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lundi 26 août 2019

Levothyrox, fake science et encore bien sûr Stéphane Foucart !


Une révolution statistique : plus il y a de patients, plus c’est louche !

Large article du Monde du 22/08/2019, avec mention en première page : « Levothyrox : pourquoi Merck a fait du zèle dans l’évaluation de la nouvelle formule ». Citation :
« Le choix de l’industriel allemand d’enrôler un grand nombre de patients dans un essai conduisait mécaniquement à masquer un défaut de bioéquivalence entre les deux versions du médicament.
Le laboratoire Merck savait-il pertinemment que sa nouvelle version du Levothyrox n’était pas substituable à l’ancienne ? C’est la question, troublante, posée par une brève étude publiée mercredi 21 août par la revue Clinical Pharmacokinetics.
Ses auteurs ont réanalysé l’essai conduit par le laboratoire à l’appui du changement de formule du médicament : ils suggèrent que le seul moyen de conclure à la bioéquivalence des deux versions a été pour Merck de conduire un test de très grande taille – sur 204 individus – au lieu d’un test classique, généralement mené sur une vingtaine à une trentaine de volontaires. Un tel test aurait pourtant été beaucoup moins coûteux. Mais il aurait très probablement échoué à montrer la bioéquivalence recherchée. Le choix d’un échantillon plus large a en réalité conduit à masquer la variabilité de la réponse des patients aux deux versions du médicament. »

Donc, le méchant laboratoire pharmaceutique a cherché à masquer le fait que la nouvelle formule du levothyrox ne serait pas bioéquivalente (n’assurerait pas la même concentration sanguine pendant le même temps) à la première dans les marges d’erreurs acceptées par la législation. Et pour être bien sûr d’y parvenir, il a enrôlé plus de patients que nécessaires, dans une étude qui lui aurait coûté plus cher que nécessaire…

C’est une idée dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle révolutionne la statistique ! Un petit échantillon serait préférable à une grand échantillon pour une étude de bioéquivalence ! Plus on « dilue », plus le résultat est puissant, et plus on masque les variations- là on touche au sublime. ! Evidemment non, plus on inclut de patients, plus la moyenne et l’écart-type, ( la variation) sont connues avec précision !

Je passerai avec charité sur les commentaires qui ont accueilli cette interprétation totalement barrée de M. Stéphane Foucart… Et puis non ! Car je commence à en avoir assez de voir la Fake Science envahir les journaux, et spécialement les colonnes du Monde, car, en ce domaine, M. Foucart est un fieffé récidiviste patenté. (A propos, à signer absolument le manifeste No Fake Science, issu de la tribune éponyme de l’Opinion  ( https://nofake.science/tribune/ ). Donc florilège : « 350 statisticiens en France sont morts en lisant cet article » (pourquoi seulement 350 ?) « Au Monde, pour choisir un journaliste scientifique, ils font passer un test de maths et ils prennent ceux qui échouent » ; «Le suffrage universel est un piège : Il masque la variabilité des réponses des électeurs. Alors qu’un échantillon d’une vingtaine de personnes suffit largement, et est beaucoup plus fiable ! » ( Je le savais, élections, pièges à cons, comme les articles de Stéphane Foucart !) 

Lévothyrox : pourquoi la nouvelle formule ?

Destiné à traiter les malades de la thyroïde, le Levothyrox, utilisé par plus de 2,5 millions de personnes, principalement des femmes, est un médicament dit « à marge thérapeutique étroite » : de très faibles variations de la quantité de principe actif (la lévothyroxine) peuvent avoir des répercussions importantes sur les patients. Or l’ancienne version avait un problème de stabilité au cours du temps : selon la durée de stockage du produit, il devenait plus ou moins facile à absorber et la dose effectivement absorbée variait (diminuait). Donc les agences du médicament ont demandé à Merck (qui, lui, ne demandait rien à personne) de résoudre ce problème, ce qui a été fait sans toucher au principe actif, mais en modifiant les excipients, le lactose de l’ancienne formule étant remplacé par le mannitol et l’acide citrique, deux excipients bien connus et bien évalués.
Donc après, étude de bioéquivalence : Les guidelines européennes exigent un minimum de 12 patients, mais précisent autant que statistiquement nécessaire. Merck a fait une étude sur 216 volontaires sains en Allemagne, qui a été considérée comme suffisante (Pour les partisans du complot destiné à masquer les problèmes, dans certaines contrées, au Mexique par exemple, Merck ne fait une étude que sur 44 volontaires sains).

