Mourir de soif !
La majorité
conservatrice (ou du moins une partie d’entre elle) du Sénat a si bien dénaturé
le projet de loi sur la fin de vie que même ses promoteurs, en particulier Jean
Leonetti ont appelé à voter contre la
version sénatoriale. De toute façon, les députés auront le dernier mot, mais ce
que l’épisode révèle est assez inquiétant en ce qui concerne nos législateurs ;
je ne mets pas là en cause leurs intentions, leur souci de bien faire, leurs
convictions réelles, leurs peurs, leur appartenance politique (et sur ce sujet,
la liberté de vote était totale) ; mais, plus fondamentalement le rôle qu’ils
se donnent, qu’ils croient être le leur.
Les Sénateurs sont revenus sur le caractère contraignant des directives anticipées laissées par les patients arguant « qu’elles devaient être « prises en compte » par le médecin, mais « ne sauraient contrevenir à sa liberté de prescription ». C’est retirer en grande partie l’intérêt à ces directives anticipées. Au nom de quoi ont-ils le droit de décider cela, de nous priver de notre dernière liberté ?
Les Sénateurs sont revenus sur le caractère contraignant des directives anticipées laissées par les patients arguant « qu’elles devaient être « prises en compte » par le médecin, mais « ne sauraient contrevenir à sa liberté de prescription ». C’est retirer en grande partie l’intérêt à ces directives anticipées. Au nom de quoi ont-ils le droit de décider cela, de nous priver de notre dernière liberté ?
Passons sur
l’obscur amendement qui a fait enlever « continue jusqu’au décès » de la
rédaction initiale mentionnant pour les patients atteints d’une affection grave et incurable « le droit
à une sédation profonde et continue
jusqu’au décès », parce que cela prouverait que « l’intention est bien de
précipiter la mort ». On demeure confondu devant ce type de débat byzantin,
pourtant mené par des gens intelligents
et sincères. L’homme doit naître et mourir dans la douleur ?
Troisième
point : les Sénateurs ont instauré la possibilité, lors de la mise en place
d’une sédation en phase terminale, de maintenir l’hydratation jusqu’à la mort .
C’est précisément ce qui est en cause dans des affaires comme l’affaire
Lambert, c’est-à-dire que le maintien de l’hydratation permet de maintenir une
vie artificielle très longtemps. Ainsi maintiendrait-on indéfiniment des gens
sous sédation terminale et sous hydratation. M. Leonetti lui-même a précisé que
cet amendement ôtait toute signification à sa nouvelle loi.
Mais en
fait, cela signifie aussi que ce projet de loi qu’on nous présente comme le
progrès des progrès, l’ultime en matière de concession éthique, le top du top
de l'humanité et de l’intelligence…
consiste simplement à autoriser les gens à choisir de mourir de soif.
Ceci bientôt paraîtra barbarie
Eh bien,
cela me parait tout simplement horrible, barbare. Que sait-on d’ailleurs de
cette fin de vie ? Que sait-on de l’absence de douleur ? Pour information,
le numéro de la Recherche d’octobre 2015 mentionne que « dans quarante
pour cent des cas, les patients diagnostiqués en état végétatif montrent des
signes de conscience minimale », et qu’ils doivent être protégés contre la
souffrance .
De toute
façon, je ne veux pas (et, je crois beaucoup partagent ceci) mourir ainsi. Si mon
état se dégrade au point de ne laisser qu’un avenir de dégradation physique et
mentale, qu’il n’y a plus d’espoir de guérison, ni même de maintien d’une vie digne d’être
vécue (et ce qu’est une vie digne d’être vécue, c’est, en ce qui me concerne, à
moi d’en juger), je ne veux pas mourir ainsi. Dans ces conditions, je veux
pouvoir mourir, le jour où je le déciderai, ou, si je suis hors d’état de le
faire, le jour où un proche mandaté, ou
un médecin obéissant en conscience à mes directives, le jugera adapté, je
souhaite mourir d’une mort rapide, indolore, apaisée - il existe des moyens
chimiques convenables pour cela. Et j’entends évidemment que ceux qui m’assisteront
dans ce moment là n’aient à en subir aucune conséquence - qu’ils en soient même
remerciés infiniment par avance.
Mais en fin
au nom de quoi, Mesdames et Mrs les députés et sénateurs, au nom de quoi
avez-vous le droit, voire vous estimez-vous le devoir d’intervenir dans cette
décision ? Au nom de quoi avez-vous le droit de me condamner à mourir d’une
mort qui me fait horreur, et me refusez-vous la mort que je souhaite, dans les
conditions d’une maladie grave et incurable ? Je ne vous ai jamais mandaté
pour cela, personne ne vous a mandaté pour cela ! Pour surveiller le budget,
veiller au bon état de l’économie, à la justice sociale, gérer l’Etat, veiller
qu’il assume bien ses fonctions régaliennes, dans l’esprit d’une certaine ligne
politique pour laquelle j’ai voté, oui ! Mais pour décider de ma mort ?
Non ! Pour qui vous-prenez-vous ?
Je suis
positiviste, ce qui signifie, entre autres, que je prends très au sérieux la séparation
des pouvoirs temporels et spirituels. Que les différents pouvoirs spirituels
condamnent ou approuvent mon choix en cas de maladie grave et incurable, c’est
leur affaire ! Mais aucun pouvoir temporel n’a le droit de le faire, ce
serait une tyrannie et une barbarie.
Ces arguments
ne vous touchent pas ? D’accord, mais comment pouvez-vous accepter,
comment pouvez-vous ne pas frémir d’horreur devant le cas de cet homme, ce
quasi-nonagénaire malade, souffrant d’un cancer et d’un Parkinson, M. Jean
Mercier, comment pouvez-vous supporter qu’il
ait été contraint de se présenter à plusieurs reprises devant des juges, qu’il
se soit trouvé un avocat général pour requérir un an de prison ( avec sursis),
des juges pour prononcer cette condamnation, parce qu’il a aidé, à sa demande,
sa femme atteint d’une maladie grave et incurable à mourir selon ses volontés,
dans la paix et sans douleur ? Et ceci au nom du peuple français. Oui,
barbarie !
Mesdames et
Mrs les députés et sénateurs, encore une fois, je ne mets pas en doute votre
désir de bien faire – M Leonetti et quelques autres ont porté ce sujet avec
beaucoup de courage et de dévouement. Mais je vais soulager votre conscience d’un
poids énorme : vous n’avez tout simplement pas à décider de ma mort et de
celles de nos concitoyens. La seule chose que vous ayez à faire, c’est de
définir les formes selon lesquelles mes volontés en ce domaine pourront être connues
et exécutées.
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