Ce billet fait suite aux
deux précédents de début décembre et fin novembre (Privatiser les barrages hydroélectriques : une folie et L’énergie électrique : trop sérieux pour être
confié aux économistes ?) inspirés par la colère et l’inquiétude devant la mise en
demeure de la Commission Européenne de privatisation des barrages et l’ineptie
du gouvernement français, qui contrairement aux autres pays européens, n’a rien
fait pour y échapper), alors qu’au contraire, l’énergie hydraulique constitue
une énergie propre et renouvelable, dans laquelle de nombreux progrès sont possibles
et qu’un programme hydraulique ambitieux
d’investissement et de modernisation devrait être mis en place, qui suppose une
intervention et une mobilisation des pouvoirs et organismes publics.
Au moment donc, où la
France est mise en demeure par la Commission Européenne de privatiser ses
barrages hydroélectriques (à cause de l’impéritie de ses gouvernements
successifs, car les autres pays européens se sont débrouillés pour échapper à
cette injonction - cf mon précédent billet), alors que les Suisses investissent
intensivement dans la modernisation de leurs barrages, l’électricité
hydraulique a un avenir et des solutions novatrices sont en cours de
développement. L’émission de France
Inter- les reportages des radio francophones publiques du 6 décembre 2015 – en a
donné deux exemples français.
Des
turbines fluviales
Avec le barrage de la
Rance, la France a été l’avant-garde de l’utilisation des marées pour produire
de l’énergie électrique. Hydrotube
énergie à Bordeaux développe des hydroliennes destinées aux fleuves.
Pourquoi Bordeaux ? Parce que la Garonne constitue un endroit idéal pour
tester ces hydroliennes fluviales ; et parce que le savoir-faire des sous-traitants
de l’aéronautique est extrêmement utile au défi que s’est donné Hydrotube et
son PDG épris de voile et ancien de l’America Cup, Franck Jouanny . Leur
prototype H3 placé sur un flotteur de 10 mètres sur 4,5 mètres pèse 5 tonnes et
est équipé d’une turbine de 3,5 mètres de diamètre ; des triples jupes
latérales le protègent des éléments charriés par le fleuve. Placé au milieu de la Garonne, dans un fleuve
réputé capricieux et des courants variants entre 0.5 et 2.5 mètres par seconde,
H3 sera raccordé au réseau en 2016 et devrait fournir une puissance comprise
entre 5 et 20 kW, de quoi alimenter les besoins électriques de 12 personnes en
moyenne. Débuts modestes, mais qui devraient permettre de tester la fiabilité
et la solidité de l’hydrolienne.
Ensuite, ce sera l’Afrique :
La technologie de l’hydrolienne est particulièrement attrayante pour le
continent africain et ses fleuves gigantesques, en raison de la faiblesse des coûts (en effet, on estime à
3 ou 4 centimes le prix du kilowattheure généré si un H3 était installé sur le
fleuve Congo), d’une maintenance facile et d’une production continue facilement
accessible dans un continent où les coupures électriques fréquentes sont un
facteur limitant du développement économique. Un modèle installé sur un fleuve
comme le Congo pourrait atteindre une puissance de 50 kW et alimenter 3000
personnes pendant un an, pour un coût entre 80.000 et 100.000 euros pour le
moment mais qui devrait s’abaisser à 50.000 à 60.000 euros une fois que
l’appareil sera produit en série. Après, quand la rentabilité de l’hydrolien
sera semblable à celle de l’éolien et du photovoltaïque, peut-être un retour en France.
Openhydro
et la diversification de la DCNS
Autre projet, en mer
celui-ci, et d’une autre taille. Société d’origine irlandaise, Openhydro a
construit la première hydrolienne marine
ayant produite de l’électricité en 2006 en Angleterre, avec une turbine de 6
mètres de diamètres. Reprise par la DCNS ( Direction des Construction Navales,
le descendant des arsenaux navals historiques – depuis 1631 !) , Openhydro
a changé d’ambition et ses hydroliennes de taille. Produites à Cherbourg, les
turbines ont maintenant des rotors de 16
mètres de diamètres, équivalent d’un immeuble de quatre étages ; l’installation
finale est produite dans les arsenaux de Brest. Turbines Marines, les hydroliennes
d’Openhydro bénéficient du savoir-faire marin des arsenaux de la DCNS et du
savoir-faire en matière déoline d’EDF- énergies renouvelables, qui est associé
au projet. Openhydro propose une solution
originale, simple et économique. Emboitées sur des fondations en bêton, la
turbine est simplement coulée, posée sur
le fond, sans travaux, sans bétonnage des fonds. C’est une facilité d’installation inédite, qui,
de plus, convient mieux aux circonstances exceptionnelles de très forts courants,
et est facilement réversible. Une première hydrolienne doit être installée dans
l’un des plus forts courants maritimes au large des côtes européennes , dans le
raz Blanchard ( des courants de douze nœuds
lors des marées d’équinoxe !) Mais bien que le groupe maintenant français
privilégie une première installation en France, il n’est pas sûr que les
premières de ses hydroliennes soient raccordées au réseau français. En effet,
un second projet d’implantation des super hydroliennes d’ Openhydro avance
rapidement, au Canada, en baie de Fundy ( cette fois, les courant le plus forts
au monde , des records de marnage de 21 mètres). La raison : là où en France, le
groupe, malgré l‘appui de la DCNS et d’EDF, doit faire face à des interlocuteurs
multiples aux intérêts contradictoires, et à une complexité administrative
décourageante, au Canada, un dispositif de « guichet unique »
facilité considérablement son travail. Or, même si la technologie d’Open hydro
est particulièrement attractive, il existe de nombreux concurrents japonais,
anglais, canadiens, etc. , et une course est engagée, avec une prime importante
au premier qui réussira à faire la preuve de la faisabilité, de la fiabilité et
de la rentabilité d’une exploitation industrielle.
La
course au nouvel hydroélectrique : la France en sera-t-elle ?
L’hydroélectrique, que ce
soit sous la forme plus traditionnelle mais toujours en évolution des barrages
fluviaux, ou sous la forme plus nouvelle des hydroliennes a un bel avenir comme énergie
renouvelable. Par sa situation géographique, la longueur de ses côtes, par son
savoir-faire historique, la France et son industrie pourraient y jouer un rôle
important. Mais encore faudrait-il qu’il y ait une prise de conscience de ses
possibilités, et une volonté de développer ce secteur, notamment en accordant à
l’énergie hydraulique le même régime qu’au solaire et à l’éolien. Et aussi, un
champion national pour porter ce projet. Seulement, la priorité des fous
libéraux de la Commission Européenne et de ceux qui les écoutent béatement
était de casser EDF ; et voilà maintenant la menace de la privatisation
des barrages par mise en demeure de la Commission Européenne, qui sonnerait le
glas du développement de l’hydraulique en France. Comment traduit-on, en
volapuck libéral « se tirer une balle dans le pied « ? Concurrence
livre et parfaite dans le domaine des biens publics ?
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