La taxe carbone, le retour ?
Les Gilets Jaunes, après les violences de ces
black blocs que la police ne connait pas, sont un peu en baisse dans
l’opinion ? Et voilà que repart l’idée de la taxe carbone.
C’est à ça qu’on reconnait le pouvoir
macronien : il ne renonce jamais ; donc, amis gilets jaunes, restez mobilisés !
Donc : Après des membres de son ministère, c'est au tour du ministre de la
Transition écologique et du délégué général de LREM de défendre une renaissance
de cette taxe sur les carburants, pourtant à l'origine de la colère des «gilets
jaunes».
Deux mois
après l'abrogation de la taxe carbone par le Premier ministre, cet impôt à
l'origine de la mobilisation des «gilets jaunes» pourrait faire son grand
retour. «C'est sur la table, c'est le moment ou jamais d'en débattre», affirme
ainsi le ministre de la Transition écologique ce matin sur Europe 1. François
de Rugy a défendu un dispositif qui a «un vrai impact. En 2018 la consommation
de carburant a baissé, c'est une première. Cela signifie que c'est possible de
diminuer notre consommation en énergies fossiles», a estimé le ministre. À ses
yeux, «on peut reprendre cette trajectoire» à condition que l'argent de cet
impôt - deux milliards d'euros - «soit à 100% pour la transition écologique». La veille, Brune Poirson,
secrétaire d'État à la Transition écologique et solidaire déclarait que cet outil
est «efficace» et qu'il «a un vrai impact».
Ben voyons.
En réponse, et pour apporter un autre
éclairage, un très excellent (encore un !)article
de Tristan Kamin sur Atlantico intitulé :
Pourquoi les tentations de revenir à la taxe carbone révèlent
une fascination mortifère de la France pour le contre-exemple énergétique
allemand.
(https://www.atlantico.fr/decryptage/3565967/pourquoi-les-tentations-de-revenir-a-la-taxe-carbone-revelent-une-fascination-mortifere-de-la-france-pour-le-contre-exemple-energetique-allemand-tristan-kamin)
Atlantico : Dans le cadre de l'objectif de réduction des émissions de CO2, 86 députés ont fait paraître une tribune dans Le Figaro exigeant le retour d'une taxe carbone plus transparente. Pourtant, selon un article publié par Forbes, la politique énergétique française conduirait à une hausse des prix de l'électricité qui éloignerait les consommateurs d'une énergie décarbonée, et conduirait ainsi à de mauvais résultats en termes d'émissions de Co2. Cet argument est-il recevable ?
Tristan Kamin : On a tendance à mal faire la séparation entre « énergie » et « électricité ». Dans certains – nombreux – pays, où le couplage est très fort entre les énergies fossiles et l’électricité, l’amalgame entre les deux n’est guère dérangeant. En France, au contraire, le lien entre les deux est beaucoup plus ténu, la faute (ou grâce) au nucléaire. À titre d’exemple : une taxe carbone de 30 € par tonne de CO2 (le niveau actuellement appliqué aux carburants) appliquée à l’électricité et ses 20 millions de tonnes de CO2 en 2018 représenterait 600 millions d’euros à prélever sur une consommation de 475 milliards de kilowattheures : cela représente 0,13 centimes par kilowattheure, soit moins de 1% du prix actuellement facturé. Ainsi, cette taxe carbone qui a été massivement rejetée par la population lorsqu’appliquée aux carburants est quasiment insignifiante lorsqu’appliquée à l’électricité. Donc non, en France, en théorie, une taxe carbone ne conduit pas à une hausse notable des prix de l’électricité, parce que celle-ci est bas-carbone.
En quoi la taxe carbone pourrait-elle être contre-productive en ce sens ?
Atlantico : Dans le cadre de l'objectif de réduction des émissions de CO2, 86 députés ont fait paraître une tribune dans Le Figaro exigeant le retour d'une taxe carbone plus transparente. Pourtant, selon un article publié par Forbes, la politique énergétique française conduirait à une hausse des prix de l'électricité qui éloignerait les consommateurs d'une énergie décarbonée, et conduirait ainsi à de mauvais résultats en termes d'émissions de Co2. Cet argument est-il recevable ?
Tristan Kamin : On a tendance à mal faire la séparation entre « énergie » et « électricité ». Dans certains – nombreux – pays, où le couplage est très fort entre les énergies fossiles et l’électricité, l’amalgame entre les deux n’est guère dérangeant. En France, au contraire, le lien entre les deux est beaucoup plus ténu, la faute (ou grâce) au nucléaire. À titre d’exemple : une taxe carbone de 30 € par tonne de CO2 (le niveau actuellement appliqué aux carburants) appliquée à l’électricité et ses 20 millions de tonnes de CO2 en 2018 représenterait 600 millions d’euros à prélever sur une consommation de 475 milliards de kilowattheures : cela représente 0,13 centimes par kilowattheure, soit moins de 1% du prix actuellement facturé. Ainsi, cette taxe carbone qui a été massivement rejetée par la population lorsqu’appliquée aux carburants est quasiment insignifiante lorsqu’appliquée à l’électricité. Donc non, en France, en théorie, une taxe carbone ne conduit pas à une hausse notable des prix de l’électricité, parce que celle-ci est bas-carbone.
