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jeudi 14 mars 2019

Assurance chômage : les cadres dans le collimateur macronien


Cynisme, mépris, manipulation pour un  échec provoqué

Décidément, il sera dit que la manipulation, le mépris, l’insulte et le plus bas cynisme seront la marque d’une présidence de moins en moins jupitérienne et de plus en plus ubuesque. L’échec des négociations paritaires syndicats de salariés- syndicat patronaux sur la réforme de l’assurance chômage était à peine acté que Macron triomphait : « On est dans un drôle de pays ! Chaque jour, dans le pays, on dit corps intermédiaires, démocratie territoriale, démocratie sociale, laissez-nous faire. Et quand on donne la maoin, on dit «  mon bon monsieur, c’est trop dur reprenez-là. »

Quel cynisme ! Car en fait, c’est Macron qui a sciemment provoqué l’échec de ces négociations par une lettre de cadrage imposant 3 à 4 milliards d’euros d’économie en trois ans, que syndicats de salariés et syndicats patronaux jugeaient impossibles. Alors, le désaccord sur la pénalisation des contrats courts, chiffon rouge bien agité par Macron a exactement rempli son office : celui de mener droit à un échec prévu d’avance qui permettra au gouvernement d’imposer les réformes drastiques qu’il  souhaitait mettre en place.

Revenons un instant sur le diagnostic de cynisme et de manipulation, tellement évident qu’il est partagé par tous les syndicats. CGT : « Menteur, manipulateur « (simple et efficace : la CFE-CGC : « C’est en très grande partie la faute du gouvernement qui nous avait dressé un cadre dans lequel il était quasi-impossible de trouver un compromis » ; la très gentille CFDT : « La démocratie sociale a très souvent prouvé son efficacité et sa responsabilité lorsqu’elle n’est pas soumise à des lettres de cadrage impossibles, menant sciemment une négociation dans l’impasse ».
Et le Medef lui-même, qui fustige « la lâcheté de l’Etat qui fixe toutes les règles, mais veut aire endosser les décisions par les autres » 
Et c’est très exactement ce dont il s’agit ; en provoquant sciemment cet échec, Macon veut imposer une réforme ultra libérale, un véritable démantèlement de l’assurance-chomage, dont très démagogiquement, les cadres seront les premières victimes.

Les cadres et classes moyennes en ligne de mire.

Parmi les mesures que veut imposer le gouvernement, trois constituent d’ores et déjà une régression sans précédent des droits des assurés sociaux : le plafonnement des indemnités, leur dégressivité, la diminution de la durée d’indemnisation. Elles ciblent particulièrement las cadres; oui et non, tout le monde y perdra, pas de gagnants, mais ce seront sans doute les cadres qui y perdront le plus ; mais surtout c’est, comme il l’a fait de manière constante pour les lois travail, en attisant la division entre salariés, en dénonçant les pseudo privilèges de certains, ceux qui ont un peu plus (parce qu’ils cotisent plus que les autres),  ici des  cadres, que le gouvernement espère faire passer sa réforme.

Première cible, première démagogie : le plafond d’indemnisation maximal, ou le mythe du cadre au chômage qui se dore au soleil sur une plage tropicale. Seulement 900 personnes touchent l’allocation maximale (7 454 € brut par mois soit 6560€ net), cela représente 0,03 % des bénéficiaires en 2017 ! S’ils touchent beaucoup, c’est qu’ils ont beaucoup cotisé. En fait, 95 % des allocataires perçoivent une allocation de moins de 2 275 € brut par mois. Le taux de remplacement (3) pour une personne au SMIC est en moyenne de 79 % contre 64 % pour un salarié qui gagnait environ 3 000 euros net par mois (2016).

Deuxième cible, deuxième démagogie : les allocations dégressives, ou le mythe du chômeur, cadre ou pas, qui tient à profiter de son généreux chômage au maximum avant de ne rechercher un emploi que le dernier mois, juste avant la fin de son indemnisation. C’est quand même un pari singulièrement risqué, surtout pour des postes à responsabilité qui ne se trouvent pas en traversant la rue ! Et surtout, les expériences étrangères ont amplement démontré qu’elles n’avaient qu’un effet minime sur la durée du chômage (vous savez, oh macronistes bas de plafond, le facteur ultra prédominant dans la durée du chômage, surtout chez les cadres, c’est le nombre d’emplois disponibles !). En période de chômage élevé, elles ont même un effet pervers spécifique aux cadres, celui d’encourager à prendre un emploi sous-diplômé et peu satisfaisant…au détriment d’un chômeur moins qualifié qui, du coup, aura encore plus de difficulté à trouver un emploi…

Troisième cible, troisième démagogie, les durées d’indemnisation rallongées (2 ans et demi (30 mois) à partir de 53 ans, 3 ans (36 mois) à partir de 55 ans, ou le mythe du chômeur volontaire se faisant financer de bonnes années de retraite par l’assurance chômage. Les cadres sont là encore particulièrement visés, commençant plus tardivement leurs carrières, ils doivent travailler plus longtemps et, de plus en plus souvent, ne touchent pas de retraites complètes. Argument du gouvernement : le chômage des cadres est si faible qu’un cadre qui ne trouve pas un poste en deux ans, c’est qu’il y met de la mauvaise volonté. Ben voyons, oh macronistes bas de plafond (bis, parce que vraiment vous m’énervez), c’est facile pour un cadre de 55, 60 ans (mettons tiens un chercheur spécialiste d’un domaine pointu licencié lors de la reprise de sa start-up qui a trop bien réussie par un groupe étranger- le truc qui n’arrive jamais). Sans parler d’un cadre de 63, 64 ans qui doit travailler jusqu’à 67 ans pour toucher une retraite complète !

