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dimanche 6 juillet 2014

La flibuste juridique américaine


Vive l’euro ?

Espérons qu’une leçon à 6.6 milliards d’euros (8.9 milliards de dollars), pour inacceptable mais inévitable qu’elle soit aura porté - je veux parler de l’amende infligée à BNP pour n’avoir pas respecté un embargo américain sur les transactions financières vis-à-vis de certains pays comme le Souan ( mais pour d’autres banques, Cuba sera aussi en cause). Rappelons tout de même qu’il s’agit d’un embargo purement américain, qu’un embargo est un acte de guerre, qu’il doit être approuvé par l’ONU ; mais peu importe, face à la menace de ne pouvoir exercer d’activités bancaires aux US ou en dollars, il faudra céder, pour cette fois.
 
Mais cette affaire, cette manifestation brutale d’impérialisme américain aura des conséquences, espérons-le positives. Elle plonge dans l’insécurité toutes les transactions financières en dollars ; malgré sa régulation financière assez obscure, le yuan commence à monter significativement dans les échanges internationaux. Et l’euro ? Il y a une véritable chance, une opportunité pour son développement comme monnaie internationale d’échange. Michel Sapin et Wolfgang Schaüble veulent engager un débat entre européens sur l’hégémonie du dollar dans le commerce international et les risques associés. Il serait souhaitable qu’il prenne de l’ampleur et la Banque européenne se voit assigner un objectif plus excitant qu’une lutte contre l’inflation qui ne menace personne : le développement de l’euro comme monnaie internationale  comme instrument de libération vis-à-vis d’un certain impérialisme américain. La Deutsche Bank, qui avait aussi mené quelques transactions litigieuses aux yeux du le gouvernement américain devrait échapper à toute sanction, ces transactions étant effectuées en euros.

Scènes de l’impérialisme ordinaire: les deal de justice (extrait de l’article du Monde du 30 oct. 2013 (Marie Charrel),rendant compte du livre deals de justices, le marché américain de l’obéissance mondialisée, PUF, Antoine Garapo,, Pierre Servan-Schreiber) :
 
« Cela commence par un malaise. Celui du secrétaire général d'un grand groupe français, dont l'entreprise s'est vu accuser de corruption à Washington. Il n'existe aucune preuve, aucun fondement, seulement voilà : il ne peut pas courir le risque d'un procès. Parce que, même si les accusations sont fausses, la réputation de son groupe serait inévitablement entâchée. Pire, il pourrait se voir interdire l'accès au marché américain. Pour l'éviter, le secrétaire général a donc conclu un « non prosecution agreement » avec la justice américaine. En d'autres termes : il a signé un gros chèque afin de s'épargner une procédure et de s'acheter la paix. Mais il en garde un goût amer. Avait-il vraiment le choix ? Etait-ce bien raisonnable ?.. Les sept auteurs de cet ouvrage – (magistrats, avocats, spécialistes en droit public et même philosophe -) soulèvent ici le débat. Ils détaillent comment cette étrange pratique, qu'ils surnomment « deal de justice », se généralise depuis quelques années. Plus aucune firme internationale n'y échappe. A la moindre suspicion d'infraction de la part des juges américains, elles n'ont d'autre choix que de se plier aux exigences de ces derniers, par exemple en montant, à leur frais, des procédures de dénonciation interne (le «whistleblowing»). Tout cela pour, in fine, accepter de payer une amende négociée plutôt que de se défendre devant les tribunaux. Technip, Alcatel-Lucent, Total, ING et des dizaines d'autres ont ainsi versé, au total, plus de 7 milliards de dollars (5,1 milliards d'euros) en cinq ans..

