1) Le constat : un mix
électrique fortement décarboné grâce au nucléaire et qui devra le rester
Le
questionnement actuel sur la place des éoliennes dans le mix électrique
français a conduit les Académies des sciences, des beaux-arts et des sciences
morales et politiques de l’Institut de France à croiser leurs appréciations
dans l’objectif d’établir un état des lieux et de formuler des recommandations.
La France produit une
électricité décarbonée à 92%, assurée majoritairement par le nucléaire (71%),
l’hydroélectricité (11%) et, dans une moindre mesure, par l’éolien (6%) et le
photovoltaïque (2%).
Cette production nationale est insuffisante dès que les températures hivernales
sont basses et, sans vent, la France ne peut alors assurer ses besoins qu’en
important de l’électricité provenant de sources fossiles.
La production
d’électricité éolienne et photovoltaïque se caractérise par une intermittence
qui, dans l’état actuel des capacités de stockage de l’électricité, empêche de
s’affranchir des combustibles fossiles. Ces derniers, quand ils sont importés,
pèsent sur la balance commerciale du pays et alourdissent sa dépendance
énergétique.
Si
l’électricité produite en France était exclusivement d’origine éolienne, sa
production serait en dents de scie avec de fréquentes coupures incompatibles
avec une indispensable sécurité globale d’approvisionnement
L’implantation
d’éoliennes terrestres et littorales se heurte à des résistances de plus en plus
grandes du fait des nuisances qu’elles occasionnent : bruits, dénaturation et
défiguration des paysages, perte de valeur patrimoniale des biens immobiliers
ou d’attrait touristique des régions concernées.
Les
éoliennes doivent être installées dans des territoires où le vent est en
moyenne suffisamment fort pour être efficace et suffisamment constant pour être
utilisable. Cela conduit à les construire en nombre et à les concentrer dans
certaines régions, indépendamment des besoins énergétiques locaux, accentuant ainsi un sentiment d’injustice
territoriale. Ces zones choisies sont le plus souvent également importantes
pour la protection de la biodiversité car, moins peuplées, elles abritent des
espèces rares et parfois sensibles dans des milieux moins perturbés par les
actions humaines.
Pour faire face au
changement climatique, l’état actuel des connaissances et des technologies
impose la mise en place d’un mix électrique bas-carbone nécessairement
complexe, combinant énergies renouvelables et nucléaire. Cette dernière devra
continuer d’occuper une part importante du mix énergétique car elle reste la
principale source d’électricité décarbonée non intermittente.
Concernant
les énergies renouvelables, en plus du potentiel dont dispose toujours le
photovoltaïque, les éoliennes offshore, plus susceptibles d’être acceptées par
les populations que leurs équivalentes terrestres, offrent des perspectives
intéressantes : dotées d’une puissance et d'une disponibilité nettement plus
élevées que celles de l’éolien terrestre, elles permettent d’envisager une
participation de l’éolien à la hauteur de 25% du mix électrique de 2050.
2) Recommandations et
remarques diverses
2_1) Garder un mix
énergétique de 50 à 70 % de nucléaire :
Prévoir le
déploiement de l’éolien dans un mix énergétique complexe offrant toujours un
niveau élevé de source non intermittente bas carbone afin de faire face aux enjeux
climatiques en assurant la sécurité d’approvisionnement du pays : cette double
garantie est offerte par les centrales nucléaires aujourd’hui.
L’optimisation
de leur contribution au mix énergétique reste cependant conditionnée par des
innovations et des investissements importants dans le domaine du stockage de
l’énergie et du recyclage de leurs matériaux ainsi que par la démonstration
qu’elles ne perturbent pas profondément la biodiversité des milieux où elles
sont déployées
Le maintien d’une
proportion élevée d'électricité à partir du nucléaire reste nécessaire, une
proportion de 50 à 70 % signifiant la construction d’une à deux centrales par
an. Il s’agit d’un défi industriel qui implique notamment une reconstitution
rapide des expertises susceptibles d’avoir été perdues depuis la construction
des centrales actuellement en activité. Une stratégie industrielle compatible
avec cette nécessité devra donc être mise en place.
Investir
dans le développement du stockage de l’énergie avec des stratégies cohérentes
dans le contexte français. Ceci reste une des conditions nécessaires au
déploiement des énergies renouvelables intermittentes et notamment de l’éolien
offshore…
2-2) Des ordres de
grandeur à garder en tête
Le
scénario qui fait appel à la plus petite quantité de renouvelables (il porte le
numéro NO3), satisferait à la consommation électrique prévue par RTE, avec 43
GW d’éolien terrestre et 22 GW d’éolien en mer. Pour apprécier ce que cela
signifie, il suffit de retourner aux puissances indiquées ci-dessus : ces
puissances demandent environ 15 000
éoliennes terrestres et 44 grands parcs d’éoliennes off-shore du type de celui
qui est prévu pour la baie de Saint-Brieuc (bloqué pour l’instant). Notons
que les puissances citées ici sont des “puissances-crête’’ dont la production
effective est à pondérer par les facteurs de charge !
