Le nouveau cycle de la
remarquable émission de « sur les épaules de Darwin », de Jean Claude
Ameisen s’est ouvert par deux émission consacrées à l’épigénétique. A juste
raison : il s »agit là d’une nouvelle frontière de la biologie, qui
fait exploser un peu plus le dogme
central de la biologie et de l’évolution, celui d’une simple transmission d’information
par l’ADN, sans intervention du milieu et de la non-hérédité des caractères
acquis. Les modifications épigénétiques ne sont pas des mutations de l’ADN,
mais des modifications plus ou moins réversibles de la façon dont celui-ci est
utilisé – certains gênes pouvant être par exemple rendus inactifs ; ces
modifications peuvent être héréditaires, mêmes si elles ont moins définitives,
moins stables que des mutations. Avec la découverte, la compréhension et l’étude
de l’épigénétique, nous entrons dans la l’ére de la fin de la distinction
absolue entre inné et acquis, l’ére de l’étude des interactions entre les gênes
et l‘environnement.
Phénomènes
anciens, découvertes nouvelles et spectaculaires
A vrai dire l’épigénétique
était connue, présente sous nos yeux depuis longtemps. Ainsi, on sait bien que
toutes les cellules de notre corps ont le même ADN, pourtant elles l’expriment
(l’utilisent) différemment selon les tissus qu’elles forment. Les mécanismes
épigénétiques existaient donc, et un exemple connu depuis des millénaires nous
en montrait l’importance : dans une ruche, un même embryon d’abeille se
développera en reine ou en ouvrière selon la nourriture qu’il reçoit. Reines et
ouvrières ont le même ADN, la différence dans la manière dont elles l’utilisent
provient d’une « empreinte » embryonnaire différente liée à l’alimentation.
Les découvertes
nouvelles les plus impressionnantes,
expliquées par M. Ameisen concernent l’hérédité des modifications
épigénétique, leur mise en évidence chez les mammifères, la nature et la vérité
de leurs effets.
Ainsi, chez le vers Caenorhabditis
elegans, organisme modèle en biologie, une modification épigénétique permet un
allongement de la vie d’un tiers. Cette modification se transmet sur environ
trois générations, puis disparait. Des expériences menées chez la souris ces
dernières années sont encore plus impressionnantes. Ainsi des stresse de séparations vécus par des
souriceaux dans leur enfance se traduisent à l’état adulte par un comportement
plus agressif et des concentrations en neuromédiateurs différentes dans
certaines régions du cerveau ( l’hippocampe). Ces phénomènes sont transmis sur
au moins deux générations.
Plus étrange, car plus
artificiel, des souris conditionnées dans
leur enfance pour trouver désagréable l’odeur sucrée de l’acétophénone (ce qui
se traduit par un comportement d’immobilisation) transmettent cette aversion à
leurs descendants sur deux générations. Ainsi, des souris manifestent une
impression de « déjà senti » qui renvoie à une expérience vécue par leurs
grands parents…
Les modifications épigénétiques
peuvent se produire in utero. Ainsi, il existe des souris naturellement anxieuses.
Lorsqu’on implante chez ces souris un embryon de souris normales, les souris
qui naissent manifestent un comportement anxieux, et vice-versa. Ici, l’épigénétique
l’emporte sur le génétique, ou du moins l’influence, et, comme le fait remarquer
M. Ameisen, une mère porteuse ne fait pas que porter, mais transmet aussi. Dans
ce cas, la modification épigénétique est liée à la façon dont un gène
particulier, celui qui code les récepteurs glucocorticoïdes est activé ou réprimé.
Autre exemple, plus
pertinent concernant les maladies humaines : un régime saturé en graisse
chez une souris mâle induit un diabète chez ces descendants, au moins pour la
première génération.
Comme le disait le
grand Auguste (Comte évidemment : « les vivants sont de plus en plus
gouvernés par les morts… et, ce au-delà de ce que nous pensions, au-delà de la
simple génétique.
Un
nouveau domaine pour la médecine
L’homme a déjà été
confronté pour son malheur à l’épigénétique. On savait que la prise de distilbène,
un produit utilisé dans les années 50 à
70 pour empêcher les naissances prématurées, étaient atteint de malformation
des voies génitales, d’infertilité et d’un risque accru de cancer pour les
filles. Des malformations sont également observées (transmises) à la deuxième
génération. Le distilbène fait partie des perturbateurs endocriniens, et ce
type de composés, très répandu dans notre environnement, est possiblement
impliqué dans diverses maladies ou phénomènes (diabète, obésité, cancer, pubertés
précoces), et sans doute par des mécanismes épigénétiques.
De plus en plus de
mécanismes épigénétiques sont connue et des médicaments sont développés pour
agir sur ces cibles : méthylation de l’ADN, acétylation des histones ( ces
protéines qui entourent l’ADN et rendent les gênes plus ou moins accessibles, bromodomaines
des histones. Déjà des inhibiteurs d’histone déacétylase sont utilisés dans le
traitement de certains cancers. C’est tout un domaine de la thérapeutique qui s’ouvre,
et, bien plus encore, tout le domaine de l’interaction entre l’environnement et
le génome, avec notamment la compréhension de l’action des perturbateurs
endocriniens.
Au fait, où en est-on
pour la fixation d’un plan médicament en France et en Europe, pour le
financement de la recherche en un domaine, la santé, dont nous pouvons encore d’attendre
d’immenses progrès bénéfiques, et qui n’apparait trop souvent que comme une
charge… alors qu’il s’agit, par excellence, d’un investissement d’avenir –
surtout quand il touche à la génétique et à l’épigénétique ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Commentaires
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.