Vive l’euro ?
Espérons
qu’une leçon à 6.6 milliards d’euros (8.9 milliards de dollars), pour
inacceptable mais inévitable qu’elle soit aura porté - je veux parler de l’amende
infligée à BNP pour n’avoir pas respecté un embargo américain sur les transactions
financières vis-à-vis de certains pays comme le Souan ( mais pour d’autres
banques, Cuba sera aussi en cause). Rappelons tout de même qu’il s’agit d’un
embargo purement américain, qu’un embargo est un acte de guerre, qu’il doit être
approuvé par l’ONU ; mais peu importe, face à la menace de ne pouvoir exercer
d’activités bancaires aux US ou en dollars, il faudra céder, pour cette fois.
Mais
cette affaire, cette manifestation brutale d’impérialisme américain aura des
conséquences, espérons-le positives. Elle plonge dans l’insécurité toutes les
transactions financières en dollars ; malgré sa régulation financière
assez obscure, le yuan commence à monter significativement dans les échanges
internationaux. Et l’euro ? Il y a une véritable chance, une opportunité
pour son développement comme monnaie internationale d’échange. Michel Sapin et
Wolfgang Schaüble veulent engager un débat entre européens sur l’hégémonie du
dollar dans le commerce international et les risques associés. Il serait
souhaitable qu’il prenne de l’ampleur et la Banque européenne se voit assigner
un objectif plus excitant qu’une lutte contre l’inflation qui ne menace
personne : le développement de l’euro comme monnaie internationale comme instrument de libération vis-à-vis d’un
certain impérialisme américain. La Deutsche Bank, qui avait aussi mené quelques
transactions litigieuses aux yeux du le gouvernement américain devrait échapper
à toute sanction, ces transactions étant effectuées en euros.
Scènes de l’impérialisme
ordinaire: les deal de justice (extrait de l’article du Monde du 30 oct. 2013 (Marie Charrel),rendant compte
du livre deals de justices, le marché
américain de l’obéissance mondialisée, PUF, Antoine Garapo,, Pierre
Servan-Schreiber) :
« Cela
commence par un malaise. Celui du secrétaire général d'un grand groupe
français, dont l'entreprise s'est vu accuser de corruption à Washington. Il
n'existe aucune preuve, aucun fondement, seulement voilà : il ne peut pas
courir le risque d'un procès. Parce que, même si les accusations sont fausses,
la réputation de son groupe serait inévitablement entâchée. Pire, il pourrait
se voir interdire l'accès au marché américain. Pour l'éviter, le secrétaire
général a donc conclu un « non prosecution agreement » avec la justice
américaine. En d'autres termes : il a signé un gros chèque afin de s'épargner
une procédure et de s'acheter la paix. Mais il en garde un goût amer. Avait-il
vraiment le choix ? Etait-ce bien raisonnable ?.. Les sept auteurs de cet
ouvrage – (magistrats, avocats, spécialistes en droit public et même philosophe
-) soulèvent ici le débat. Ils détaillent comment cette étrange pratique,
qu'ils surnomment « deal de justice », se généralise depuis quelques années.
Plus aucune firme internationale n'y échappe. A la moindre suspicion
d'infraction de la part des juges américains, elles n'ont d'autre choix que de
se plier aux exigences de ces derniers, par exemple en montant, à leur frais,
des procédures de dénonciation interne (le «whistleblowing»). Tout cela pour,
in fine, accepter de payer une amende négociée plutôt que de se défendre devant
les tribunaux. Technip, Alcatel-Lucent, Total, ING et des dizaines d'autres ont
ainsi versé, au total, plus de 7
milliards de dollars (5,1 milliards d'euros) en cinq ans..
La
flibusterie américaine juridique américaine nous coûte cher et rapporte
beaucoup aux US. Un autre champ d‘action
très profitable pour les pirates de la loi est la propriété intellectuelle, à travers
les « patent trolls »
Scènes de l’impérialisme
ordinaire: 2- les patent trolls
« Nous
sommes fin 2012, dans les bureaux d'une petite société française spécialisée
dans la vidéo numérique. Son dirigeant vient de recevoir par la poste une
petite bombe : une assignation devant un tribunal du Delaware aux Etats-Unis
pour contrefaçon. Le plaignant, une société américaine parfaitement inconnue,
lui réclame 1 million de dollars (719 millions d'euros) de dommages et
intérêts, plus d'un dixième de son chiffre d'affaires. Sans compter les frais
de justice qui grimpent vite jusqu'à 2 ou 3 millions de dollars aux Etats-Unis.
