Les ordonnances
Macron… mal en point….
Entrées en vigueur en début de
quinquennat, les ordonnances Macron réformant le Code du travail, encadrent le
montant des dommages et intérêts d'un salarié en cas de licenciement abusif et
prévoient leur plafonnement à vingt mois de salaire brut sauf en cas de
discrimination, harcèlement ou atteinte aux libertés fondamentales. Or ces
derniers mois, une quinzaine de conseils de prud'hommes (Troyes, Amiens ou
encore Lyon), sont passés outre ce barème, l'estimant contraire au droit
international et notamment à la convention 158 de l'Organisation internationale
du travail (OIT). Celle-ci dispose que les tribunaux compétents de chaque pays
doivent pouvoir «ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre
forme de réparation considérée comme appropriée» en cas de licenciement
injustifié.
Ainsi, à Troyes : dans un jugement daté du 13 décembre 2018,
le conseil de prud'hommes de la ville a pris la décision de passer outre le
montant limite fixé par les ordonnances pour les dommages et intérêts que
peuvent réclamer des salariés qui entameraient une procédure aux prud'hommes
pour licenciement abusif. Dans son jugement, le conseil de prud'hommes de
Troyes estime que ce plafonnement est contraire non seulement à la charte
sociale européenne, mais aussi à la convention de l'Organisation internationale
du travail (OIT). Le conseil des prud'hommes de Troyes conteste ces limites : «
Ce plafonnement ne permet pas aux juges
d'apprécier les situations individuelles des salariés injustement licenciés
dans leur globalité et de réparer de manière juste le préjudice qu'ils ont
subi ». Et de noter que, selon eux, "ces barèmes ne permettent pas d'être
dissuasifs pour les employeurs qui souhaiteraient licencier sans cause réelle
et sérieuse un salarié. Leur conclusion est sans appel : Ces barèmes sécurisent davantage les fautifs que les victimes et sont
donc inéquitables.
En réponse dans une tribune
publiée par Le Monde, le ministère du Travail affirmait que par ces jugements,
ce n’est pas la légalité de la grille qui est interrogée mais plutôt « la
formation juridique des conseillers prud’hommaux ». Ben voyons ; les petits
juges de proximité ne comprennent rien aux subtilité juridiques, il faut les
rééduquer. Pas décidé à se laisser ainsi taper sur ses doigts de mauvais élève,
le tribunal de prudhommes de Troyes a rétorqué : « Mettre en cause notre
autorité, notre compétence, et le principe de la séparation des pouvoirs, qui
constitue pourtant l’un des fondements de notre démocratie, est scandaleux et
porte atteinte à l’autorité de la justice et à son indépendance».
Suite à Amiens : Le conseil des prud'hommes d'Amiens a rendu une
décision le 19 décembre dernier concernant le licenciement, jugé abusif, de
l'ancien salarié d'un commerce. Une semaine après celui de Troyes, le conseil
des prud’hommes d’Amiens a jugé
contraire au droit international le plafonnement des indemnités versées par la
justice à un salarié qui a subi un « licenciement sans cause réelle et sérieuse
». Selon la décision rendue par les conseillers le 19 décembre dernier ces modalités sont « contraires à la
convention 158 de l'Organisation internationale du travail ».
Le texte, dont les prud’hommes
rappellent qu’il a été ratifié par la France en 1989, stipule que les
juridictions nationales doivent pouvoir « ordonner
le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation »
en cas de licenciement abusif. Or le conseil a estimé que « le salarié
[licencié] subit irrémédiablement un dommage [...] d'ordre psychique mais
également d'ordre financier », l'indemnité versée par Pôle Emploi ne maintenant
pas ses revenus au niveau antérieur.
Suite à Lyon : le 21
décembre à Lyon, les conseillers des prud'hommes ont invoqué le droit
international, notamment la convention 158 de l'Organisation internationale du
travail, ou la Charte sociale européenne pour ne pas tenir compte du plafonnement des indemnités. Le jugement de
Lyon ne cite jamais directement le barème Macron, tout en se basant sur
l'article 24 de la Charte sociale européenne qui indique "le droit des travailleurs licenciés sans
motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée".
L'affaire opposait une employée, qui a bénéficié de plusieurs CDD et demandait
la requalification en CDI, à une association de familles de personnes handicapées.
Cette employée a obtenu un mois de salaire au titre de ce jour de travail, un
mois de salaire pour préavis de licenciement non effectué, et un moins de
salaire pour préjudice moral. Elle a également obtenu trois mois de salaire au
titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ou sérieuse.
Si le barème de 2017 avait dû être suivi, elle n'aurait obtenu qu'un seul mois
de salaire.
Le gros bâton du ministère de la justice- Même pas peur !
Ces trois décisions sont-elles le
début d'une lame de fond suivie par d'autres jugements ? C’est en tous cas ce
que semble craindre le ministère de la justice qui a adressé il y a quelques
jours une circulaire à l'ensemble des procureurs généraux auprès des cours
d'appel afin de répondre à la multiplication des jugements prud'homaux qui
refusent d'appliquer le barème fixé par les ordonnances Macron en cas de
licenciement abusif. Dans la circulaire de deux pages, datée du 26 février, et
révélée tardivement ( ils ne s’en sont pas s vanté) la ministre de la Justice,
Nicole Belloubet, demande aux présidents de cours d'appel et de tribunaux de
grande instance d'informer la direction des affaires civiles du sceau des
nouvelles décisions qui écartent le barème d'indemnités prévu par les ordonnances.
C’est assez exceptionnel que le ministère de la Justice
rappelle ainsi la manière dont la loi doit être appliquée. Mais il existe un
précédent fâcheux… pour le gouvernement : En 2008, le ministère de la Justice avait
rédigé un document semblable, alors que plusieurs décisions de justice avaient
contesté la validité du contrat nouvelle embauche (CNE). Au final, la Cour de cassation avait finalement donné
raison aux juges qui estimaient le contrat contraire aux dispositions de la
même Convention 158 de l'OIT . Ils avaient considéré que le CNE demeurait
soumis aux règles «applicables à tout contrat de travail à durée indéterminée»
et que sa rupture devait par conséquent être motivée.
Les ordonnances
Macron vers l’euthanasie ?
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