Travailleurs détachés : la marée de
l’exploitation sans frontières
Travailleurs
détachés : on se souvient comment ça a commencé : 1995 : l’arrêt Bosman qui
conteste les quotas limitant à 3 le nombre de joueurs étrangers ressortissants
de l'Union européenne dans une équipe. Puis la dérive ultralibérale de la
Commission Européenne, de l’Eurokom : la directive Bolkenstein, en 2006
facilitant la mobilité des travailleurs
(une vieille obsession de la secte libérale- un « marché du travail » le plus
ouvert, le plus large et le plus dérégulé possible). le principe était, est, toujours le suivant :
« Pour ne pas entraver la libre prestation de services des entreprises, l’Union
ne garantit aux travailleurs détachés qu’une protection « minimale »,
inférieure à celle de la main-d’œuvre locale au motif que le travailleur
détaché n’a pas vocation à s’intégrer de façon permanente au marché du travail
du pays d’accueil. Ce beau et magnifique principe libéral était, dans sa
première formulation, une conséquence
assez extrême : le « Principe du pays d'origine », exception exorbitante à la
règle internationalement reconnue du droit privé, la lex loci laboris, selon laquelle le contrat de travail doit se
conformer à la loi du pays de travail.
Et ce fut la marée des misérables
venant se faire exploiter par un exploiteur un peu moins exploiteur que ceux de
leur pays d’origine.
En France, en l’an 2000, on comptait environ 7500 travailleurs détachés sur le sol
français, en 2015 la Direction générale du travail comptabilisait 286.025
travailleurs détachés déclarés pour l’année 2015 – il semble qu’il faille
rajouter 220.000 clandestins, soit 500.000 !). En 2014, en Europe, le nombre de travailleurs détachés était
de 1,9 millions, pour des détachements
d’une durée moyenne de quatre mois.
http://vivrelarecherche.blogspot.com/2018/11/raisons-de-detester-leurokom-15-le.html
Vous
vous souvenez peut-être des promesses de Macron de corriger les conséquences
les plus scandaleuses de la directive Bolkenstein, qui a déchainé les louanges
des thuriféraires (« Et si le
volontarisme en politique finissait par payer ?- Le Monde en plein délire pro
Macron») Ah oui, vraiment ? ». De tout ce remue-ménage, il sortit une mini-réforme
: l’accord garantit aux salariés détachés une égalité de rémunération, primes
comprises, dans le respect des conventions collectives, par rapport à leurs
collègues du pays d’accueil (seul le salaire minimum appliqué dans ce dernier
leur était jusqu’alors assuré !). Mais les cotisations sociales des
travailleurs détachés restent payées dans le pays d’origine- ce qui revient au
pillage des organismes sociaux (mais peut-être au fond en veut-on la
disparition ?)
Et
l’un des secteurs les plus touché, le secteur routier restait en dehors de tout
accord.
Eh
bien, même cette mini mini réforme s’avère complètement insuffisante. La marée
a continué de monter, se transformant en tsunami : selon
un rapport de la Cour des Comptes, +46 % en un an en 2017 : le nombre de
travailleurs détachés s'envole pour atteindre 516.000, hors transport routier.
Au
point que la Cour des Comptes, pourtant peu connue pour sa sensibilité sociale
s’en inquiète fortement dans son rapport de 1019 : extraits :
«
Dans son rapport annuel, la Cour des
comptes suggère plusieurs pistes afin d’endiguer le phénomène, synonyme de droits bafoués pour les
salariés, de concurrence déloyale pour les entreprises et de recettes perdues
pour la Sécurité sociale. En 2017, quelque 516 000 personnes ont été
employées en France dans le cadre d’un détachement – procédure qui permet à une
société européenne d’envoyer du personnel dans un autre Etat membre de l’Union,
pour une mission temporaire. Les patrons concernés sont tenus de respecter le «
noyau dur » du code du travail applicable dans le pays d’accueil – c’est-à-dire
un corpus de règles fondamentales sur le smic, la durée maximale de travail,
etc. En revanche, le travailleur détaché reste affilié au système de protection
sociale du pays d’origine, avec des taux de cotisation qui sont souvent
inférieurs à ceux pratiqués dans l’Hexagone. C’est d’ailleurs l’une des raisons
pour lesquelles le détachement est régulièrement critiqué, au motif qu’il encouragerait l’importation de main-d’œuvre à moindre
coût, au détriment d’entreprises tricolores qui ne peuvent pas lutter à armes
égales.
