Dans
un blog récent, je souhaitais bonne chance au nouveau Président du Comité
Consultatif National d’ Ethique, le Pr. Delfraissy, à propos d’un jugement on
ne peut plus discutable remettant en
cause la politique de bénévolat du don de sang ombilical décidée par le CCNE.
Mais la fin de l’année 2016 a amené deux événements scientifiques importants, l’un
assez médiatisé, l’autre plus technique et passé plutôt inaperçu, qui le
concernent au plus haut point, car tous deux entrainent l’observateur impartial
vers une certitude. : nos sociétés futures seront eugénistes, reste à
savoir dans quelle mesure et pourquoi faire ?
Le premier bébé à
trois parents.
En
avril 2016 est né le premier bébé à trois parents- mais la naissance n‘a été
annoncée que le 27 septembre 2016 par l'American Society for Reproductive
Medicine. Une équipe médicale internationale menée par le Dr John Zhang, du
Centre New Hope Fertility à New York, a utilisé une technique inédite de transfert
des matériaux génétiques du noyau pour éviter que la mère ne transmette à son
enfant des gènes responsables du syndrome de Leigh ou Encéphalomyopathie
nécrosante subaiguë, provoquant une perte rapide des capacités cérébrales et la
mort après d’atroces souffrances en quelques année- plus rarement les enfants
malades atteignent un âge de sept huit ans. Une des formes les plus graves résulte
d’un défaut génétique des mitochondries, cette centrale énergétique de la cellule,
et ces mitochondries, en l’occurrence défectueuses, sont uniquement transmises
par les mères. L’ADN mitochondrial est différent de l’ADN du noyau des
cellules.
Le
Dr Zhang a proposé un protocole consistant à prendre un ovule d’une femme pouvant
transmettre la maladie de Leigh, en enlever le noyau et les gênes qu’il
contient et le transférer dans l’ovule d’une donneuse saine, privée de son noyau
mais gardant son ADN mitochondrial sain. L’ovule a été ensuite fécondé par le
père et porté par la mère. Ainsi l’enfant à naître at-il hérité du patrimoine
génétique de ses deux parents et de l’ADN mitochondrial sain de la donneuse d’ovule.
Cinq ovules ont été préparés de cette manière, un seul était sain et a été
transféré avec succès. L’opération étant illégale aux USA, elle a été menée au Mexique-
heureusement, il n’y avait pas encore de mur !
La
presse française et européenne en général a rapporté se succès avec beaucoup de
réserves ( Une technique qui pose de graves questions etc.) Alors, ceci :
le couple qui a eu recours à cette technique avait déjà eu deux enfants atteints
et décédés de la maladie de Leigh et la mère avait subi deux fausses couches !
Bienvenue
dans le monde au petit Abrahim Hassan, et espérons pour lui- les interférences entre ADN mitochondrial et cellulaire
ne sont pas bien connue. Mais , si cette technique fonctionne, le Dr Zhang et
les parents Hassan seront des héros de l’Humanité comme Pasteur et Joseph
Meister. Au nom de quoi la recherche et l’expérimentation sur cette technique
devraient-elles interdites ? En France et pas en Angleterre ? Cela ne
peut plus longtemps tenir.
Des centaines d’embryons
à partir de cellules de peau… chez la souris pour l’instant
L’autre
événement scientifique est le fruit du travail du professeur Katsuhiko Hayashi
de l'université de Kyushu et de son équipe. (Mouse eggs made from skin cells in a dish (Nature 538, 301 (20 October
2016) Une partie des ovules primitifs ont été créés au départ de cellules
souches embryonnaires, tandis que d'autres l'étaient à partir de cellules de
peau prélevées sur la queue des souris. Une "soupe" chimique a
ensuite été reconstituée, reproduisant l'environnement naturel d'un ovaire pour
inciter les cellules souches à se transformer en follicules, soit des petits
tubes contenus dans les ovaires, au sein desquels se produisent les ovules.
Conformément aux prévisions, des ovules sains ont été récoltés dans ces
follicules.
L'équipe
japonaise a ensuite fécondé ces ovules avec du sperme de souris, et ainsi
obtenu plusieurs centaines d'embryons aux tout premiers stades de leur
développement. 300 d'entre eux âgés de deux jours ont ensuite été implantés
dans des souris femelles "porteuses".
Au
total, l'expérience a abouti à 11 grossesses, toutes ayant abouti à la
naissance de souriceaux parfaitement viables, et qui ont abouti à des spécimens
en parfaite santé et fertiles. "C'est la première fois que l'on fait état
du développement en laboratoire d'ovules entièrement matures et fécondables, en
partant directement des premiers stades du développement de l'ovule. Même si
nous sommes encore loin de la création d'ovules humains, cette étude nous
fournit des modèles expérimentaux destinés à explorer le développement des
ovules chez d'autres espèces, parmi lesquelles l'espèce humaine... un jour
cette approche pourrait être utile aux femmes ayant perdu leur fertilité à un
âge précoce, ainsi que pour améliorer les traitements plus conventionnels de
l'infertilité", commente Richard Anderson, professeur de sciences de la
reproduction clinique à l'université d'Édimbourg.
Nous
savons déjà trier des embryons aux premiers stades pour éviter certaines malformations
ou maladies génétiques…ou choisir le sexe de l’enfant. Mais les tentatives ou
tentations eugénistes étaient sévèrement limités par le nombre d’embryon- trier quatre, cinq, six embryons limitent
sévèrement les possibilités. Or, avec l’expérience du Dr Hayashi, ce sont
plusieurs centaines d’embryons qu’il sera possible d’obtenir ; alors l’eugénisme
devient possible.
L’eugénisme
devient possible, il se fera
Donc
il se fera. Je ne vois aucun exemple de technique inventé par ‘homme qui n’ait
été appliquée – et surtout, et à bon droit, si elle permet de remédier à des
problèmes dramatiques Mais, en bon positiviste, je crois aussi que progrès,
intellectuel, technique et moral vont de pair et que, parce que nous possédons
les connaissances intellectuelles et les capacités techniques qui permettent l’eugénisme,
nous saurons aussi l’utiliser à bon escient. L’homme a su limiter l’emploi des
balles dum dum (interdites lors de la Première
conférence de La Haye en 1899), l’utilisation militaire des armes chimiques,
celui des armes nucléaires.
Mais
encore faudrait-il que nous prenions conscience de ce qui se passe au lieu de se
muer dans un déni inutile et dangereux, et d’en mesurer les avantages, les
enjeux les dangers. ¨Il faudra notamment mesurer le danger extrême que
représenterait pour l’espèce humaine la tentation d’une ingénierie qui la
rendrait extrêmement fragile en recherchant des modèles prétendument parfait La
connaissance scientifique nous aide ici, en rappelant que des mutations peu
favorables, comme la thalassémie, ont contribué à sauver les populations du
paludisme ; ou encore que la mutation du gêne d’une chimiokine (CCR5-Delta
32 Mutation), qui peut diminuer l’immunité, protège contre le virus du sida.
Donc
un vrai travail au plus haut point nécessaire d’exposition, de discussion, d’appréciation
de la part des scientifiques impliqués, des Comités d’Ethique, des parties prenantes.
Seront-ils à la hauteur ? Il faudrait qu’ils ne tardent pas trop à s’y
mettre !
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