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jeudi 8 octobre 2020

La taxonomie Verte, l’Europe, le nucléaire

Le contexte : la taxonomie verte européenne

 La Commission européenne travaille sur une taxonomie verte, c’est-à-dire une  labellisation destinée à guider les investissements financiers vers les secteurs et les activités les plus appropriés pour atteindre les objectifs climatiques de l’Europe.

 Pour l’instant, le nucléaire, qui est quand même l’énergie pilotable la plus décarbonée et la plus économique est exclu  de la taxonomie verte !

La raison avancée est qu’à cause du problème des déchets, le nucléaire ne  remplirait pas l’un des critères de la taxonomie verte appelé DNSH (Do Not Significantly Harm). La raison officieuse est l’hostilité sans faille  d’un certain nombre de pays européens (Autriche, Allemagne, Luxembourg) et de certaines forces politiques du Parlement  (les Verts, le SPD allemand). Le premier rapport hostile au nucléaire laissait la porte ouverte à une expertise ad hoc dédiée au problème des déchets, les experts du Technical Expert Group avouant en fait leur incompétence en ce domaine.

Cette expertise ad hoc est en cours, sans qu’on en ait de nouvelles, et de toutes façons elle ne pourra intervenir qu’après la signature par la Commission des premiers actes délégués sur la taxonomie. C’est donc de toute façon un signal défavorable au nucléaire qui sera envoyé aux investisseurs, un signal, qui même s’il n’est pas techniquement justifié, envoie un message malheureusement clair d’incertitude politique et même d’hostilité déterminée. Une incertitude que détestent les investisseurs !

 Un rapport de l’OCDE vient d’ailleurs sur cette question rappeler qu’à la suite de plus de 50 ans d’études et de recherches, il existe maintenant un consensus international des experts sur la solution de l’enfouissement géologique profond qui est une solution mature :

https ://www.oecd-nea.org/rwm/pubs/2020/7532-dgr-geological-disposal-radioactive-waste.pdf

 Rappelons que l‘industrie nucléaire en France, c’est 2 500 entreprises et  220 000 salariés, la troisième filière industrielle française. Elle assure à la France une électricité bon marché, décarbonée, pilotable, présente par tous les temps, toute la journée, toute l’année. Elle nous permet   une certaine autonomie énergétique, notamment vis-à-vis des fournisseurs gaziers. C’est une énergie bonne pour le climat, bonne pour l’écologie ( minimum d’artificialisation des sols et d’utilisation des matériaux), bonne pour la compétitivité industrielle et économique de la Luxembourg

Et pourtant (ou plutôt à cause de tout cela) l’hostilité vigilante, incessante, tantôt sournoise, tantôt ouverte des institutions européennes au nucléaire français ne se dément pas ! Trois pays sont particulièrement en pointe : l’Luxembourg, l’Autriche et le Luxembourg.

 Il faut noter que le climat d’incertitude ainsi créé dissuade les investisseurs, et que cela concerne non seulement la production d’électricité nucléaire, mais aussi les industries utilisatrices d’électricité nucléaire ! Cette taxonomie verte et l’exclusion pour l’instant du nucléaire sont donc à prendre très très sérieusement !

 Sur la taxonomie verte et ses enjeux , qqs billets de ce blog :

https://vivrelarecherche.blogspot.com/2019/09/urgence-nucleaire-et-climatique-alerte.html

https://vivrelarecherche.blogspot.com/2020/04/taxonomie-verte-consultation-europeenne.html

https://vivrelarecherche.blogspot.com/2020/06/les-institutions-europeennes-et-le.html

https://vivrelarecherche.blogspot.com/2020/09/le-probleme-des-dechets-ultimes-du.html

 Entretien avec Bas Eickhout (Interview à Context) : le rapporteur du règlement sur la taxononomie verte est ouvertement hostile au nucléaire !

 Bas Eickhout, né le 8 octobre 1976 à Groesbeek, est un homme politique néerlandais, membre de la Gauche verte (GL). Il est député européen depuis le 14 juillet 2009 et il est actuellement vice-président de la commission Environnement au Parlement européen et rapporteur du règlement sur la taxonomie verte !

