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lundi 27 février 2017

Le futur sera eugéniste _ un défi pour le CCNE

Dans un blog récent, je souhaitais bonne chance au nouveau Président du Comité Consultatif National d’ Ethique, le Pr. Delfraissy, à propos d’un jugement on ne peut plus discutable  remettant en cause la politique de bénévolat du don de sang ombilical décidée par le CCNE. Mais la fin de l’année 2016 a amené deux événements scientifiques importants, l’un assez médiatisé, l’autre plus technique et passé plutôt inaperçu, qui le concernent au plus haut point, car tous deux entrainent l’observateur impartial vers une certitude. : nos sociétés futures seront eugénistes, reste à savoir dans quelle mesure et pourquoi faire ?

Le premier bébé à trois parents.

En avril 2016 est né le premier bébé à trois parents- mais la naissance n‘a été annoncée que le 27 septembre 2016 par l'American Society for Reproductive Medicine. Une équipe médicale internationale menée par le Dr John Zhang, du Centre New Hope Fertility à New York, a utilisé une technique inédite de transfert des matériaux génétiques du noyau pour éviter que la mère ne transmette à son enfant des gènes responsables du syndrome de Leigh ou Encéphalomyopathie nécrosante subaiguë, provoquant une perte rapide des capacités cérébrales et la mort après d’atroces souffrances en quelques année- plus rarement les enfants malades atteignent un âge de sept huit ans. Une des formes les plus graves résulte d’un défaut génétique des mitochondries, cette centrale énergétique de la cellule, et ces mitochondries, en l’occurrence défectueuses, sont uniquement transmises par les mères. L’ADN mitochondrial est différent de l’ADN du noyau des cellules.
Le Dr Zhang a proposé un protocole consistant à prendre un ovule d’une femme pouvant transmettre la maladie de Leigh, en enlever le noyau et les gênes qu’il contient et le transférer dans l’ovule d’une donneuse saine, privée de son noyau mais gardant son ADN mitochondrial sain. L’ovule a été ensuite fécondé par le père et porté par la mère. Ainsi l’enfant à naître at-il hérité du patrimoine génétique de ses deux parents et de l’ADN mitochondrial sain de la donneuse d’ovule. Cinq ovules ont été préparés de cette manière, un seul était sain et a été transféré avec succès. L’opération étant illégale aux USA, elle a été menée au Mexique- heureusement, il n’y avait pas encore de mur !
La presse française et européenne en général a rapporté se succès avec beaucoup de réserves ( Une technique qui pose de graves questions etc.) Alors, ceci : le couple qui a eu recours à cette technique avait déjà eu deux enfants atteints et décédés de la maladie de Leigh et la mère avait subi deux fausses couches !
Bienvenue dans le monde au petit Abrahim Hassan, et espérons pour lui-  les interférences entre ADN mitochondrial et cellulaire ne sont pas bien connue. Mais , si cette technique fonctionne, le Dr Zhang et les parents Hassan seront des héros de l’Humanité comme Pasteur et Joseph Meister. Au nom de quoi la recherche et l’expérimentation sur cette technique devraient-elles interdites ? En France et pas en Angleterre ? Cela ne peut plus longtemps tenir.

Des centaines d’embryons à partir de cellules de peau… chez la souris pour l’instant

L’autre événement scientifique est le fruit du travail du professeur Katsuhiko Hayashi de l'université de Kyushu et de son équipe. (Mouse eggs made from skin cells in a dish (Nature 538, 301 (20 October 2016) Une partie des ovules primitifs ont été créés au départ de cellules souches embryonnaires, tandis que d'autres l'étaient à partir de cellules de peau prélevées sur la queue des souris. Une "soupe" chimique a ensuite été reconstituée, reproduisant l'environnement naturel d'un ovaire pour inciter les cellules souches à se transformer en follicules, soit des petits tubes contenus dans les ovaires, au sein desquels se produisent les ovules. Conformément aux prévisions, des ovules sains ont été récoltés dans ces follicules.
L'équipe japonaise a ensuite fécondé ces ovules avec du sperme de souris, et ainsi obtenu plusieurs centaines d'embryons aux tout premiers stades de leur développement. 300 d'entre eux âgés de deux jours ont ensuite été implantés dans des souris femelles "porteuses".
Au total, l'expérience a abouti à 11 grossesses, toutes ayant abouti à la naissance de souriceaux parfaitement viables, et qui ont abouti à des spécimens en parfaite santé et fertiles. "C'est la première fois que l'on fait état du développement en laboratoire d'ovules entièrement matures et fécondables, en partant directement des premiers stades du développement de l'ovule. Même si nous sommes encore loin de la création d'ovules humains, cette étude nous fournit des modèles expérimentaux destinés à explorer le développement des ovules chez d'autres espèces, parmi lesquelles l'espèce humaine... un jour cette approche pourrait être utile aux femmes ayant perdu leur fertilité à un âge précoce, ainsi que pour améliorer les traitements plus conventionnels de l'infertilité", commente Richard Anderson, professeur de sciences de la reproduction clinique à l'université d'Édimbourg.
Nous savons déjà trier des embryons aux premiers stades pour éviter certaines malformations ou maladies génétiques…ou choisir le sexe de l’enfant. Mais les tentatives ou tentations eugénistes étaient sévèrement limités par le nombre d’embryon-  trier quatre, cinq, six embryons limitent sévèrement les possibilités. Or, avec l’expérience du Dr Hayashi, ce sont plusieurs centaines d’embryons qu’il sera possible d’obtenir ; alors l’eugénisme devient possible.

L’eugénisme devient possible, il se fera

Donc il se fera. Je ne vois aucun exemple de technique inventé par ‘homme qui n’ait été appliquée – et surtout, et à bon droit, si elle permet de remédier à des problèmes dramatiques Mais, en bon positiviste, je crois aussi que progrès, intellectuel, technique et moral vont de pair et que, parce que nous possédons les connaissances intellectuelles et les capacités techniques qui permettent l’eugénisme, nous saurons aussi l’utiliser à bon escient. L’homme a su limiter l’emploi des balles dum dum (interdites lors de la  Première conférence de La Haye en 1899), l’utilisation militaire des armes chimiques, celui des armes nucléaires.
Mais encore faudrait-il que nous prenions conscience de ce qui se passe au lieu de se muer dans un déni inutile et dangereux, et d’en mesurer les avantages, les enjeux les dangers. ¨Il faudra notamment mesurer le danger extrême que représenterait pour l’espèce humaine la tentation d’une ingénierie qui la rendrait extrêmement fragile en recherchant des modèles prétendument parfait La connaissance scientifique nous aide ici, en rappelant que des mutations peu favorables, comme la thalassémie, ont contribué à sauver les populations du paludisme ; ou encore que la mutation du gêne d’une chimiokine (CCR5-Delta 32 Mutation), qui peut diminuer l’immunité, protège contre le virus du sida.

Donc un vrai travail au plus haut point nécessaire d’exposition, de discussion, d’appréciation de la part des scientifiques impliqués, des Comités d’Ethique, des parties prenantes. Seront-ils à la hauteur ? Il faudrait qu’ils ne tardent pas trop à s’y mettre !


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