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mardi 15 décembre 2015

L’hydroélectrique a un bel avenir


Ce billet fait suite aux deux précédents de début décembre et fin novembre (Privatiser les barrages hydroélectriques : une folie et  L’énergie électrique : trop sérieux pour être confié aux économistes ?) inspirés par la  colère et l’inquiétude devant la mise en demeure de la Commission Européenne de privatisation des barrages et l’ineptie du gouvernement français, qui contrairement aux autres pays européens, n’a rien fait pour y échapper), alors qu’au contraire, l’énergie hydraulique constitue une énergie propre et renouvelable, dans laquelle de nombreux progrès sont possibles et qu’un  programme hydraulique ambitieux d’investissement et de modernisation devrait être mis en place, qui suppose une intervention et une mobilisation des pouvoirs  et organismes publics.
Au moment donc, où la France est mise en demeure par la Commission Européenne de privatiser ses barrages hydroélectriques (à cause de l’impéritie de ses gouvernements successifs, car les autres pays européens se sont débrouillés pour échapper à cette injonction - cf mon précédent billet), alors que les Suisses investissent intensivement dans la modernisation de leurs barrages, l’électricité hydraulique a un avenir et des solutions novatrices sont en cours de développement.  L’émission de France Inter- les reportages des radio francophones publiques du 6 décembre 2015 – en a donné deux exemples français.
Des turbines fluviales
Avec le barrage de la Rance, la France a été l’avant-garde de l’utilisation des marées pour produire de l’énergie électrique. Hydrotube énergie à Bordeaux développe des hydroliennes destinées aux fleuves. Pourquoi Bordeaux ? Parce que la Garonne constitue un endroit idéal pour tester ces hydroliennes fluviales ; et parce que le savoir-faire des sous-traitants de l’aéronautique est extrêmement utile au défi que s’est donné Hydrotube et son PDG épris de voile et ancien de l’America Cup, Franck Jouanny . Leur prototype H3 placé sur un flotteur de 10 mètres sur 4,5 mètres pèse 5 tonnes et est équipé d’une turbine de 3,5 mètres de diamètre ; des triples jupes latérales le protègent des éléments charriés par le fleuve.  Placé au milieu de la Garonne, dans un fleuve réputé capricieux et des courants variants entre 0.5 et 2.5 mètres par seconde, H3 sera raccordé au réseau en 2016 et devrait fournir une puissance comprise entre 5 et 20 kW, de quoi alimenter les besoins électriques de 12 personnes en moyenne. Débuts modestes, mais qui devraient permettre de tester la fiabilité et la solidité de l’hydrolienne.
Ensuite, ce sera l’Afrique : La technologie de l’hydrolienne est particulièrement attrayante pour le continent africain et ses fleuves gigantesques, en raison de  la faiblesse des coûts (en effet, on estime à 3 ou 4 centimes le prix du kilowattheure généré si un H3 était installé sur le fleuve Congo), d’une maintenance facile et d’une production continue facilement accessible dans un continent où les coupures électriques fréquentes sont un facteur limitant du développement économique. Un modèle installé sur un fleuve comme le Congo pourrait atteindre une puissance de 50 kW et alimenter 3000 personnes pendant un an, pour un coût entre 80.000 et 100.000 euros pour le moment mais qui devrait s’abaisser à 50.000 à 60.000 euros une fois que l’appareil sera produit en série. Après, quand la rentabilité de l’hydrolien sera semblable à celle de l’éolien et du photovoltaïque,  peut-être un retour en France.
Openhydro et la diversification de la DCNS
Autre projet, en mer celui-ci, et d’une autre taille. Société d’origine irlandaise, Openhydro a construit la première hydrolienne  marine ayant produite de l’électricité en 2006 en Angleterre, avec une turbine de 6 mètres de diamètres. Reprise par la DCNS ( Direction des Construction Navales, le descendant des arsenaux navals historiques – depuis 1631 !) , Openhydro a changé d’ambition et ses hydroliennes de taille. Produites à Cherbourg, les turbines ont maintenant des rotors de  16 mètres de diamètres, équivalent d’un immeuble de quatre étages ; l’installation finale est produite dans les arsenaux de Brest. Turbines Marines, les hydroliennes d’Openhydro bénéficient du savoir-faire marin des arsenaux de la DCNS et du savoir-faire en matière déoline d’EDF- énergies renouvelables, qui est associé au projet.  Openhydro propose une solution originale, simple et économique. Emboitées sur des fondations en bêton, la turbine est simplement coulée,  posée sur le fond, sans travaux, sans bétonnage des fonds.  C’est une facilité d’installation inédite, qui, de plus, convient mieux aux circonstances exceptionnelles de très forts courants, et est facilement réversible. Une première hydrolienne doit être installée dans l’un des plus forts courants maritimes au large des côtes européennes , dans le raz Blanchard  ( des courants de douze nœuds lors des marées d’équinoxe !) Mais bien que le groupe maintenant français privilégie une première installation en France, il n’est pas sûr que les premières de ses hydroliennes soient raccordées au réseau français. En effet, un second projet d’implantation des super hydroliennes d’ Openhydro avance rapidement, au Canada, en baie de Fundy ( cette fois, les courant le plus forts au monde , des records de marnage de 21 mètres). La raison : là où en France, le groupe, malgré l‘appui de la DCNS et d’EDF, doit faire face à des interlocuteurs multiples aux intérêts contradictoires, et à une complexité administrative décourageante, au Canada, un dispositif de « guichet unique » facilité considérablement son travail. Or, même si la technologie d’Open hydro est particulièrement attractive, il existe de nombreux concurrents japonais, anglais, canadiens, etc. , et une course est engagée, avec une prime importante au premier qui réussira à faire la preuve de la faisabilité, de la fiabilité et de la rentabilité d’une exploitation industrielle.
La course au nouvel hydroélectrique : la France en sera-t-elle ?
L’hydroélectrique, que ce soit sous la forme plus traditionnelle mais toujours en évolution des barrages fluviaux, ou sous la forme plus nouvelle  des hydroliennes a un bel avenir comme énergie renouvelable. Par sa situation géographique, la longueur de ses côtes, par son savoir-faire historique, la France et son industrie pourraient y jouer un rôle important. Mais encore faudrait-il qu’il y ait une prise de conscience de ses possibilités, et une volonté de développer ce secteur, notamment en accordant à l’énergie hydraulique le même régime qu’au solaire et à l’éolien. Et aussi, un champion national pour porter ce projet. Seulement, la priorité des fous libéraux de la Commission Européenne et de ceux qui les écoutent béatement était de casser EDF ; et voilà maintenant la menace de la privatisation des barrages par mise en demeure de la Commission Européenne, qui sonnerait le glas du développement de l’hydraulique en France. Comment traduit-on, en volapuck libéral «  se tirer une balle dans le pied « ? Concurrence livre et parfaite dans le domaine des biens publics ?
 
 

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