En
France, le recours à cette forme d’emploi, qui s’est beaucoup développée depuis
l’élargissement de l’Union aux pays d’Europe centrale et orientale, se révèle «
significatif » dans plusieurs secteurs : l’agriculture, en tout premier lieu,
mais aussi le BTP et, dans une moindre mesure, l’industrie,. Ce sont les
Portugais qui travaillent le plus fréquemment sous ce régime juridique, devant
les Polonais, les Allemands et les Roumains (pour l’exercice 2017).
Fait
très étonnant : les Français arrivent en
cinquième position ; les sociétés qui les emploient de cette façon sont
principalement implantées au Luxembourg, en Allemagne, en Belgique et… à Monaco
! En fait, pour diminuer leurs frais, de nombreuses sociétés d’intérim
s’installent à l’étranger, au Luxembourg notamment, d’où elles fournissent de
la main d’œuvre tricolore à des entreprises françaises, plombant au passage les
comptes de la sécurité sociale. (Ce qui est évidemment totalement illégal)
«
Ce n’est pas le statut en lui-même de travailleur détaché qui pose problème »,
considère la haute juridiction. Mais il se trouve que les règles encadrant le
dispositif sont souvent foulées au pied : « omission de formalités obligatoires » (par exemple la « déclaration
préalable »), « non-respect du “noyau dur” » du code du travail (avec des
horaires à rallonge et des rémunérations dues qui ne sont pas versées),
infractions plus complexes – des personnes sont détachées alors que leur
activité en France est durable et ne peut donc pas relever du détachement…
Précision importante : ces pratiques « font toutes intervenir un bénéficiaire
final installé » dans l’Hexagone. Autrement dit, des employeurs tricolores
s’associent à de telles combines et en tirent profit.
Donc,
de manière totalement illégale, le statut de travailleurs détachés sert à
détourner le droit social français, à priver les salariés de leurs droits et à
les exploiter sans limites – français ou étrangers ! et à priver le système
social français de ressources indispensables.
Une illégalité incontrôlable
Incontrolable, parce que la très
libérale Commission de Bruxelles, la secte libérale au pouvoir dans l’Eurokom
l’a voulu ainsi et
a tout fait pour qu’il en soit ainsi en
multipliant les obstacles
bureaucratiques insurmontables.
Histoire éclairante, révélée début mars dans la presse :
«
La déception monte parmi les inspecteurs du travail. Depuis le début de
l’année, plusieurs procédures engagées contre des entreprises soupçonnées de
fraude au détachement se sont soldées par des relaxes. Ces décisions judiciaires
sont mal vécues par les services de contrôle : ils voient leurs investigations
réduites à néant et ont, de surcroît, l’impression
que les règles de l’Union européenne (UE), récemment consacrées par la Cour de
cassation, les entravent dans leur lutte contre le travail illégal.
A
l’origine de ce coup de blues, il y a en particulier trois affaires. Deux ont
été tranchées, en janvier et en février, par le tribunal correctionnel de
Versailles, et la troisième par celui d’Agen, le 19 février. Elles mettent en
cause des sociétés étrangères qui ont détaché dans l’Hexagone des salariés
travaillant pour des donneurs d’ordre établis en France. De tels mouvements de
main-d’œuvre sont permis par le droit de l’UE s’il s’agit de prestations de
services temporaires. Le travailleur envoyé en France continue alors de
dépendre de la sécurité sociale du pays où son employeur est implanté. Les
autorités de l’Etat « exportateur » lui remettent le certificat A1, document
prouvant son affiliation au régime de protection sociale.
Dans
les affaires jugées à Versailles et à Agen, les services de contrôle
considéraient que le recours au détachement était injustifié et que les
personnes envoyées sur notre territoire auraient dû être déclarées à la
Sécurité sociale française (avec, à la clé, le paiement de cotisations à
l’Urssaf). Les entreprises impliquées ont, du coup, été jugées pour travail
dissimulé. Mais le tribunal a estimé que cette infraction ne pouvait pas être
retenue, au motif que des démarches obligatoires avaient été escamotées. Le
certificat A1 s’impose, en effet, à l’Etat d’accueil : si ce dernier veut le
contester, il doit se tourner vers les autorités du pays d’envoi pour demander
le retrait du document. Ces principes ont été énoncés par la Cour de justice de
l’Union européenne (CJUE), et la Cour de cassation française s’est « alignée »
sur elle en 2018. Or, à Agen comme à Versailles, il s’est avéré que le retrait
des certificats A1 n’avait pas été réclamé aux pays d’envoi (ou qu’il l’avait
été, mais trop tardivement). D’où la relaxe des sociétés incriminées.