Malgré les partisans de la révolution statistiques, ces résultats sont plus puissants que sur un échantillon plus petit- après, reste la manière dont on les analyse et ce qu’ils montrent : soit on regarde les résultats globaux, soit on regarde la variabilité sur chacun des patients, et on moyenne ensuite. Savoir quel est le plus adapté est vraiment là, pour le coup, affaire de spécialiste. Les données sont publiques, et quelles que soient les façons dont elles sont analysées, elles montrent une bonne bioéquivalence.

Maintenant deux cas se présentent : soit les variations individuelles sont faibles, et l’on peut substituer la nouvelle formule à l’ancienne sans trop se poser de question ; soit les variations individuelles sont plus fortes, mais la bioéquivalence globalement acceptable : pas grave, dans ce cas, il faut faire un test de TSH pour adapter la dose, et le patient disposera d’un nouveau traitement plus stable et plus fiable. Compte-tenu des défauts de stabilité et de constance de la version ancienne et de la marge thérapeutique étroite, c’était  sans doute de toute façon, par précaution, la démarche à suivre par défaut.

De toute façon, la question a été réglée a posteriori par une étude unique par son ampleur de l’ANSM (agence du médicament) et de la CNAM, commencée fin 2018 et dont les résultats sont paru en juin 2019 :

Levothryrox : ce que révèlent les résultats finaux de l'étude de pharmaco-épidémiologie »

Les résultats ne fournissent pas d’argument en faveur d’un risque augmenté de problèmes de santé graves au cours des mois suivant l’initiation de la nouvelle formule du Levothyrox. En effet, ils ne mettent pas en évidence d’augmentation de survenue d’hospitalisations, de décès, d’arrêts de travail d’au moins 7 jours, ni de consommation de médicaments utilisés pour traiter des symptômes somatiques tels que ceux déclarés en pharmacovigilance lors du passage à la nouvelle formule du Levothyrox. Les analyses complémentaires prenant en compte les interruptions de traitement par la nouvelle formule du Levothyrox confirment ces résultats.

En revanche, l'étude montre "une nette augmentation" (+2 %) des consultations médicales, principalement de généralistes et d'endocrinologues : 360 000 consultations supplémentaires pour l'ensemble de la population traitée en France (près de 3 millions) ont été enregistrées, notamment sur la période d'août à octobre 2017. (Remarque : comme expliqué précédemment, c’est très bien ainsi !)

 Par contre,  elle s'accompagne d'une hausse relative de l'utilisation de certains médicaments comme les benzodiazépines. (et là, merci la fake science et le semeurs de paniques ; pour mémoire, les benzodiazépines, c’est pas anodin du tout !)
Ah oui, cette étude incluait 2 075 106 personnes et âgées de 18 à 85 ans ! Mais bien sûr, j’oubliais : c’est pour « diluer » les résultats. Le grand complot continue !

Bonne nouvelle : il faut le dire quand il y en a : la structure Epi-Phare qui a mené cette étude est pérennisée sous forme d’un GIS (groupement d’intérêt scientifique) regroupant les équipes d’épidémiologie des produits de santé des deux établissements. Cest un regroupenet logique eu un nouveau moyen plus performant pour la sureté du médicament en France

Petite remarque en passant de https://twitter.com/MedicusFR/. L’origine de  l’article du Monde est une publication du CRPV de Toulouse (Centre Régional de Pharmacovigilance) de Toulouse, qui s’est déjà fait remarquer par une fausse alerte sur un médicament essentiel en cancérologie , le docétaxel, et qui s’est fait ainsi aligné par les experts européens : « Les pharmaco-épidémiologistes (européens) présents ne comprennent pas la méthodologie utilisée et soulignent l’indigence du travail ». Entre eux, Séralini et Belpomme, on a vraiment des flèches que le monde entier ne nous envie pas.

Pour le debunkage de cette affaire Levothyrox/Stephane Foucart, deux fils précieux: https://twitter.com/MedicusFR/

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