 Extraits de l’interview :

 « Jugez-vous le plan de relance de l’UE assez ambitieux pour le climat ?

 Encore faut-il s’assurer que l’ensemble de l’argent européen soit dépensé d’une manière respectueuse de la « taxonomie verte », dont le règlement guide l’investissement en définissant ce qui peut être étiqueté comme « durable ».

Le mécanisme comptable permettant de vérifier quelle part du budget 2021-2027 et du plan de relance ira au climat doit donc être renforcé en s’appuyant sur ces futurs critères de durabilité. Ou l’on risque de passer à côté de l’objectif des 30 % fléchés vers le Green Deal. C’est très inquiétant, mais c’est une réalité. Faute de critères précis, les 20 % du budget précédent censés aller au climat ont été mal calculés, notamment pour la Politique agricole commune.

Les premiers critères définissant les activités durables, présentés en décembre, doivent être vraiment ambitieux, car la taxonomie a désormais un rôle de guide pour la relance verte. »

 Commentaire : la taxonomie guidera tous les investissement financiers, en partivclier ceux liès au plan de relance dont le nucléaire sera exclu !

 « La question du nucléaire a été reportée d’un an. C’est désormais le Centre de recherche commun de la Commission (JRC) qui doit trancher. Le nucléaire ne figurera donc pas dans les listes de critères publiées en décembre et ne pourra pas intégrer la taxonomie verte durant cette première année. Nous savons tous que le lobbying, en particulier de la France, a été très intense.

En Allemagne, au Luxembourg, en Autriche et ailleurs, il n’est pas question de concevoir le nucléaire comme une énergie d’avenir. Ce n’est pas dans leurs cadres de pensée nationaux. L’inclure dans un système de label vert tuerait ce système, car ces pays refuseront de l’utiliser. J’ai peur qu’une décision en faveur de l’inclusion du nucléaire parmi les « investissements durables » ne décrédibilise totalement l’ensemble de la taxonomie.

Quant à la Commission, elle doit arrêter de brandir son mantra « neutralité technologique » sur la question du nucléaire

 Commentaire : le rapporteur du règlement sur la taxonomie verte est vraiment et ouvertement hostile à l’inclusion du nucléaire dans la taxonomie et remet en cause la neutralité technologique qui affirme qu''à décarbonation égale, la taxonomie ne doit favoriser aucune technologie.. Est-ce normal ?

 Déclarations de Frans Timmermans, Vice-président de la Commission Européenne le 28 septembre 2020 devant la Commission Envi

 (Frans Timmermans est membre du Parti socialiste néerlandais) : https://multimedia.europarl.europa.eu/en/committee-on-environment-public-health-and-food-safety_20200928-1345-COMMITTEE-ENVI_vd

 Extraits (traduits de l’anglais)

« Comme vous le savez, la Commission est neutre sur le plan technologique, nous n’avons rien contre ..., rien idéologiquement contre l’énergie nucléaire et parfois j’ai l’impression que ceux qui soutiennent l’énergie nucléaire sont plus idéologiques que ceux qui s’y opposent, il suffit de regarder les chiffres, je ne m’oppose pas à l’énergie nucléaire, je demande juste de prendre en considération deux choses, oui, c’est bien parce qu’elle n’a pas d’émissions mais A) elle a besoin de matières premières. , les matières premières qui sont des combustibles fossiles et oui, il a un problème avec ce qui en ressort et doit être stocké, mais surtout juste faire les chiffres, faire les chiffres, et vous demander s’il s’agit d’un investissement intelligent compte tenu de l’énorme coût de l’énergie nucléaire par rapport à l’énergie renouvelable ; à ce stade, il peut y avoir d’autres raisons, géopolitiques et autres raisons d’investir dans l’énergie nucléaire, la Commission n’est pas imposée dans ce parce que nous sommes technologiquement neutres, mais j’espère et nous gardons un niveau d’esprit de cela, nous gardons rationnelle de cela ... »

Commentaire : ignorance profonde ou mauvaise foi abyssale ? En tous cas inadmissible à son poste !