La flibusterie américaine juridique américaine nous coûte cher et rapporte beaucoup aux US.  Un autre champ d‘action très profitable pour les pirates de la loi est la propriété intellectuelle, à travers les « patent trolls »

Scènes de l’impérialisme ordinaire: 2- les patent trolls

« Nous sommes fin 2012, dans les bureaux d'une petite société française spécialisée dans la vidéo numérique. Son dirigeant vient de recevoir par la poste une petite bombe : une assignation devant un tribunal du Delaware aux Etats-Unis pour contrefaçon. Le plaignant, une société américaine parfaitement inconnue, lui réclame 1 million de dollars (719 millions d'euros) de dommages et intérêts, plus d'un dixième de son chiffre d'affaires. Sans compter les frais de justice qui grimpent vite jusqu'à 2 ou 3 millions de dollars aux Etats-Unis. Quelques clics sur Google le renseignent sur le profil de son assaillant, une société dont la seule activité consiste à acquérir des brevets pour ensuite traîner devant la justice des sociétés qui, prétendument, les enfreignent. Outre-Atlantique, ces experts du chantage ont un nom : les patents trolls. La high-tech est leur terrain de jeu favori, tant il est difficile de démêler qui a inventé quoi dans l'enchevêtrement de technologies qui constituent une puce, un smartphone ou un nouveau format vidéo. ». Pour tenir tête à ces rois de l'esbroufe, Apple ou Samsung envoient des bataillons d'avocats au front et dépensent chaque année des millions de dollars. Mais, pour des petites sociétés, une telle attaque peut vite signer leur arrêt de mort. Jusque-là, la menace concernait surtout les sociétés américaines mais les patent trolls font de plus en plus d'incursions en Europe, profitant du fait que les start-up situées à Paris, à Londres ou à Berlin commercialisent leurs technologies aux Etats-Unis et sont donc susceptibles d'être assignées là-bas.« Le contentieux autour des brevets progresse très rapidement », témoigne Pauline Debré, responsable de la propriété intellectuelle au cabinet d'avocats Linklaters. Cette avocate s'inquiète aussi de l'arrivée de ce type de procédure devant les tribunaux européens. La création d'ici environ deux ans d'une juridiction unifiée des brevets pour les pays de l'Union pourrait faciliter la tâche des patent trolls. « Jusqu'à présent, ils devaient engager une procédure pays par pays, ce qui était très dissuasif, souligne l'avocate. A l'avenir, il suffira d'assigner devant un seul tribunal ce qui réduit les coûts et augmente le profit potentiel. (Le Monde, 14 mars 2014)

 Agir contre le racket

Le gouvernement français a résolu de tenter de faire face au problème en créant France Brevets, une filiale de la Caisse des Dépôts dotée d’un fonds de 100 millions d’euros, dont l’objet est de défendre les firmes françaises victimes des patent trolls, et aussi d’aider les firmes françaises victimes du pillage de leurs brevets par des géants américains à défendre leurs droits. Dans le cas cité au début, l’affaire s’est soldé par quelques dizaines de milliers de dollars grâce à l’intervention de France Brevets ; mais c’est tout de même cher payé pour une flibusterie qui n’est rien moins qu’une escroquerie.

La réponse française peut-elle être suffisante ? N’est-il pas temps de passer à une réponse européenne et plus musclée ? Depuis toujours, les USA en matière de normes juridiques et plus spécialement  de propriété industrielle, ont entretenu un flou juridique, une jungle qui profite surtout aux richissimes cabinets d’avocats et à leurs grandes firmes qui peuvent écraser leurs concurrents plus faibles à l’aide de bataillons de juristes. Cette situation, entretient une insécurité qui est globalement défavorable au progrès et à l’innovation, et les firmes américaines les plus innovantes le déplorent  elles-mêmes. Les avocats ont dû céder récemment sur un pilier centenaire du droit des brevets spécifique aux US, l’invention accordée au premier inventeur et non au premier déposant, comme dans tous les autres pays, source infinie de longues procédures juteuses. L’administration américaine semble elle-même décidée à agir contre les » patent trolls » : « il s’agit d’encourager l’innovation, pas les litiges, Penny Pritzker, secrétaire au commerce)

Oui, la lutte contre la  flibuste juridique américaine généralisée doit devenir une priorité ; il faut d’abord mettre en place des instruments de lutte efficaces, refuser plus longtemps de se laisser dépouiller, et imposer ce sujet de manière prioritaire dans toute discussion sur la libéralisation du commerce,  et surtout éviter toute disposition et tot accord qui faciliterait la tâche des « patents trolls » et les rackets des « deal de justice »
 
 

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