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samedi 15 mars 2014

L’Europe gazeuse de Pascal Lamy



Europe sans frontières

Décapant (et un  peu inquiétant) le point de vue de ¨Pascal Lamy sur l’Europe. Il rappelle volontiers cette fable d’un instituteur interrogeant ses élèves : « combien existe-t-il de continents ? Le premier de la classe s’empresse de répondre : cinq ! L’instituteur le reprend : « Non, quatre ! » - L’élève « Cinq, l’Europe, l’Asie, l’Afrique, l’Amérique, l’Océanie » - l’Instituteur : « Non, Regardez les cartes : l’Europe n’est qu’un continent que parce que ce sont les Européens qui ont inventé la géographie ! »

Pour Pascal Lamy, l’Europe n’est pas une réalité géographique ou historique, c’est une idée, une aspiration, un certain nombre de valeurs partagées : les libertés individuelles, la démocratie, (je l’ai peu entendu mentionner la laïcité, mais rajoutons-le !) et, ce qui la différentie notablement d’autres aires (Amérique, Asie) une relative intolérance à de trop fortes inégalités sociales et un taux assez élevé de prélèvements sociaux. C’est dire que pour lui, la question des frontières de l’Europe n’a pas vraiment d’intérêt. Il ne faut pas le pousser beaucoup dans ses retranchements pour qu’il affirme ainsi que, selon leurs choix politiques, certains pays d’Amérique Latine appartiennent davantage à l’Europe qu’à l’Amérique, ce qui ne manquera pas de les surprendre.

Pascal Lamy dit en avoir eu la révélation lors d’un entretien avec un ministre singapourien : «  la mission de l’Europe, c’est de civiliser la mondialisation ». Au fond, l’Europe  n’est pas un être politique, elle est simplement une étape sur la voie d’une humanité sans frontières, un laboratoire. Si ce projet politique, idéologique réussit, ce monde sera meilleur que s’il ne réussit pas, et c’est sur ce thème qu’il appelle les électeurs et singulièrement les jeunes à soutenir le projet européen

The European project ? un certain taux de prélèvements obligatoires ! On peut se demander si c’est bien là réellement mobilisateur. Avec un certain humour, Pascal Lamy décrit sa carrière politique ainsi : j’ai connu la politique à l’état solide avec en France, la politique à l’état liquide à la Commission Européenne, et la politique à l’état gazeux dans les organismes internationaux (l’OMC)

 Europe réelle contre Europe gazeuse
 

 Il me semble tout de même qu’en regardant une carte, l’Europe fait un continent tout à fait présentable…si on lui adjoint la Russie.

 Il me semble aussi, que, nous, les nations européennes, nous avons fait un certain nombre de grandes choses ensemble. C’est en Europe qu’ont été inventées la science moderne et toutes les grandes théories scientifiques qui marquent encore nos conceptions, de la mathématisation de l’espace par Descartes, Galilée, Newton, Poincaré, Einstein, de la circulation du sang à la théorie de l’évolution et à la biologie moléculaire et aussi, et ce n’est pas un hasard, tous les mouvements artistiques jusqu’à ce siècle, classicisme, baroque, impressionnisme, surréalisme, cubisme et formes diverses de l’abstraction. Abstraction justement, car tous ces mouvements ont en commun la marche de l’esprit humain vers l’abstraction.  C’est encore de nos nations européennes qu’a surgi la maîtrise d’énergies de plus en plus considérables, de la vapeur à l’électricité puis au nucléaire, qui nous permettent – jusqu’à un certain point- de réaliser le projet cartésien : « nous rendre comme maître et possesseur du monde ». Et aussi, nées en Europe, les formes politiques modernes, émergeant de la mort des sociétés théologiques, des rébellions métaphysiques, et s’appuyant sur l’esprit rationnel, relatif, organisateur cher à Comte.

Il y a une réalité historique, géographique, civilisationnelle de l’Europe. Nous avons fait de grandes choses ensemble, parfois un peu aussi les uns contre les autres, et peut-être avons-nous le désir d’en faire encore de plus grandes à l’avenir ; nous avons tout de même bien le désir de vivre ensemble, et plus aucune nation européenne ne rêve d’en éliminer une autre. Nous avons bien un héritage commun que nous faisons fructifier.

Cela parait tout de même plus réel et mobilisateur que l’Europe gazeuse de Pascal Lamy. Reste à savoir quelle forme politique sera la mieux adaptée.

Ledit Pascal Lamy se montre toujours prêt à absoudre les erreurs, pour rester poli, des commissaires européens. Nous avons tout de même eu début mars cette annonce successive d’un premier commissaire européen appelant la France à prendre très au sérieux son engagement de réduction de 50 milliards de dépenses publiques, puis celle d’un second annonçant le déblocage de 11 milliards d’euros pour l’Ukraine ; enfin pour faire quoi ? pour empêcher la Crimée, terre Russe, de redevenir russe conformément aux vœux de ses habitants ? pour faire la nique à Poutine ?

Cela laisse Pascal Lamy indifférent parce qu’il ne croit pas et même ne voit aucun intérêt à lune Europe réelle ; pour ceux qui y croient, cela ne passe sûrement pas par l’actuelle Commission


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