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dimanche 28 septembre 2014

Epigénétique, la nouvelle frontière de la biologie


Le nouveau cycle de la remarquable émission de « sur les épaules de Darwin », de Jean Claude Ameisen s’est ouvert par deux émission consacrées à l’épigénétique. A juste raison : il s »agit là d’une nouvelle frontière de la biologie, qui fait exploser un peu plus  le dogme central de la biologie et de l’évolution, celui d’une simple transmission d’information par l’ADN, sans intervention du milieu et de la non-hérédité des caractères acquis. Les modifications épigénétiques ne sont pas des mutations de l’ADN, mais des modifications plus ou moins réversibles de la façon dont celui-ci est utilisé – certains gênes pouvant être par exemple rendus inactifs ; ces modifications peuvent être héréditaires, mêmes si elles ont moins définitives, moins stables que des mutations. Avec la découverte, la compréhension et l’étude de l’épigénétique, nous entrons dans la l’ére de la fin de la distinction absolue entre inné et acquis, l’ére de l’étude des interactions entre les gênes et l‘environnement.

Phénomènes anciens, découvertes nouvelles et spectaculaires

A vrai dire l’épigénétique était connue, présente sous nos yeux depuis longtemps. Ainsi, on sait bien que toutes les cellules de notre corps ont le même ADN, pourtant elles l’expriment (l’utilisent) différemment selon les tissus qu’elles forment. Les mécanismes épigénétiques existaient donc, et un exemple connu depuis des millénaires nous en montrait l’importance : dans une ruche, un même embryon d’abeille se développera en reine ou en ouvrière selon la nourriture qu’il reçoit. Reines et ouvrières ont le même ADN, la différence dans la manière dont elles l’utilisent provient d’une « empreinte » embryonnaire différente liée à l’alimentation.

Les découvertes nouvelles les plus impressionnantes,  expliquées par M. Ameisen concernent l’hérédité des modifications épigénétique, leur mise en évidence chez les mammifères, la nature et la vérité de leurs effets.

Ainsi, chez le vers Caenorhabditis elegans, organisme modèle en biologie, une modification épigénétique permet un allongement de la vie d’un tiers. Cette modification se transmet sur environ trois générations, puis disparait. Des expériences menées chez la souris ces dernières années sont encore plus impressionnantes.  Ainsi des stresse de séparations vécus par des souriceaux dans leur enfance se traduisent à l’état adulte par un comportement plus agressif et des concentrations en neuromédiateurs différentes dans certaines régions du cerveau ( l’hippocampe). Ces phénomènes sont transmis sur au moins deux générations.

Plus étrange, car plus artificiel,  des souris conditionnées dans leur enfance pour trouver désagréable l’odeur sucrée de l’acétophénone (ce qui se traduit par un comportement d’immobilisation) transmettent cette aversion à leurs descendants sur deux générations. Ainsi, des souris manifestent une impression de « déjà senti » qui renvoie à une expérience vécue par leurs grands parents…

Les modifications épigénétiques peuvent se produire in utero. Ainsi, il existe des souris naturellement anxieuses. Lorsqu’on implante chez ces souris un embryon de souris normales, les souris qui naissent manifestent un comportement anxieux, et vice-versa. Ici, l’épigénétique l’emporte sur le génétique, ou du moins l’influence, et, comme le fait remarquer M. Ameisen, une mère porteuse ne fait pas que porter, mais transmet aussi. Dans ce cas, la modification épigénétique est liée à la façon dont un gène particulier, celui qui code les récepteurs glucocorticoïdes  est activé ou réprimé.

Autre exemple, plus pertinent concernant les maladies humaines : un régime saturé en graisse chez une souris mâle induit un diabète chez ces descendants, au moins pour la première génération.

Comme le disait le grand Auguste (Comte évidemment : « les vivants sont de plus en plus gouvernés par les morts… et, ce au-delà de ce que nous pensions, au-delà de la simple génétique.

Un nouveau domaine pour la médecine

L’homme a déjà été confronté pour son malheur à l’épigénétique. On savait que la prise de distilbène, un  produit utilisé dans les années 50 à 70 pour empêcher les naissances prématurées, étaient atteint de malformation des voies génitales, d’infertilité et d’un risque accru de cancer pour les filles. Des malformations sont également observées (transmises) à la deuxième génération. Le distilbène fait partie des perturbateurs endocriniens, et ce type de composés, très répandu dans notre environnement, est possiblement impliqué dans diverses maladies ou phénomènes (diabète, obésité, cancer, pubertés précoces), et sans doute par des mécanismes épigénétiques.

De plus en plus de mécanismes épigénétiques sont connue et des médicaments sont développés pour agir sur ces cibles : méthylation de l’ADN, acétylation des histones ( ces protéines qui entourent l’ADN et rendent les gênes plus ou moins accessibles, bromodomaines des histones. Déjà des inhibiteurs d’histone déacétylase sont utilisés dans le traitement de certains cancers. C’est tout un domaine de la thérapeutique qui s’ouvre, et, bien plus encore, tout le domaine de l’interaction entre l’environnement et le génome, avec notamment la compréhension de l’action des perturbateurs endocriniens.

Au fait, où en est-on pour la fixation d’un plan médicament en France et en Europe, pour le financement de la recherche en un domaine, la santé, dont nous pouvons encore d’attendre d’immenses progrès bénéfiques, et qui n’apparait trop souvent que comme une charge… alors qu’il s’agit, par excellence, d’un investissement d’avenir – surtout quand il touche à la génétique et à l’épigénétique ?

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