Et
il ne faut pas oublier les besoins de stockage qui vont avec : « Dans
un scénario comme le N03 à 50% nucléaire, les auteurs de l’article cité
ci-dessus indiquent qu’il faudrait pouvoir stocker 70 TWh/an (et plus du double
dans un scénario 100% ENR) par un accroissement simultané des stations de
pompage hydraulique, des centres de stockage électrochimiques (batteries) de
grande dimension, et des électrolyseurs capables de produire de l’hydrogène
puis de le comprimer. »
Le problème du
rendement de ces installations devient alors crucial. C’est ainsi que le
stockage sous forme ‘d’hydrogène vert’ produit par électrolyse de l’eau, le
procédé ‘Power-to-H2-toPower’, n’a qu’un rendement de 23% : on consomme 4 kWh électriques
pour ne produire in fine qu’1 kWh développées ci-dessous, ces chiffres mettent en évidence des stratégies qui semblent irréalisables,
si on adoptait une politique 100% ENR, en particulier à cause de l’absence de
moyens de stockage adaptés à l’intermittence.
2-3) le mur du
démantèlement des pales : peu compatible avec la faible empreinte
environnementale !
La
durée de vie d’une éolienne est courte, de l’ordre de 20 ans, et impose un
démantèlement ou une remise en état régulière des installations. un défi majeur
actuellement dans le recyclage des pales. En effet, sans innovation importante dans ce domaine, le démantèlement des parcs
français déjà installés (dès les années 2025-30) et de ceux à venir promet des
gisements considérables de déchets peu compatibles avec la faible empreinte
environnementale annoncée pour les énergies renouvelables. Le déploiement des
parcs éoliens est conditionné par un indispensable soutien à l’innovation des
filières industrielles à l’origine de nouveaux matériaux composites pouvant
intégrer des circuits de recyclage et de revalorisation à forte valeur
économique.
Le démantèlement des
parcs éoliens (dès 2025 pour les parcs existants et les années suivantes) nécessite
le développement de nouvelles solutions sans lesquelles des gisements
considérables de déchets seront créés, rendant cette technologie peu compatible
avec la faible empreinte environnementale que l’on souhaite attribuer aux
énergies renouvelables.
2-4) Un coût de déconstruction largement
sous-estimé
La
question de la somme provisionnée pour le démantèlement d'une éolienne : selon
l'étude faite par un cabinet d'architecture (agence Dominique Perrault), ce
démantèlement pourrait aller sur terrain plat jusqu'à 400 000€. Et si le
terrain est accidenté le coût peut s'avérer nettement plus important. Quant à
la somme provisionnée pour le démantèlement elle ne semble pas s'élever à plus de 100 000€, donc elle reste
bien insuffisante.
NB :
A cela ajoutons des montages financiers complexes, des parcs vendus et
revendus, des sociétés mises en faillite au moment opportun qui rendent parfois
très aléatoire le financement du démantèlement définitif.
2-5) Pour
l ’acceptabilité des éoliennes, les éloigner !
Les nouveaux projets
d'implantation de centrales électriques éoliennes doivent nécessairement faire
l'objet d'une meilleure concertation avec les populations locales, et notamment avec les riverains,
au sujet de leurs conséquences paysagères et de leurs nuisances potentielles. Seul un plus grand éloignement des
éoliennes terrestres et littorales par rapport aux habitations pourrait adoucir
le contexte de dégradation du paysage qui met les populations humaines en
souffrance.
Certaines
nuisances pourraient également être amoindries : avec une distance minimale de
1500 m aux habitations (comme c'est le cas dans certains Länders allemands), au
lieu des 500 m prévus par la réglementation en France, la nuisance sonore
serait divisée par neuf. Il s’agira cependant de ne pas réaliser les
implantations dans les zones où la biodiversité est encore préservée et
pourrait être affectée.
A
ce sujet, l’Académie nationale de médecine avait notamment recommandé le
respect d’une distance minimale de 1500 mètres par rapport aux habitations,
(avis de l’Académie nationale de médecine en date du 9 mai 2017 https://www.academie-medecine.fr/wpcontent/uploads/2017/05/Rapport-sur-les-%C3%A9oliennes-M-Tran-ba-huy-version-3-mai-2017.pdf)
2-6) Des études
paysagères et sur la biodiversité qui ne sont que des simulacres
L’implantation
des éoliennes conduit, par ailleurs, à une diminution de la valeur patrimoniale
des biens immobiliers situés à proximité et à la dénaturation profonde des
paysages. Or ceux-ci, constituent justement l’un des principaux attraits
touristiques de la France, qui est, faut-il le rappeler, la première
destination touristique mondiale avec les forts revenus économiques qui en
résultent.