Quelques clics sur Google le renseignent sur le profil de son assaillant, une
société dont la seule activité consiste à acquérir des brevets pour ensuite
traîner devant la justice des sociétés qui, prétendument, les enfreignent. Outre-Atlantique,
ces experts du chantage ont un nom : les patents trolls. La high-tech
est leur terrain de jeu favori, tant il est difficile de démêler qui a inventé
quoi dans l'enchevêtrement de technologies qui constituent une puce, un
smartphone ou un nouveau format vidéo. ». Pour tenir tête à ces rois de
l'esbroufe, Apple ou Samsung envoient des bataillons d'avocats au front et
dépensent chaque année des millions de dollars. Mais, pour des petites
sociétés, une telle attaque peut vite signer leur arrêt de mort. Jusque-là, la
menace concernait surtout les sociétés américaines mais les patent trolls
font de plus en plus d'incursions en Europe, profitant du fait que les start-up
situées à Paris, à Londres ou à Berlin commercialisent leurs technologies aux
Etats-Unis et sont donc susceptibles d'être assignées là-bas.« Le
contentieux autour des brevets progresse très rapidement », témoigne
Pauline Debré, responsable de la propriété intellectuelle au cabinet d'avocats
Linklaters. Cette avocate s'inquiète aussi de l'arrivée de ce type de procédure
devant les tribunaux européens. La
création d'ici environ deux ans d'une juridiction unifiée des brevets pour les
pays de l'Union pourrait faciliter la tâche des patent trolls. «
Jusqu'à présent, ils devaient engager une procédure pays par pays, ce qui était
très dissuasif, souligne l'avocate. A l'avenir, il suffira d'assigner
devant un seul tribunal ce qui réduit les coûts et augmente le profit potentiel.
(Le Monde, 14 mars 2014)
Le gouvernement
français a résolu de tenter de faire face au problème en créant France Brevets,
une filiale de la Caisse des Dépôts dotée d’un fonds de 100 millions d’euros,
dont l’objet est de défendre les firmes françaises victimes des patent trolls,
et aussi d’aider les firmes françaises victimes du pillage de leurs brevets par
des géants américains à défendre leurs droits. Dans le cas cité au début, l’affaire
s’est soldé par quelques dizaines de milliers de dollars grâce à l’intervention
de France Brevets ; mais c’est tout de même cher payé pour une flibusterie
qui n’est rien moins qu’une escroquerie.
La réponse
française peut-elle être suffisante ? N’est-il pas temps de passer à une
réponse européenne et plus musclée ? Depuis toujours, les USA en matière
de normes juridiques et plus spécialement de propriété industrielle, ont entretenu un
flou juridique, une jungle qui profite surtout aux richissimes cabinets d’avocats
et à leurs grandes firmes qui peuvent écraser leurs concurrents plus faibles à
l’aide de bataillons de juristes. Cette situation, entretient une insécurité
qui est globalement défavorable au progrès et à l’innovation, et les firmes
américaines les plus innovantes le déplorent elles-mêmes. Les avocats ont dû céder
récemment sur un pilier centenaire du droit des brevets spécifique aux US, l’invention
accordée au premier inventeur et non au premier déposant, comme dans tous les
autres pays, source infinie de longues procédures juteuses. L’administration
américaine semble elle-même décidée à agir contre les » patent trolls » :
« il s’agit d’encourager l’innovation, pas les litiges, Penny Pritzker,
secrétaire au commerce)
Oui, la lutte
contre la flibuste juridique américaine
généralisée doit devenir une priorité ; il faut d’abord mettre en place
des instruments de lutte efficaces, refuser plus longtemps de se laisser
dépouiller, et imposer ce sujet de manière prioritaire dans toute discussion
sur la libéralisation du commerce, et
surtout éviter toute disposition et tot accord qui faciliterait la tâche des « patents
trolls » et les rackets des « deal de justice »
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