1) Effectivement, le nucléaire est l’énergie la plus économique en CO2

2) le nucléaire, grâce à se densité d’énergie, est l’énergie la plus économique en matière d’artificialisation des sols et d’utilisation des matériaux



3) Un EPR c’est à la louche 12 milliards ; 120 milliards ont été engagé dans les ENR en France pour produire que dal, et surtout pas quand on en a besoin. Et sur ces 12 milliards, les deux tiers représentent la rémunération du capital avec un taux d’amortissement de 9%. Avec un taux d’amortissement de 3% (par exemple un emprunt d’état), le prix est divisé par 3 !

Suite de la déclaration : 

« Encore une fois, je répète ce que j’ai dit tout à l’heure au sujet de l’énergie nucléaire, mais très brièvement parce que je ne veux pas aborder les mêmes arguments, la Commission est neutre sur le plan technologique, mais être conscient du coût, être conscient des effets secondaires, lorsque vous faites ce choix et le comparer à d’autres formes non émission et énergie durable et, juste, vous savez , faire le calcul et regarder ce qui est économiquement la chose la plus intelligente à faire et essayer de ne pas être idéologique sur ce point, je pense que ce n’est pas au service de nos citoyens bien parce que cette idéologie, idéologie aveugle, pas l’idéologie en soi, mais l’idéologie aveugle conduit généralement à de mauvais choix, de toute façon. »

Commentaire : ben justement, tous les calculs sont en faveur du nucléaire. Et l’idéologie aveugle, imbécile, ignorante, rétrograde, c’est pas celle des ingénieurs du nucléaire, c’est celle des politiciens de ton espèce !

Suite de la déclaration

« En ce qui concerne l’énergie nucléaire, oui, je sais que c’est à la mode aux Pays-Bas au cours des deux dernières semaines et je répète que la Commission est neutre sur le plan technologique, les États membres font leurs propres choix en cela, je souligne simplement le fait qu’il s’agit d’une technologie qui a quelques inconvénients, qu’il est, vous savez , à notre avis, une technologie coûteuse également par rapport à d’autres sources d’énergie

L’ Autriche et le financement du nucléaire : L’ultime recours de l’Autriche contre Hinkley Point C  échoue

 https://www.sfen.org/rgn/ultime-recours-autriche-hpc-echoue

En 2014, l’Autriche, soutenue par le Luxembourg, s’était opposée à l’approbation par l’Union européenne du soutien financier de l’Etat britannique au projet nucléaire d’Hinkley Point C, où deux réacteurs EPR (1670 MWe) sont actuellement en construction. Vienne contestait les aides accordées à NNB Generation, une filiale d’EDF Energy. Ces aides se composent de trois volets :


1) Le contrat pour différence (Contract for Difference, CfD) : un accord qui doit permettre d’obtenir un prix fixe et indexé sur l’inflation. Si les prix de marché de l’électricité dépassent celui du CfD, les consommateurs n’auront pas à payer plus. Si les prix de marché se situent en-dessous du prix du CfD, l’exploitant recevra un paiement complémentaire de la part de l’Etat. Par ailleurs, les consommateurs n’auront rien à payer tant que la centrale ne sera pas en service

2) La garantie d’une compensation dans le cas d’une fermeture anticipée du site pour des raisons politiques,
3) Des garanties de l’État sur les paiements de la dette et des intérêts liés aux obligations émises par NNB Generation.

 

En 2018, la plainte de l’Autriche est rejetée une première fois et Vienne fait appel de la décision. Le 22 septembre dernier, cet appel a été définitivement  rejeté par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). La  Cour souligne que les trois mesures ci-dessus sont bien en accord avec l’article 107(3)(c) du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne selon lequel les aides d’État doivent remplir deux conditions : (1) être destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques ; (2) ne pas altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. De plus, dans sa décision, la Cour réaffirme que les Etats membres sont libres « de choisir l’utilisation de leurs ressources ainsi que leur mix énergétique ».

