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samedi 12 décembre 2015

Privatiser les barrages hydroélectriques : une folie


Les Suisses croient à l’hydroélectrique public : Nant de Drance
Au moment où la France est mise en demeure par la Commission Européenne de privatiser ses barrages hydroélectriques (à cause de l’impéritie de ses gouvernements successifs, car les autres pays européens se sont débrouillés pour échapper à cette injonction - cf mon précédent billet), les Suisses, eux, croient à l’hydraulique, et, par contre, ne croient pas au simple jeu du marché en matière énergétique. En témoignage le très intéressant reportage de la Radio Suisse diffusé par France Inter- les reportages des radio francophones publiques- 6 décembre 2015)
Ainsi la Suisse investit lourdement dans le barrage de Nant de Drance pour en faire la plus importante station du pompage turbinage, d’une capacité de 900 mégawatts, représentant l’équivalent d’une centrale nucléaire. Le pompage-turbinage consiste à faire fonctionner un barrage hydroélectrique dans les deux sens, l’eau étant pompée lorsque le réseau électrique est en surproduction, et relâchée (turbinée) lorsqu’il est nécessaire de produire de l’électricité. C’est donc un excellent moyen de stockage et de production d’une énergie électrique totalement propre. C’est aussi un chantier gigantesque de l‘ordre de deux milliards de francs suisses, avec une  conduite de 1000 mètres à forer entre le barrage d’altitude, situé à 2000 mètres, et le lac inférieur, et une salle des machines de superficie égale à deux stades de football, une fantastique caverne au plus profond de la roche.
Oui, mais expliquent les responsables du projet, l’installation ne sera pas rentable à court terme et n’a pu être envisagée que grâce à une concession exceptionnelle de 80 ans. En fait, il est heureux que les travaux aient été décidés et commencés il y a environ quatre ans, sinon ce barrage n’auraient jamais vu le jour. En cause le déséquilibre du marché causé par les subventions au solaire et à l’éolien, en particulier par les Allemands. Sans subventions, expliquent les Suisses, l’énergie renouvelable la moins polluante n’est pas rentable. Ainsi se trouve-t-on, en particulier en France, dans une situation où l’investissement dans l’amélioration de l’hydroélectrique est artificiellement pénalisé.
Au contraire de la Suisse, l’hydraulique français sacrifié !
Le programme suisse d’investissement dans l’hydroélectrique ne se borne pas au superbe chantier de Nant de Drance. Les barrages les plus simples, ceux dits au fil de l’eau, dont certains sont centenaires, seront réaménagés ; c’est un programme de vingt-trois millions d’euros qui est envisagé, alors que pour l’instant, rappelons-le, la plupart  des barrages sont déficitaires.  Mais il s’agit de préserver un capital pour le futur, d’éviter le démantèlement d’installations vieillies mais à bon potentiel, d’éviter des pertes de compétences, des diminutions de stockage. Alors, les Suisses ont un programme hydraulique ambitieux, d’investissements, de créations de nouvelles dérivations, et une stratégie à l’horizon 2050 que leur permettra de diminuer beaucoup le nucléaire (aujourd’hui 40% de la production électrique contre 55% pour l’hydraulique) tout en gardant leur indépendance énergétique. Et, pour cela, malgré leur allergie connue aux augmentations d’impôts, une taxe sera prélevée sur les autres énergies.
La France aussi a un potentiel hydroélectrique important. On pourrait rêver d’un EDF modernisant ses barrages à l’exemple de la Suisse, les rendant plus performants, investissant pour éviter pertes de compétences et de production de l’énergie la plus écologique qui soit. D’un EDF qui redeviendrait un champion national et  international de l’hydraulique, comme il l’a été au moment de la construction du barrage de la Rance, et encore récemment, du barrage laotien de Nam Theun 2.
Mais, non, il était urgent au nom de la sacrée concurrence de démanteler EDF-GDF. Et maintenant, il est urgent de privatiser les barrages hydroélectriques, au nom des dogmes de la Commission Européenne ; ce qui signifie à terme pertes de compétences, perte d’un capital légué par es générations, perte de production d’une énergie écologique et renouvelable. Car comment le privé investirait-il dans une énergie déficitaire, alors que même les Suisses conviennent que face à la distorsion du marché, un investissement public est nécessaire.
Grâce encore une fois à l’impéritie de nos gouvernements successifs (car il aurait été parfaitement possible de contourner, comme l’ont fait la plupart des autres pays, la directive européenne), c’est à l’inverse de la Suisse, vers un bradage et une dégradation de l’hydroélectrique que nous allons. Inquiets, révoltés, déboussolés, les hydrauliciens  d’EDF ont fait, coup sur coup, deux grèves très suivies, dans une indifférence  assez générale (plus de 60% de grévistes dans l’hydraulique, mais les media libéraux  ont en général ramené le taux de grévistes au total d’EDF, ce qui est assez déloyal et trompeur) ce qui a entraîné une sérieuse baisse de production et contraint EDF à racheter du courant à prix élevé.
L’énergie est trop sérieuse pour être abandonnée au marché, surtout si l’on veut respecter les objectifs de la COP21. EDF doit redevenir un champion de l’hydraulique en France et à l’étranger
 
 

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