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lundi 9 novembre 2015

Fin de vie - ai-je bien compris ?


Mourir de soif !
La majorité conservatrice (ou du moins une partie d’entre elle) du Sénat a si bien dénaturé le projet de loi sur la fin de vie que même ses promoteurs, en particulier Jean Leonetti  ont appelé à voter contre la version sénatoriale. De toute façon, les députés auront le dernier mot, mais ce que l’épisode révèle est assez inquiétant en ce qui concerne nos législateurs ; je ne mets pas là en cause leurs intentions, leur souci de bien faire, leurs convictions réelles, leurs peurs, leur appartenance politique (et sur ce sujet, la liberté de vote était totale) ; mais, plus fondamentalement le rôle qu’ils se donnent, qu’ils croient être le leur.
 
Les Sénateurs sont revenus sur le caractère contraignant  des directives anticipées laissées par les patients arguant « qu’elles devaient être « prises en compte » par le médecin, mais « ne sauraient contrevenir à sa liberté de prescription ». C’est retirer en grande partie l’intérêt à ces directives anticipées. Au nom de quoi ont-ils le droit de décider cela, de nous priver de notre dernière liberté ?
Passons sur l’obscur amendement qui a fait enlever « continue jusqu’au décès » de la rédaction initiale mentionnant pour les patients atteints  d’une affection grave et incurable « le droit à une sédation  profonde et continue jusqu’au décès », parce que cela prouverait que « l’intention est bien de précipiter la mort ». On demeure confondu devant ce type de débat byzantin, pourtant  mené par des gens intelligents et sincères. L’homme doit naître et mourir dans la douleur ?
Troisième point : les Sénateurs ont instauré la possibilité, lors de la mise en place d’une sédation en phase terminale, de maintenir l’hydratation jusqu’à la mort . C’est précisément ce qui est en cause dans des affaires comme l’affaire Lambert, c’est-à-dire que le maintien de l’hydratation permet de maintenir une vie artificielle très longtemps. Ainsi maintiendrait-on indéfiniment des gens sous sédation terminale et sous hydratation. M. Leonetti lui-même a précisé que cet amendement ôtait toute signification à sa nouvelle loi.
 
Mais en fait, cela signifie aussi que ce projet de loi qu’on nous présente comme le progrès des progrès, l’ultime en matière de concession éthique, le top du top de l'humanité et de l’intelligence…  consiste simplement à autoriser les gens à choisir de mourir de soif.
 
Ceci bientôt paraîtra barbarie

Eh bien, cela me parait tout simplement horrible, barbare. Que sait-on d’ailleurs de cette fin de vie ? Que sait-on de l’absence de douleur ? Pour information, le numéro de la Recherche d’octobre 2015 mentionne que « dans quarante pour cent des cas, les patients diagnostiqués en état végétatif montrent des signes de conscience minimale », et qu’ils doivent être protégés contre la souffrance .

De toute façon, je ne veux pas (et, je crois beaucoup partagent ceci) mourir ainsi. Si mon état se dégrade au point de ne laisser qu’un avenir de dégradation physique et mentale, qu’il n’y a plus d’espoir de guérison,  ni même de maintien d’une vie digne d’être vécue (et ce qu’est une vie digne d’être vécue, c’est, en ce qui me concerne, à moi d’en juger), je ne veux pas mourir ainsi. Dans ces conditions, je veux pouvoir mourir, le jour où je le déciderai, ou, si je suis hors d’état de le faire, le jour où un proche  mandaté, ou un médecin obéissant en conscience à mes directives, le jugera adapté, je souhaite mourir d’une mort rapide, indolore, apaisée - il existe des moyens chimiques convenables pour cela. Et j’entends évidemment que ceux qui m’assisteront dans ce moment là n’aient à en subir aucune conséquence - qu’ils en soient même remerciés infiniment par avance.

Mais en fin au nom de quoi, Mesdames et Mrs les députés et sénateurs, au nom de quoi avez-vous le droit, voire vous estimez-vous le devoir d’intervenir dans cette décision ? Au nom de quoi avez-vous le droit de me condamner à mourir d’une mort qui me fait horreur, et me refusez-vous la mort que je souhaite, dans les conditions d’une maladie grave et incurable ? Je ne vous ai jamais mandaté pour cela, personne ne vous a mandaté pour cela ! Pour surveiller le budget, veiller au bon état de l’économie, à la justice sociale, gérer l’Etat, veiller qu’il assume bien ses fonctions régaliennes, dans l’esprit d’une certaine ligne politique pour laquelle j’ai voté, oui ! Mais pour décider de ma mort ? Non ! Pour qui vous-prenez-vous ?

Je suis positiviste, ce qui signifie, entre autres,  que je prends très au sérieux la séparation des pouvoirs temporels et spirituels. Que les différents pouvoirs spirituels condamnent ou approuvent mon choix en cas de maladie grave et incurable, c’est leur affaire ! Mais aucun pouvoir temporel n’a le droit de le faire, ce serait une tyrannie et une barbarie.

Ces arguments ne vous touchent pas ? D’accord, mais comment pouvez-vous accepter, comment pouvez-vous ne pas frémir d’horreur devant le cas de cet homme, ce quasi-nonagénaire malade, souffrant d’un cancer et d’un Parkinson, M. Jean Mercier, comment pouvez-vous supporter  qu’il ait été contraint de se présenter à plusieurs reprises devant des juges, qu’il se soit trouvé un avocat général pour requérir un an de prison ( avec sursis), des juges pour prononcer cette condamnation, parce qu’il a aidé, à sa demande, sa femme atteint d’une maladie grave et incurable à mourir selon ses volontés, dans la paix et sans douleur ? Et ceci au nom du peuple français. Oui, barbarie !

Mesdames et Mrs les députés et sénateurs, encore une fois, je ne mets pas en doute votre désir de bien faire – M Leonetti et quelques autres ont porté ce sujet avec beaucoup de courage et de dévouement. Mais je vais soulager votre conscience d’un poids énorme : vous n’avez tout simplement pas à décider de ma mort et de celles de nos concitoyens. La seule chose que vous ayez à faire, c’est de définir les formes selon lesquelles mes volontés en ce domaine pourront être connues et exécutées. 
 
 

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