« La décision confirme que les Etats membres peuvent soutenir le financement du nucléaire tant que les conditions respectent les règles de financement de l’UE. De plus, cette décision envoie un message important : bien que certains Etats membres ne souhaitent pas développer le nucléaire, ils ne peuvent empêcher les autres de développer leur propre mix énergétique bas carbone », a déclaré Yves Desbazeille, directeur général de FORATOM

Extraits du jugement :

 « En ce qui concerne le réexamen de la proportionnalité de l’aide prévue pour Hinkley Point C, la Cour de justice a d’abord souligné que le Tribunal avait examiné la proportionnalité des mesures en cause à la lumière des besoins en électricité du Royaume-Uni tout en confirmant à juste titre que le Royaume-Uni était libre de déterminer la composition de son propre mix énergétique. Lorsqu’elle a examiné la condition que l’aide prévue ne devait pas nuire aux conditions commerciales dans une mesure contraire à l’intérêt commun, la Commission n’a pas, en outre, à  tenir compte de l’effet négatif que les mesures en cause peuvent avoir sur la mise en œuvre du principe de protection de l’environnement, du principe de précaution, du principe du pollueur-payeur et du principe de durabilité invoqués par l’Autriche. »

Commentaire : bon, ca, c’est clair et bien

 « Contrairement à ce que le Tribunal a conclu, le traité Euratom n’exclut pas non plus l’application dans ce secteur des règles du droit de l’UE en matière d’environnement, et donc les aides d’État pour une activité économique relevant du secteur de l’énergie nucléaire dont il est démontré après examen qu’elles contreviennent aux règles environnementales ne peuvent être déclarées compatibles avec le marché intérieur. L’erreur de droit commise par le Tribunal n’a toutefois eu aucun effet sur la solidité de l’arrêt en appel, puisque le principe de protection de l’environnement, le principe de précaution, le principe du pollueur-payeur et le principe de durabilité, invoqués par l’Autriche à l’appui de son action en annulation, ne peuvent être considérés comme empêchant, en toutes circonstances,  l’octroi d’aides d’État pour la construction ou l’exploitation d’une centrale nucléaire »

Commentaire : bon, ça c’est  moins clair et moins bien !

Commentaire final : ce à quoi joue l’Autriche, c’est à la technique d’étranglement du nucléaire. Les textes européens sont clairs, le choix du mix énergétique dépend des Etats, et l’Autriche ne pouvait que perdre. Mais, en poursuivant sa démarche jusqu’au bout, elle envoie un fait un message d’incertitude juridique pour dissuader les investissements dans le nucléaire

Conclusion générale : La non prise en compte du nucléaire dans la taxonomie verte pour l’instant (en attendant un rapport d‘expert sur la gestion des déchets, alors que  plusieurs expertises internationales soulignent qu’il existe un consensus international sur la solution de l’enfouissement géologique profond qui est une solution mature) est une aberration climatique, écologique et économique. Elle impacte fortement la production d’électricité nucléaire, mais aussi ses utilisateurs qui auront du mal à accéder à des financements dits verts à taux privilégiés. C’est aussi une machine de guerre contre la France, son économie et son industrie nucléaire qui constitue un atout compétitif majeur, assurant une électricité abondante, économique, décarbonée, indépendante des fournisseurs d’énergie fossile, gaz principalement.

Elle résulte de l’action déterminée de certains pays (essentiellement Allemagne, Luxembourg, Autriche) et de certaines forces politiques, agissant selon un agenda idéologique hostile à la rationalité scientifique et technique et au progrès et avec une hostilité constante au nucléaire- les mêmes qui sont à l’oeuvre pour interdire par exemple toute forme d’OGM.

A l’intérieur même de l’Europe (et plus encore à l’extérieur), de nombreux pays souhaitent au contraire un développement du  nucléaire, seul à même de permettre  une transition énergétique sans provoquer l’effondrement de l’économie et de  nos sociétés. Ce sont  notamment la Pologne, la Tchèquie, la Slovaquie, la Roumanie, la Bulgarie, la Suède. La Grande Bretagne a un programme nucléaire extrêmement ambitieux équivalent à la construction de 10 EPR.

 Il est temps maintenant d’arrêter ce qu’il faut bien appeler une agression caractérisée de la part de certaines institutions européennes. Pour cela, la France, en accord avec certains pays doit s’opposer à la publications des actes délégués de la taxonomie dite verte tant que le nucléaire n’y est pas inclus !

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