Incontrolable, parce que la secte
libérale de Bruxelles et ses complices
zélés français Macron, donc) n’ont cessé d’affaiblir les organes de contrôle et
particulièrement l’inspection du travail.
L’inspection du travail peine à exercer ses
missions de contrôle. L’an dernier, ses
enquêteurs ont effectué un peu moins d’un millier de contrôles, contre 1330 en
2016. Et si les amendes en cas d’abus se multiplient, les montants restent
dérisoires, et certainement pas de nature à faire changer les comportements :
un peu moins de 6 millions d’euros ont été recouvrés l’an dernier.
C’est
le résultat très prévisible d’une réforme de l’inspection du travail : les
contrôleurs du travail ont perdu 20 % de leurs effectifs au cours des dix
dernières années ». A ceci, Mme Penicaud rétorque que le nombre d’inspecteurs a
augmenté dans les mêmes proportions. Oui mais, ils ne font pas le même travail
et sont organisés autrement : les 790 sections d’inspection du travail (composées
d’un inspecteur et deux contrôleurs) ont été remplacé par 230 unités de
contrôle composées de huit à douze agents. L’objectif avoué de la réforme est
d’avoir « une approche collective des situations » plutôt qu’un grand nombre de
petites équipes proches du terrain. Ces changements récents au sein de
l’inspection du travail ont généré des contestations parmi les salariés,
craignant une diminution de leur – et ils avaient raison- efficacité. Malgré le
gain de 700 agents de contrôle, le nombre d’interventions par agent est passé
de 161 en 2007 à 92 en 2015. Le nombre total de procédures engagées a largement
diminué depuis le début de la réforme.
La baisse d’efficacité de l’Inspection du travail a été sciemment
voulue, programmée, organisée.
Et
les ordonnances Macron ont encore aggravé le problème. D’abord, la fusion des instances représentatives du
personnel aboutit à une baisse du nombre de ces représentants dans l’entreprise
ainsi qu’une diminution des heures de délégation consacrées à cette tâche
d’intérêt général pour tous les salariés. C’est moins de problèmes qui
remonteront à l’Inspection du Travail.
Ensuite l’inversion de la
hiérarchie des normes, incroyable rétrogradation de plus d’un siècle dans les
droits sociaux.
Selon des représentants syndicaux des inspecteurs du travail, cette réforme « entrave grandement notre
action dans une entreprise. Auparavant, nous avions des textes de lois auxquels
nous référer (accords de branche et code du travail), comme une feuille de
route. Désormais, nous avons l’obligation d’étudier dans chaque entreprise,
avant tout contrôle et constatation d’infractions, les accords qui ont été
passés entre l’employeur et ses salariés, ce qui augmente encore un peu plus la
difficulté de notre travail. » D’une certaine manière, cette dernière réforme a
rendu presque caduque notre fonction car si chaque entreprise peut faire ses
propres règles, alors à quoi sert une brigade visant à faire respecter la loi
nationale ? C’est malheureux, mais on serait tenté de répondre qu’elle ne sert
plus.»
«
La remise en cause de ce socle protecteur couplée à la multiplication des
accords dérogatoires dans une configuration de réduction des effectifs et de
réorganisation centralisée des services (éloignés des salariés et de leurs
réalités), tant en ce qui concerne le service renseignement que les services de
contrôle, rend impossible pour nos services le maintien de la qualité du
service rendu adapté à chaque situation particulière ».
Non seulement la question du
détournement des lois du travail et des protections des salariés par les
travailleurs détachés n’a été aucunement réglé par la pseudo action de Macron,
mais encore, les ordonnances Macron ont sciemment et volontairement entravé
l’action de l’inspection du travail.
Il
faut sortir de cette Europe là et mettre fin à l’action de la secte
ultralibérale au pouvoir dans l’Eurokom, les Institutions Européennes et notre
pays.
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