La
loi Lemaire : les juges secoués par l’arrivée des algorithmes… et tant
mieux !
Les
Etats-Unis l’ont fait, la France s’apprête timidement à le faire : la mise
en ligne de millions de décisions accessible à tous, bref de toute la
jurisprudence, accessible à tous, permettra de connaître et de comparer les
jugements – et éventuellement de les
prédire. C’est le résultat de la Loi Lemaire sur le numérique d’octobre 2016
dont un article prévoit que « les décisions rendues par les
juridictions judiciaires sont mises à la
disposition du public à titre gratuit dans le respect de la vie privée des
personnes concernées. C’est un progrès démocratique dont il faudra…rendre
justice à ce gouvernement. (NB les données seront anonymisées).
Le Monde du 20 janvier 2017 rendant compte
de cette avancée titre : « Les juges secoués par l’arrivée des
algorithmes. La mise en ligne de millions de décisions permettra de comparer,
voire de prédire les jugements ». Et en effet, le moins qu’on puisse dire
est que les juges accueillent ce progrès avec beaucoup de réticences :
« La capacité illimitée des algorithmes d’internet D’analyser, classer et
profiler les millions de décisions judicaires rendues va mettre encore plus en
évidence la fragilité de notre justice si elle n’est pas en mesure d’expliquer
pourquoi la Chambre A et la Chambre B d’une même Cour ne disent pas toujours la
même chose sur un même sujet de droit ». ( Le Président de la Cour d’appel
de Rennes). « L’acte de juger
devient instable » (Présidente de la Cour d’appel de Paris.
Alors
que l’USM (Union Syndicale des Magistrats) tente d’obtenir l’anonymat des juges
et critique la loi au motif que ce serait un » magnifique instrument pour identifier les juges qui
ne rendent pas les décisions dans le sens souhaité par le gouvernement »,
d’autres magistrats, telles la
première présidente de la cour d’appel de Versailles, s’oppose à cette
anonymisation et défendent la loi. « Nous
sommes responsables de nos décisions […] qui sont rendues publiquement », insiste-t-elle. La haute magistrate
considère qu’il faudra accompagner cette diffusion des décisions de justice « car il y aura forcément des
comparaisons, des magistrats qui seront pointés ». Pour elle, il est important de
revenir « à la collégialité
dans un certain nombre de domaines sensibles ».
Une
avancée majeure, mais insuffisante
Cette loi est une avancée majeure dans le
contrôle de la justice par le peuple français au nom duquel elle est rendue.
Elle obligera à une cohérence accrue et favorisera une meilleure justice. Mais
sera-t-elle suffisante ?
Déjà, selon la Chancellerie, ce mouvement prendra
même « plusieurs années » !
Soit un exemple récent et sensible- les
auto-entrepreneurs de certaines plates-formes de service tels Uber ou certains
de ses concurrents sont-ils ou pas des salarié déguisés ? Le 20 décembre, les prud'hommes de
Paris ont condamné un concurrent d'Uber à verser à un ancien chauffeur près de
30.000 euros. Pour la première fois en France, un autoentrepreneur du numérique
- en l'occurrence un chauffeur de VTC - a obtenu gain de cause face à une
plateforme. Les prud'hommes de Paris ont requalifié ses contrats commerciaux en
contrat de travail et condamné ce concurrent d'Uber à verser à son ancien
chauffeur près de 30.000 euros en rappel de salaires, paiements d'heures sup, et
indemnisation pour travail dissimulé.
Sauf
que, comme le souligne le service juridique de la CFDT, «en matière de
requalification, tout est question de conditions de faits», donc d'examen au
cas par cas de la situation. «Preuve que la jurisprudence n'est pas établie,
dans une affaire avec la même société et le même contrat, la cour d'appel de
Paris a rejeté la requalification en contrat de travail» !
Je
maintiens que dans des exemples de ce type, afin d’assurer la même justice pour
tous, ce dont il est responsable, le pouvoir politique a le droit et même le
devoir d’intervenir et de donner des instructions aux juges, ne serait-ce que
de façon temporaire en attendant si besoin est le vote de nouvelles lois ou
décrets, de façon à harmoniser leurs décisions. Dans des cas d’un tel enjeu
pour la société, u la loterie judiciaire est
insupportable !
Donc
oui, une avancée majeure, mais suffira-t-elle à contrecarrer les méfaits du
corporatisme judiciaire ? L’opinion publique sera informée des
dysfonctionnements, ainsi que le gouvernement, et ceux-ci apparaitront de plus
en plus intolérables. Mais qu’est-ce qui changera si le pouvoir de sanctionner
des magistrats fautifs reste aux mains de leurs seuls collègues ? La
manifestation publique des monstruosités de l’affaire d’Outreau n‘a pas
entrainé de sanctions à sa mesure, ni même de garanties solides, à part la
collégialité, peu appliquée, contre sa reproduction.
Pour
que la justice retrouve la légitimité nécessaire qu’elle doit avoir, il faudra
peut-être 1) que Le Conseil Supérieur de la Magistrature ne soient pas composés
de magistrat mais de représentants désignés par l’Assemblée Nationale, le Sénat
et la Présidence de la République pour un mandat donné, de façon à ce que les
juges ne soient pas jugés par leurs pairs exclusivement 2) A défaut, ou
peut-être en sus, que comme aux USA ou en Suisse, les juges soient élus.
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