Les cadres dans le viseur du gouvernement à propos de l’assurance chômage, c’est d’autant plus injuste qu’ils sont contributeurs nets, et pas de peu. Ainsi,  le taux de chômage des cadres était de 3,3 % en 2017 ; ils ne représentaient que 7 % des allocataires indemnisés en 2016. En 2015, les cotisations des cadres apportent 42 % des cotisations chômage (33,4 milliards en tout) soit 14,1 milliards et perçoivent 15 % des allocations c’est-à-dire 4,7 milliards. Ce qui veut dire qu’il y a environ 10 milliards des contributions des cadres qui financent la solidarité.

Ce qu’ils veulent : la fin de l’assurance chômage

Nous avons donc un système assurantiel, et en même temps, solidaire. De l’assurance, les cadres attendent ceci, clairement mis en avant par F. Hommeril, leader de la CFE-CGC : « Mon combat est simple, ma vision de la justice: Qu’un cadre, licencié à 50 ans, ne soit pas obligé de vendre sa maison pour continuer à payer les études de ses enfants. Et ce alors qu’il aura cotisé toute sa carrière pour s’assurer contre ce risque. » Et cette remarque d’un de ses membres : « j’ai cotisé des années à une assurance et aujourd’hui à 50 ans , licencié je comptais ( faute de ne pas retrouver de travail) comme bcp de cadres me « lancer «,  mais comment assumer le début d’une activité si l’on nous ampute des allocations (taxées à l’impôt sur le revenu d’ailleurs) ? »

François Hommeril, lors de son entrevue avec la ministre du travail, après l’échec programmé des négociations paritaires : « Dans un système assuranciel comme l’assurance chômage, il y a une logique de répartition entre les niveaux de cotisations et d'allocations. Rompre ce principe serait scandaleux et inefficace … Aujourd’hui, 42 % des ressources du régime sont assurées par des cotisations sur les salaires des cadres qui ne reçoivent que 15 % des allocations. C’est grâce aux cadres et à leurs 10 milliards d’euros de contributions nettes que l’on peut verser des allocations aux personnes éloignées de l’emploi et préserver un haut niveau de solidarité inter-catégorielle auquel nous sommes attachés. »

En effet, c’est comme cela que cela fonctionne, et plutôt pas trop mal. Si les cadres cotisent à une assurance, la moindre des choses, c’est le jour où l’on en a besoin d’avoir une couverture en rapport avec la dite cotisation. Mais à travers les cadres, la volonté du gouvernement est claire : supprimer l’assurance chômage pour la remplacer par un filet minimal de solidarité, comme en Angleterre. Ceux qui voudront réellement s’assurer devront le faire avec des assurances privées ; et pas de doute, c’est un marché qui intéresse beaucoup les assureurs. A ce nouveau régime, comme le montrent les chiffres, tout le monde y perdra, et les cadres, et les autres, et la société française sera encore plus fracturée !

Ceci encore : rappelons que la Cour des comptes évalue à 1,031 milliard d'euros l'indemnisation des salariés du spectacle et de l'audiovisuel. Autrement dit, le système d’assurance chômage sert à subventionner massivement la brillante politique culturelle. C’est peut-être à cela qu’il faut mettre fin, mais là, il y faudrait un vrai courage politique.

La CFE-CGC s’annonce fortement mobilisée : « La CFE-CGC assumera ses responsabilités et répondra présente en cas de concertation organisée par le gouvernement. Elle sera particulièrement vigilante et veillera à ce que la population qu’elle représente ne soit pas une variable d’ajustement pour trouver des ressources supplémentaires en baissant ses droits. Ce sont en effet les cadres et les membres de l’encadrement qui financent l’équilibre du régime d’assurance-chômage… A ce sujet, la CFE-CGC réitère par ailleurs que la piste un temps évoquée par le gouvernement d’une dégressivité des allocations chômage pour les cadres constitue une ligne rouge absolue, rappelant que ce sont bien les cotisations assises sur les salaires des cadres et de l’encadrement qui permettent de verser des allocations à ceux qui n'ont pas de travail. Et donc de préserver un haut niveau de solidarité intercatégorielle »

La suite (le mois de mai ?) sera-t-il chaud, chaud, chaud, et pas simplement à cause du réchauffement climatique ? Les macroniens seraient peut-être bien avisés de ne pas trop se mettre à dos un électorat qu’ils pensent captif et qui jusqu’à présent a voté massivement pour eux.

Car, c’est une loi : l’écrasement  des classes moyennes provoque des monstres politiques !
Cadres et gilets jaunes, même combat ?


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