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mercredi 3 octobre 2012

Etude OGM/NK603 : Les doutes de la communauté scientifique

Etude OGM/NK603 : Les doutes de la communauté scientifique

Sérieux Doutes

Qui n’a pas été choqué par les photos en gros plans de rats rendus difformes par de gigantesques tumeurs ? Pourtant l’image ne prouve rien et l’étude portant sur la toxicité du maïs MK603 (maïs transgénique résistant au round-up – glyphosate) réalisée par le Pr Séralini suscite de nombreux doutes. Tout d’abord, elle est en contradiction avec le savoir acquis. Depuis plus de quinze ans, des millions d’animaux de par le monde ont été nourris par des produits OGM, sans qu’ aucune maladie ou même signe clinique particulier n’ait été signalé, même chez des reproducteurs âgés. Si les études réglementaires sont menées sur 90 jours, des études avec des OGM sur des durées supérieures ont été réalisées (plus de 24, selon un article du Monde du 26 septembre de Stéphane Foucart), dont deux études avec le maïs résistant au round-up de plus de cent semaines, l’une sur la souris, l’autre sur le rat, sans effets secondaires significatifs.
L’étude du Pr Séralini n’était donc pas sans précédents, et la contradiction avec l’ensemble des connaissances existantes (ainsi qu’avec l’absence de toxicité du glyphosate, principe actif du round-up, l’un des herbicides les plus sûrs, spécifique d’une enzyme végétale et aux produits de dégradation bien connus) aurait dû imposer une élémentaire prudence.
D’autant plus que les experts ont déjà pointé une, voire deux  erreurs méthodologiques majeures ; la souche de rat utilisée pour l’expérience, Sprague-Dawley, n’est jamais utilisée pour des études de cancérogenèse parce que cette souche fragile présente des apparitions spontanées de tumeurs pouvant aller jusqu’à 45%. Sa durée de vie et d’environ deux ans – la durée de l’étude-, ce qui fait qu’il est quasiment impossible d’obtenir des effets significatifs avec les effectifs utilisés dans cette étude ; les normes en vigueur imposent l’emploi de groupes d’au moins cinquante animaux, cinq fois plus que ceux utilisés dans l’étude (soit un millier de rongeurs au lieu de deux cents pour la totalité de l’étude. Enfin, il est nécessaire de vérifier soigneusement l’absence de contamination de la nourriture par des dérivés de types aflatoxines.
Le plus probable est que cette étude représente une contribution … à la biologie du Sprague-Dawley agé ; et que les photos publiées, pour spectaculaires qu’elles soient, ne prouvent rien. Les experts des instances officielles françaises et européennes trancheront.


Et malaise !

L’équipe du Pr Séralini n’en est pas, si l’on peut dire, à son coup d’essai. En 2008, elle avait publié une étude sur la toxicité cellulaire du glyphosate qui avait été sévèrement critiquée par l’AFFSSA, dont les experts ont mis en évidence trois erreurs méthodologiques majeures : l'utilisation de lignées de cellules cancéreuses ou transformées pour les essais, peu représentatives d'une cellule normale, des cellules soumises à un pH 5,8 sans solution tampon pendant 24h, « ce qui permet non pas d'observer l'effet du glyphosate, mais plus vraisemblablement l'effet d'une solution acide et hypotonique sur des cellules », et une extrapolation totalement abusive de toxicité cellulaire à l’organisme entier.
A cela s’ajoute une véritable stratégie de communication, plus exactement de manipulation de l’opinion publique. Avant publication, l’étude a été divulguée lors d’une conférence de presse sur invitation, à des journalistes ayant signé un « embargo », donc ne pouvant en discuter préalablement et contradictoirement avec des experts scientifiques – et ceci alors que deux livres et un film écrits par des auteurs ou commanditaires de l’enquête paraissaient la même semaine.
Ce n‘est pas tout.  Certains media – Le Nouvel Obs- se sont prêtés à ce qu’il faut bien qualifier d’exploitation éhontée de la peur ; mais lorsque des journalistes comme Stéphane Foucart, du Monde se sont efforcés de faire leur métier, on a cherché à les discréditer.  Corinne Lepage (qui représente la Crigen) lui a rappelé lors d’un débat sur France-Inter que « Le Monde faisait campagne en faveur des gaz de schistes » ?!. Les experts qui émettent la moindre réserve se font systématiquement suspecter de malhonnêteté, de parti-pris en faveur des lobbies industriels et agricoles. Ce n’est pas admissible.
Un point mineur, mais significatifs : Mme Lepage et le Crif dénigrent souvent les études « payées par les fabricants d’ OGM » ; ils font semblant d’ignorer que ces études sont réalisées par des prestataires de service indépendants, dans des conditions reconnues dites bonnes pratiques de laboratoire et étroitement contrôlés, et dont la qualité et l’intégrité conditionnent la survie.
Après s’être engagés à publier toutes les données de l’étude, le Pr Séralini et Mme Lepage ont fait marche arrière. Mme Lepage ne veut plus les communiquer à des experts qui ont travaillé pour les fabricants d’OGM  ; ou bien, ils ne seront communiqués que si sont aussi rendues publiques  les données de toutes les études réalisées sur ce sujet. Pourquoi pas ?, mais il existe deux moyens de cacher une information, ne pas la divulguer, ou la noyer dans un bruit de fonds.
Ce qui serait plus intéressant, c’est de rendre public les débats des experts, ainsi bien sûr que les conclusions, éventuellement contradictoires. Et il est à peu près sûr que cela ne sera pas favorable au Crigen, à Mme Lepage et au Pr Séralini. Dèjà, dans Marianne (29sept2012), des chercheurs réputés du monde entier ont publié une tribune dénonçant « une démarche, qui n’est pas une démarche scientifique éthiquement correcte ». Et ils rappelaient une conclusion de Sylvestre Huet, de Libération : « cette opération est un désastre pour le débat public, sa qualité, sa capacité à générer de la décision politique et démocratique »


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