Toujours la relecture estivale du Renard et le Hérisson de Stephen Jay Gould – et ensuite j’arrête -
achetez-le, c’est un des livres majeurs de cet auteur sur un sujet qui lui est
cher. Gould consacre un chapitre « Douceur et Lumière » à une œuvre méconnue
de l’immense Jonathan Swift (1667-1745) : La bataille des livres ou Récit complet et véridique de la bataille
livrée vendredi dernier entre les Livres Anciens et Modernes à la bibliothèque Saint-James (Trd Monique
Bégot, Rivages Poche, 2003). Mélangeant par inadvertance les ouvrages, le
bibliothécaire fourra Descartes à côté d’Aristote ; le pauvre Platon se retrouva
entre Hobbes et les Sept Sages ;
et… la discorde devint extrêmement vive. Pour la suite, lire l’ouvrage…
Mais ce que Gould considère comme particulièrement
intéressant et représentatif de la dichotomie entre les deux cultures (ici les
Anciens et les Modernes, ceux qui croient au progrès et ceux qui n’y croient
pas) mais aussi peut-être les scientifiques et les littéraires, c’est la fable
par laquelle Swift débute son livre, l’araignée représentant les Modernes
scientifiques, l’abeille les Anciens littérateurs. Disons tout de suite que
Swift se situe du côté des Anciens et de l’abeille…avec humour et efficacité.
Donc l’abeille vient se prendre dans la toile de l’araignée
qu’elle abime quelque peu. L’ »araignée, furieuse, l’attaque en ces
termes : vous, partisans des Anciens, n’êtes que des créatures pitoyables
et sans originalité qui ne créent tien par elles-mêmes et sont tout au plus
capables de butiner les idées des Anciens (telles des fleurs dans les prés, les
plus belles aussi bien que les orties). Nous, les Modernes, bâtissons une
structure intellectuelle nouvelle à partir de notre génie et de nos
découvertes. L’abeille, dit-elle « est née sans aucune possession qui
t’appartienne en propre, si ce n‘est une paire d’ailes et un pipeau. Ton moyen
de subsistance est l’universel pillage de la nature ; tu maraudes dans
champs et jardins, et, pour le plaisir de voler, tu dépouillerais une violette
aussi aisément qu’une ortie. Alors que je suis un animal d’intérieur, pourvu
d’une réserve inhérente à ma personne. Ce grand château (pour prouver mes
progrès dans les mathématiques) a été construit de mes mains ; et tous mes
matériaux sont extraits de ma personne »
Ce à quoi, l’abeille répond : « La question revient
à ceci, savoir qui est la plus noble créature des deux, celle qui, par une
contemplation paresseuse d’un périmètre de quatre pouces, par une orgueilleuse
outrecuidance, se nourrissant et engendrant à partir d’elle-même, transforme
tout en excréments et en venin pour finalement ne produire qu’un piège à mouche
et une toile d’araignée ; ou bien celle qui par un champ d’action
universel, par une longue quête, beaucoup d’étude pour juger vraiment des
choses et être capable de discernement, rapporte du miel et de la cire…
Conclusion de Swift : « Quant à Nous, les Anciens,
nous sommes satisfaits comme pour l’abeille, de ne prétendre à rien qui nous soit
propre, en dehors de nos ailes et de notre voix , c’est-à-dire notre vol
et notre langage. Pour le reste, tout ce que nous avons obtenu l’a été par un
labeur incessant, en cherchant et en vagabondant dans tous les coins de la
nature ; la différence, c’est qu’au lieu de saleté et de poison, nous
avons préféré remplir nos ruches de miel et de cire, procurant ainsi au genre
humain les deux choses les plus nobles qui soient : la douceur et la
lumière. »
Swift, ou l’un des plus brillants polémistes – quel plaisir
de le lire, quitte à le contredire ; la science aussi apporte douceur et
lumière, non seulement au sens propre à travers le progrès matériel, mais aussi
par un progrès intellectuel et spirituel concomitant qui nous fait mieux
connaitre, mieux servir et en fait mieux aimer l’Espace, la Terre, l’Humanité…
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