l’économie n’a-t-elle pas permis de prévoir les dernières crises :

Parce que l’économie n’est pas une science. Elle n’est que le commentaire perpétuel, avec un usage sophistiqué des mathématiques,   d’une tautologie « les hommes préfèrent ce qu’ils préfèrent «  qui évolue en « un marché à l’équilibre est équilibré »
Parce que les économistes, même lorsqu’ils le critiquent, sont incapables de renoncer à ce mensonge anthropologique qu’est l’ « homo oeconomicus » uniquement mû par le calcul rationnel de son intérêt personnel. Or, l’homme réel vit en société, c’est un animal donneur  « altruiste » ; ceci dit, cela ne crée pas pour autant automatiquement un paradis sociétal : tout don appelle un contre-don et l’on entre dans un réseau complexe où se reflètent à l’infini  égo et besoins de reconnaissance ; mais ignorer les aspects non économiques et pourtant prédominants du comportement humain ne peut conduire qu’à l’incapacité de « savoir pour prévoir »
Ceci est bien mis en évidence par l’étude de Robert Solow (Contribution to the Theory of Economic Growth) ; le facteur travail et le facteur capital expliquent 20% de la croissance…et le reste (80% !) est une  « une manne tombée du ciel », non économique : facteurs moraux, organisation de la société, externalités dus à l’investissement public
Parce que l’économie est mal enseignée ; dans les programmes de licence, l’histoire des théories économiques compte pour 2%, l’histoire économique pour 2% :un bon économiste calcule et construit des modèles et ne réfléchit pas.
Et encore, il calcule mal. Toutes les politiques d’austérité sont fondées sur une publication (Reinhart, C. and Rogoff K. (2009) : “Growth in a Time of Debt”, American Economic Review Papers and Proceedings, December 31.) affirmant qu’avec une dette supérieure à 90% du PIB, la croissance devient impossible et la récession s’installe. Or, ce résultat longtemps admis sans vérification est faux et résultait d’une erreur de tableur excel… De façon analogue, l’économiste en chef du FMI vient d’avouer que son organisation avait longtemps sous-estimé, d’un facteur 5 le multiplicateur traduisant l’effet de la diminution de la dépense publique sur la croissance.
Parce que considérant comme discrédités le libéralisme, l’anarchisme, le communisme, le socialisme (tous basés sur l’utilitarisme), les économistes et les intellectuels en général n’osent plus penser aucune idéologie (laquelle peut pourtant être considérée dans le domaine des sciences sociales comme l’équivalent de la théorie dans celui des sciences exactes). Alors, l’économie traditionnelle se présente comme un empirisme sans idéologie et triomphe faute d’adversaire ;

Pour une approche plus globale- le convivialisme

Cette absence d’idéologie crée un sentiment absolument délétère, surtout dans un pays comme la France qui est essentiellement politique. Lorsqu’une société n’a aucune idée sur l’endroit où elle va, elle ne sait littéralement pas où elle en est et connaît un présent désespérant
Nous avons aussi besoin d’une idéologie qui nous permette de résoudre un problème radicalement nouveau : la croissance des services marchands, du PIB n’est plus soutenable au rythme passé. Alain Caillé prend le pari que nous ne connaîtrons jamais plus dans les pays évolués des croissances supérieures à 3%.
Pour autant, il ne partage ni l’objectif, ni le vocabulaire des partisans de la décroissance. Il nous faudra adapter notre économie et notre société à un « monde stationnaire dynamique »,  notamment résoudre le problème de l’emploi dans un monde  sans croissance marchande. Il faudra définir un nouveau type de croissance.
Le vieux problème fondamental de toute société- comment s’opposer sans se combattre- réglé historiquement par la stratégie du bouc émissaire, ou la construction de sociétés hiérarchisées, ou par la démocratie en période de croissance, exigera une théorie nouvelle. L’absence de croissance met en effet en péril une démocratie fondée sur la partage des fruits de la croissance marchande.
Alain Caillé propose de bâtir cette théorie (le « convivialisme ») à partir des éléments fondamentaux communs aux théories alternatives au libéralisme économique. Elle est basée sur un sentiment d’appartenance à l’Humanité, le respect de la dignité de chacun, le refus de l’hybris, le droit au développement individuel et nécessite une régulation morale (« presque religieuse ») par l’opinion publique (honte, indignation). En tous ces points, elle ressemble fortement à la Religion de l’Humanité d’Auguste Comte et des positivistes, en version modernisée.
Pour un manifeste du convivialisme , Alain Caillé, Le Bord de l’Eau

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