Pour obtenir le permis de construire, les
entreprises responsables de l'implantation des éoliennes terrestres et
littorales sur une commune sont pourtant tenues de présenter une étude paysagère. Cette dernière n'est
qu'un simulacre d'intégration plastique. Par conséquent, il n'est pas étonnant
que se développe, chez les populations concernées, le sentiment de vivre dans
un territoire sacrifié par une politique autoritaire dont le ressort leur
apparaît avant tout idéologique. L'apparition de nombreuses associations de
défense du paysage et l'intensité des débats en leur sein témoignent de cette
résistance grandissante à l'implantation des éoliennes
Qui
plus est, en parfaite contradiction avec la loi de protection de la Nature de
197619 et celle de la reconquête de la biodiversité, de la nature et des
paysages de 2016, les études d’impact
des éoliennes sur la biodiversité ont, dans le passé, démarré le plus souvent
une fois l’implantation des projets décidée, négligeant la phase «
évitement » de la séquence « éviter-réduire-compenser » telle que décrite dans
la loi. Cette approche apparaît comme la norme des nouveaux projets d’éoliennes
marines21, mais d’ambitieux programmes de recherche doivent être entrepris pour
répondre aux nombreux questionnements encore sans réponse sur leur impact
environnemental.
NB :
c’est vrai aussi pour les études d’impact sur la vie des riverains. Ainsi,
notent les Académie, le projet de la baie de Saint-Brieuc prévoit 62 éoliennes
de 8 MW, soit une puissance moyenne de 178 MW (62x8x0,36). En revanche ce
projet fait pour l’instant l’objet d’une opposition forte des pêcheurs de la
baie. Le fait que l’enquête d’impact ait suivi la décision d’implantation, au
lieu de la précéder, n’a pas été très heureuse… En effet !
2-7) Méconnaissance
des effets environnementaux des grands parc éoliens, en particulier off shore
Il
est nécessaire d’élaborer des programmes de grande ampleur, faisant appel aux
nouvelles méthodes de suivi des déplacements des animaux aériens comme marins
afin de mieux comprendre l’impact possible des parcs éoliens, en fonction de
leur localisation, de leur envergure et des conditions environnementales. Une attention particulière devra être
apportée aux modifications des courants marins et des mouvements d’air générées
par l’implantation de parcs éoliens de grande envergure.
Enfin, « La
modification de la force des vents en aval des éoliennes peut avoir des effets
insoupçonnés sur les équilibres atmosphériques (en induisant des sécheresse
locales) ou des modifications des courants marins sur plusieurs dizaines de
kilomètres.
Ces
effets sont de plus en plus identifiés et connus, cf Perrow MR. 2017. Wildlife
and Wind Farms, Conflicts and solutions. 3: Offshore: Potential Effects.
Pelagic Publishing, Exeter, UK. et Perrow MR. 2019. Wildlife and Wind Farms,
Conflicts and solutions. 1: Onshore: Potential Effects. Pelagic Publishing, Exeter, UK.
En
effet, cf. Déjà bien traité dans https://vivrelarecherche.blogspot.com/2021/06/ils-nous-volerent-les-paysages-et-ils.html.
Selon Norcowe, , les méga parcs éoliens auraient la même influence sur
l’environnement et la trajectoire des vents que de petites montagnes. »
2-8) Un sacrifice des
paysages et de nos vies qui doit être justifié
Par
leur présence répétée et disproportionnée se détachant sur le ciel, leur
répartition régulière et uniforme, les éoliennes créent un impact considérable
sur le paysage. Le plan esthétique est communément admis comme étant subjectif
et donc indéfiniment discutable. C’est la raison qui l’amène à être souvent
écarté des débats. Cependant l'impact
visuel des éoliennes est si fort qu'il dépasse le seuil du subjectif et nous
oblige à remettre en cause la validité de leur implantation.
L'implantation
des éoliennes suppose un sacrifice considérable et généralisé à toute la
population. Au vu des conséquences la décision de leur implantation est d’une
responsabilité énorme et ne peut être prise qu’avec la certitude absolue de son
bien-fondé. Face au sacrifice consenti
ce serait une faute impardonnable de la part de nos décideurs que de nous
obliger dans quelques années à assister partout en France aux spectacles
désolant de champs d’éoliennes abandonnés parce qu’inutiles ou non rentables.
Tel risque d'être le paysage que nous laisserons aux générations futures.
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