En quoi la taxe carbone pourrait-elle être contre-productive en ce sens ?
Dans mon raisonnement précédent, je considère
une taxe dont le montant est lié aux émissions de gaz à effet de serre. En
revanche, si l’on taxe l’électricité au
nom « du climat » ou « de la transition écologique », mais
avec des montants plus ou moins arbitraires et, surtout, sans lien avec les
émissions de gaz à effet de serre du secteur électrique, alors le terme de
« taxe carbone » est une usurpation. Alors, en effet, cela peut
dissuader le recours à l’électricité bas‑carbone et, au contraire, favoriser
l’usage d’énergies fossiles.
Quelle serait la trajectoire politique la plus
appropriée dans un objectif de réduction des émissions ? ?
Je pense qu’il faut raisonner secteur par secteur, et non pas chercher une solution globale qui agirait positivement sur tous. Par exemple, le secteur électrique n’a plus qu’une faible marge de progrès sur ses émissions de gaz à effet de serre, et devrait être passé à l’arrière-plan : il faut simplement s’assurer de continuer à aller dans le bon sens et à long terme, sans se focaliser plus que nécessaire dessus. Le secteur du résidentiel et tertiaire (essentiellement le chauffage des logements, bureaux, commerces, bâtiments publics…) a, lui, une forte marge de progression que je pense facile à faire bouger : remplacement rapide du chauffage au fioul, limitation, voire réduction, du chauffage au gaz naturel, rénovation thermique...
Je pense qu’il faut raisonner secteur par secteur, et non pas chercher une solution globale qui agirait positivement sur tous. Par exemple, le secteur électrique n’a plus qu’une faible marge de progrès sur ses émissions de gaz à effet de serre, et devrait être passé à l’arrière-plan : il faut simplement s’assurer de continuer à aller dans le bon sens et à long terme, sans se focaliser plus que nécessaire dessus. Le secteur du résidentiel et tertiaire (essentiellement le chauffage des logements, bureaux, commerces, bâtiments publics…) a, lui, une forte marge de progression que je pense facile à faire bouger : remplacement rapide du chauffage au fioul, limitation, voire réduction, du chauffage au gaz naturel, rénovation thermique...
Dans le secteur des transports, en revanche, si
la marge de progression est évidemment énorme, réduire les émissions ne
s’annonce pas simple. En particulier, il
semble nécessaire de développer des alternatives avant de parler de
taxer. Car auprès des usagers qui n’ont pas ou peu de marges de manœuvre, une
taxe carbone est ressentie non pas comme une mesure incitative mais comme une
sanction. On pourrait de la sorte prolonger la réflexion au secteur de
l’agriculture, de l’industrie, etc., chacun ayant ses spécificités.
Dans son article, Forbes évoque une pression de l'Allemagne sur la France pour aller en
ce sens. Quelle est la réalité de cette pression ?
Si je ne peux me prononcer sur sa réalité, les
motivations sont en tout cas assez transparentes, au-delà de l’aversion
idéologique des allemands pour le nucléaire.
Aujourd’hui, l’Allemagne a deux parcs
électriques. Son parc de moyens de production pilotable (environ 100 GW) sur
lequel elle repose pour s’assurer un approvisionnement en électricité à tout
moment, y compris en l’absence de vent et de soleil. Et son parc éolien et
solaire (environ 100 GW aussi), dont la production n’est pas pilotable, on la
dit « fatale ». Par
définition, son parc « pilotable » suffirait à alimenter le pays, et
d’un point de vue énergétique et économique, son parc « fatal » la
met en situation d’énorme surcapacité. Qui dit surcapacité dit prix de
marché bas, et notamment à chaque fois que le vent abonde.
Dans de telles conditions, les charbonniers et
gaziers peinent à être rentables, et le solaire et l’éolien le sont grâce à des
subventions qui pèsent lourd sur la facture des consommateurs. Or, le parc nucléaire français, composé de
réacteurs nucléaires qui produisent, peu importe la météo, une électricité peu
coûteuse (compte tenu du fait que le coût d’investissement du parc historique
est aujourd’hui amorti), contribue considérablement à tirer vers le bas les
prix du marché ouest-européen. On comprend donc l’intérêt de l’Allemagne à
inciter la France à réduire la voilure nucléaire.
