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dimanche 17 août 2014

Les deux cultures : réconcilier la science et les humanités (2)


Toujours la relecture estivale du Renard et le Hérisson de Stephen Jay Gould – et ensuite j’arrête - achetez-le, c’est un des livres majeurs de cet auteur sur un sujet qui lui est cher. Gould consacre un chapitre « Douceur et Lumière » à une œuvre méconnue de l’immense Jonathan Swift (1667-1745) : La bataille des livres ou Récit complet et véridique de la bataille livrée vendredi dernier entre les Livres Anciens et Modernes  à la bibliothèque Saint-James (Trd Monique Bégot, Rivages Poche, 2003). Mélangeant par inadvertance les ouvrages, le bibliothécaire fourra Descartes à côté d’Aristote ; le pauvre Platon se retrouva entre Hobbes et les Sept Sages ; et… la discorde devint extrêmement vive. Pour la suite, lire l’ouvrage…

Mais ce que Gould considère comme particulièrement intéressant et représentatif de la dichotomie entre les deux cultures (ici les Anciens et les Modernes, ceux qui croient au progrès et ceux qui n’y croient pas) mais aussi peut-être les scientifiques et les littéraires, c’est la fable par laquelle Swift débute son livre, l’araignée représentant les Modernes scientifiques, l’abeille les Anciens littérateurs. Disons tout de suite que Swift se situe du côté des Anciens et de l’abeille…avec humour et efficacité.

Donc l’abeille vient se prendre dans la toile de l’araignée qu’elle abime quelque peu. L’ »araignée, furieuse, l’attaque en ces termes : vous, partisans des Anciens, n’êtes que des créatures pitoyables et sans originalité qui ne créent tien par elles-mêmes et sont tout au plus capables de butiner les idées des Anciens (telles des fleurs dans les prés, les plus belles aussi bien que les orties). Nous, les Modernes, bâtissons une structure intellectuelle nouvelle à partir de notre génie et de nos découvertes. L’abeille, dit-elle «  est née sans aucune possession qui t’appartienne en propre, si ce n‘est une paire d’ailes et un pipeau. Ton moyen de subsistance est l’universel pillage de la nature ; tu maraudes dans champs et jardins, et, pour le plaisir de voler, tu dépouillerais une violette aussi aisément qu’une ortie. Alors que je suis un animal d’intérieur, pourvu d’une réserve inhérente à ma personne. Ce grand château (pour prouver mes progrès dans les mathématiques) a été construit de mes mains ; et tous mes matériaux sont extraits de ma personne »

Ce à quoi, l’abeille répond : « La question revient à ceci, savoir qui est la plus noble créature des deux, celle qui, par une contemplation paresseuse d’un périmètre de quatre pouces, par une orgueilleuse outrecuidance, se nourrissant et engendrant à partir d’elle-même, transforme tout en excréments et en venin pour finalement ne produire qu’un piège à mouche et une toile d’araignée ; ou bien celle qui par un champ d’action universel, par une longue quête, beaucoup d’étude pour juger vraiment des choses et être capable de discernement, rapporte du miel et de la cire…

Conclusion de Swift : « Quant à Nous, les Anciens, nous sommes satisfaits comme pour l’abeille, de ne prétendre à rien qui nous soit propre, en dehors de nos ailes et de notre voix , c’est-à-dire notre vol et notre langage. Pour le reste, tout ce que nous avons obtenu l’a été par un labeur incessant, en cherchant et en vagabondant dans tous les coins de la nature ; la différence, c’est qu’au lieu de saleté et de poison, nous avons préféré remplir nos ruches de miel et de cire, procurant ainsi au genre humain les deux choses les plus nobles qui soient : la douceur et la lumière. »

Swift, ou l’un des plus brillants polémistes – quel plaisir de le lire, quitte à le contredire ; la science aussi apporte douceur et lumière, non seulement au sens propre à travers le progrès matériel, mais aussi par un progrès intellectuel et spirituel concomitant qui nous fait mieux connaitre, mieux servir et en fait mieux aimer l’Espace, la Terre, l’Humanité…

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