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dimanche 28 octobre 2012

Affaire Séralini : rebâtir sur les ruines

Sanctionner le Pr Seralini ?

Après examen des données, les agences de sécurité sanitaires européennes, allemandes, néerlandaises, l’agence de sécurité sanitaire française et le Haut comité des biotechnologies ont conclu à la nullité de l’étude du Pr Séralini sur la toxicité du maïs OGM résistant au round-up et de l’herbicide associé : «  interprétations spéculatives des résultats », « absence d’analyse statistique des données concernant les informations », « conclusions insuffisamment soutenues par les observations », « présentation des résultats utilisés pour échafauder des hypothèses physiopathologiques non fondées ». Auparavant, les six académies scientifiques françaises (médecine, science, pharmacie, vétérinaire, agriculture et technologie) avaient aussi condamnées « un travail qui ne permet aucune conclusion fiable ». Menée sur une durée trop longue sur des souches de rats développant spontanément des tumeurs, cette coûteuse étude était mal conçue dès le départ et les spectaculaires tumeurs exhibées en première page de plusieurs journaux ne constituent que la preuve d’une volonté de manipulation de l’opinion.
Cette affaire s’est déroulée dans un climat extrêmement malsain et détestable, intolérable : manipulation des media par un embargo ne permettant une évaluation sérieuse de l’étude, disqualification a priori des experts qui, selon les méthodes reconnues, avaient conclu à l’absence de toxicité, et du maïs OGM, et de l’herbicide, intimidation vis-à-vis des journalistes exprimant des doutes[1] (il faut ici saluer notamment le travail et le courage notamment des journalistes du Monde et de Marianne).
Ce n’est pas la première fois que Séralini est fortement critiqué ; en 2008, son étude déjà très médiatisée sur la toxicité cellulaire du glyphosate reposait sur l’emploi de lignées cellulaires non pertinentes placées dans des états de stress (pH notamment) aberrantes.
Aucune éthique ne peut se fonder sur une mauvaise science, et plus encore, sur une manipulation éhontée des peurs, et plus encore, lorsque les manipulateurs en tirent profit. Ces affaires portent atteintes à la science, au débat démocratique, à la possibilité même de ce débat et à l’action publique (l’utilisation de la mauvaise science pour conforter des choix idéologiques semble devenir  la règle au gouvernement, note le journaliste de Marianne Jean-Claude Jaillette).
 Si les libertés académiques  et d’expression doivent être évidemment respectées, on peut et on doit se poser la question de la position du Pr Séralini et des moyens qui doivent lui être alloués.

Que faire ? De la recherche !

L’ANSES, peut-être par crainte de l’opinion, ou par charité confraternelle, concède que la démarche de Séralini est « ambitieuse » et qu’elle « soulève des questions originales ». Même pas, a-t-on envie de répondre. Rien dans la connaissance de la molécule de glyphosate ne permet de suspecter une toxicité inconnue ; rien dans la conception de l’OGM NK603 ne laisse suspecter un danger quelconque pour la santé[2]. Aucune des méthodes actuellement reconnues n’a permis de mettre en évidence un problème éventuel. L’emploi massif de l’herbicide et de l’OGM là où ils sont autorisés depuis des années n’a entraîné aucune conséquence sanitaire néfaste – et sans doute est-il même bénéfique, en réduisant l’emploi d’herbicides toxiques.
C’est probablement une erreur de croire, comme le laissent entendre certains qu’il faudrait recommencer l’étude du Pr Séralini, avec d’autres moyens, des durées plus longues, des animaux plus nombreux ou différents.  En revanche, oui, il faut urgemment mettre en place un meilleur suivi de la santé professionnelle des agriculteurs, avec des registres de déclaration obligatoire, notamment pour les maladies neurodégénératives.

Le programme toxome

Le problème est qu’il n’existe sans doute pas actuellement de protocoles, de méthodes scientifiques permettant d’arriver à une meilleure prédiction de la toxicité, et c’est un problème général, pour la pharmacie, l’agrochimie, la chimie, les nanomatériaux, le processus Reach …L’évaluation de la toxicité sur des animaux ( et même sur deux espèces d’animaux, rongeurs et non-rongeurs telle que requise pour l’autorisation de nouveaux médicaments), ne règle pas tous les problèmes : comme l’explique le biochimiste Claude Reiss, nous ne sommes pas des rats de 70kg. La solution passe par le développement d’un programme de recherche intensif sur la toxicogénétique, qui permette d’arriver à tester les composés sur des cellules humaines, à observer les effets produits, et surtout à les évaluer de manière pertinente. Cela suppose à son tour le développement des connaissances sur toutes les voise biochimiques de toxicité (le « toxome », par analogie au génome, ensemble des gênes). C’est là un programme scientifique utile, nécessaire, d’une ampleur quant aux moyens nécessaires et à la durée supérieure à celle du programme de génome humain. Ainsi, les effets des bisphénols ont été probablement longtemps sous-évalués ; et, par contre, des médicaments aussi utiles que l’aspirine ou les beta-bloqueurs ne pourraient plus aujourd’hui être mis sur leur marché, car ils montrent chez l’animal des toxicités inexistantes au même niveau chez l’homme.
Des efforts dispersés en ce sens existent déjà : Tox21 à l’Agence Américaine de l’environnement, le Human Toxome project en Europe, le Human Toxicology Project Consortium formé par un groupe d’industriels de la pharmacie, de la cosmétique, de l’agro-alimentaire. Plutôt que de mener un combat douteux sur le maïs transgénique, le gouvernement français ferait mieux de soutenir en France et en Europe, un programme mobilisateur et un effort conséquent de recherche en ce domaine.
Si  l’étude du toxome pouvait surgir des ruines de l’affaire Séralini, tout n’aura pas été perdu.


[1] Il faut saluer notamment le travail et le courage notamment des journalistes du Monde et de Marianne, notamment Stéphene Foucart et Jean-Claude Jaillette )
[2] Permet-il la réduction de l’emploi d’herbicides, est-il bénéfique à long ou même à moyen terme pour l’agriculture et moins néfaste pour l’environnement que les techniques alternatives sont sans doute des questions plus pertinentes..


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