Europe sans frontières
Décapant (et un peu inquiétant) le point de vue de ¨Pascal Lamy sur l’Europe. Il rappelle volontiers cette fable d’un instituteur interrogeant ses élèves : « combien existe-t-il de continents ? Le premier de la classe s’empresse de répondre : cinq ! L’instituteur le reprend : « Non, quatre ! » - L’élève « Cinq, l’Europe, l’Asie, l’Afrique, l’Amérique, l’Océanie » - l’Instituteur : « Non, Regardez les cartes : l’Europe n’est qu’un continent que parce que ce sont les Européens qui ont inventé la géographie ! »
Pour
Pascal Lamy, l’Europe n’est pas une réalité géographique ou historique, c’est
une idée, une aspiration, un certain nombre de valeurs partagées : les
libertés individuelles, la démocratie, (je l’ai peu entendu mentionner la
laïcité, mais rajoutons-le !) et, ce qui la différentie notablement d’autres
aires (Amérique, Asie) une relative intolérance à de trop fortes inégalités
sociales et un taux assez élevé de prélèvements sociaux. C’est dire que pour
lui, la question des frontières de l’Europe n’a pas vraiment d’intérêt. Il ne
faut pas le pousser beaucoup dans ses retranchements pour qu’il affirme ainsi
que, selon leurs choix politiques, certains pays d’Amérique Latine
appartiennent davantage à l’Europe qu’à l’Amérique, ce qui ne manquera pas de
les surprendre.
Pascal
Lamy dit en avoir eu la révélation lors d’un entretien avec un ministre
singapourien : « la mission de l’Europe, c’est de civiliser la
mondialisation ». Au fond, l’Europe
n’est pas un être politique, elle est simplement une étape sur la voie d’une
humanité sans frontières, un laboratoire. Si ce projet politique, idéologique
réussit, ce monde sera meilleur que s’il ne réussit pas, et c’est sur ce thème
qu’il appelle les électeurs et singulièrement les jeunes à soutenir le projet
européen
The
European project ? un certain taux de prélèvements obligatoires ! On
peut se demander si c’est bien là réellement mobilisateur. Avec un certain
humour, Pascal Lamy décrit sa carrière politique ainsi : j’ai connu la
politique à l’état solide avec en France, la politique à l’état liquide à la
Commission Européenne, et la politique à l’état gazeux dans les organismes internationaux
(l’OMC)
Il me semble aussi, que, nous, les nations
européennes, nous avons fait un certain nombre de grandes choses ensemble. C’est
en Europe qu’ont été inventées la science moderne et toutes les grandes
théories scientifiques qui marquent encore nos conceptions, de la mathématisation
de l’espace par Descartes, Galilée, Newton, Poincaré, Einstein, de la
circulation du sang à la théorie de l’évolution et à la biologie moléculaire et
aussi, et ce n’est pas un hasard, tous les mouvements artistiques jusqu’à ce
siècle, classicisme, baroque, impressionnisme, surréalisme, cubisme et formes diverses
de l’abstraction. Abstraction justement, car tous ces mouvements ont en commun
la marche de l’esprit humain vers l’abstraction. C’est encore de nos nations européennes qu’a
surgi la maîtrise d’énergies de plus en plus considérables, de la vapeur à l’électricité
puis au nucléaire, qui nous permettent – jusqu’à un certain point- de réaliser
le projet cartésien : « nous rendre comme maître et possesseur du
monde ». Et aussi, nées en Europe, les formes politiques modernes,
émergeant de la mort des sociétés théologiques, des rébellions métaphysiques,
et s’appuyant sur l’esprit rationnel, relatif, organisateur cher à Comte.
Il
y a une réalité historique, géographique, civilisationnelle de l’Europe. Nous
avons fait de grandes choses ensemble, parfois un peu aussi les uns contre les
autres, et peut-être avons-nous le désir d’en faire encore de plus grandes à l’avenir ;
nous avons tout de même bien le désir de vivre ensemble, et plus aucune nation
européenne ne rêve d’en éliminer une autre. Nous avons bien un héritage commun
que nous faisons fructifier.
Cela
parait tout de même plus réel et mobilisateur que l’Europe gazeuse de Pascal
Lamy. Reste à savoir quelle forme politique sera la mieux adaptée.
Ledit
Pascal Lamy se montre toujours prêt à absoudre les erreurs, pour rester poli,
des commissaires européens. Nous avons tout de même eu début mars cette annonce
successive d’un premier commissaire européen appelant la France à prendre très
au sérieux son engagement de réduction de 50 milliards de dépenses publiques,
puis celle d’un second annonçant le déblocage de 11 milliards d’euros pour l’Ukraine ;
enfin pour faire quoi ? pour empêcher la Crimée, terre Russe, de redevenir
russe conformément aux vœux de ses habitants ? pour faire la nique à Poutine ?
Cela laisse Pascal Lamy indifférent parce qu’il ne croit pas et même ne voit aucun intérêt à lune Europe réelle ; pour ceux qui y croient, cela ne passe sûrement pas par l’actuelle Commission
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Commentaires
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.