En plus de cela, la politique allemande semble
déterminée faire du pays la plaque tournante du gaz en Europe de l’Ouest, avec
notamment au programme un terminal méthanier pour importer du gaz naturel
liquéfié depuis l’outre-Atlantique, et un gazoduc (Nord Stream 2) pour importer
de Russie. Or, en l’état actuel des
technologies, une réduction de la production nucléaire en France serait
vraisemblablement compensée, au moins partiellement, par une hausse de la
consommation de gaz. Ceci étant dit, le bénéfice potentiel pour l’économie
allemande apparaît flagrant.
En résumé, les Allemands insistent fortement
pour nous faire réduire la part du nucléaire, parce que cela leur permettrait
de pas vendre à prix faible, voire négatif leur énergie excédentaire ( eh oui ,
lorsque les éoliennes tournent à donf, il faut parfois payer l’Espagne ou
l’Angleterre pour qu’elles prennent l’électricité allemande, cf. blog
précédent ; par contre, il faut quand même garder un volume équivalent de
production pilotable- et en Allemagne, hautement carboné et polluan,t pour
quand elles tournent pas…) ; et pour nous faire remplacer notre nucléaire
décarboné par un gaz qu’ils se feront joie et grand profit de nous
revendre…tant pis pour le climat.
Quelques données sur le « gross » ratage de la
transition énergétique allemande. (energiewende)
L’energiewende est :
Mauvaise pour le climat : L'Allemagne est un des plus
gros émetteurs de gaz à effet de serre au monde : en 2017, ses émissions de CO2
liées à l'énergie, estimées à 764 Mt, en font le no 1 de l'Union Européenne,
loin devant la Grande-Bretagne qui est no 2 avec 398 Mt et la France, no 4
(après l'Italie) avec 320 Mt. Par habitant, c’est encore pire : 8,88 tonnes par habitant, plus du double
de la moyenne mondiale, contre 4,37 tonnes en France. Selon
les estimations d'octobre 2017 du ministère de l'Environnement, l'Allemagne ne
pourra pas atteindre ses objectifs de réduction d'émissions de CO2 de 40 %
entre 1990 et 2020.
Mauvaise pour l’économie : En 2017, selon l'Agence
internationale de l'énergie, le prix moyen de l'électricité pour les ménages
atteignait en Allemagne 343,59 $/MWh contre 188,53 $/MWh en France, 129,00
$/MWh aux États-Unis, 202,41 $/MWh au Royaume-Uni.
Mauvaise pour l’environnement et la santé : L'Allemagne
est le premier producteur mondial de lignite, utilisé pour produire 23,1 % de
son électricité. Un signe flagrant de la persistance de cette culture
charbonnière est que dans les statistiques allemandes l'unité « TEP » (tonne
équivalent pétrole) n'est que rarement utilisée : les Allemands lui préfèrent
la TEC (tonne équivalent charbon, en allemand : SKE, Steinkohleeinheit).
Conséquence de cette addiction au
charbon : un rapport publié en juin 2016 par WWF et trois autres ONG avec
le soutien de l'Union européenne évalue à 4 350 décès prématurés l’impact des
centrales à charbon allemandes, dont 2 500 décès dans les pays voisins –dont la
France. Sans compter la morbidité, notamment asthme et maladies respiratoires.
Mauvaise pour les paysages et la démocratie : Le
développement de l’éolien se faisant principalement dans le nord du pays et
plus particulièrement dans la mer du Nord et l’électricité étant consommée
principalement dans les Länder du sud, la transition doit s’accompagner d’un
fort développement des lignes de transport à haute tension. Mais ce
développement se heurte à l’opposition des riverains. Dans une étude remise fin
mai 2012 à la Chancelière, les quatre gestionnaires de réseaux de transport
estiment à 3 800 km la longueur des lignes haute tension à construire et à 4
000 km celle des lignes à moderniser, pour un montant de 20 Md € auxquelles il
faut ajouter 12 Md € pour le raccordement de l’éolien marin. Soit un total de
32 Md € à investir pour atteindre l’objectif 2022. Or depuis 2005, seuls 200 km
de lignes haute tension ont pu être construites. C'est pourquoi une loi est en
discussion pour faciliter les autorisations de construction des lignes haute
tension…
Et c’est ce ratage que veut nous faire payer
l’Allemagne, en faisant le forcing pour faire diminuer notre production
nucléaire électrique, décarbonée et économique…un immense avantage compétitif
qu’ils ne supportent pas .
Tiens : mise à jour de 7 avril 2019 : Le
Parlement européen s’est exprimé sur une proposition de classification des
actifs durables, et a choisi d’empêcher l’énergie nucléaire d’obtenir le sceau
d’approbation écologique des marchés financiers. Chers amis allemands et écolos, merci.....
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Commentaires
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.