Le décryptage génétique du génome humain a constitué un exploit technologique,
mais certains se demandaient si ses promesses n’avaient pas été surévaluées, en
tous cas, elles tardaient à venir. Eh bien, aujourd’hui, la révolution du génome
humain est en route. En 2003, le premier génome humain est séquence après une
décennie d’efforts et 2.7 milliards de dollars. En 2014, la société
californienne Illumina, leader
mondial du séquençage avec un chiffre d’affaire de 1.4 milliards de dollars,
annonce la mise sur le marché d’un automate de dernière génération qui permet la lecture complète d’un génome pour 1000
dollars en quelques heures.
Cancer : le développement du criblage ADN va
permettre une accélération des recherches par la caractérisation des mutations
précises de l’ADN causant chaque cancer. Auparavant, les cancers étaient
soignés par des molécules toxiques pour toutes les cellules, mais davantage
concentrées par les cellules cancéreuses. De plus en plus de médicaments
(inhibiteurs de kinases) corrigent spécifiquement les conséquences des mutations
à l’origine des cancers et sont moins toxiques et plus efficaces. Pour bien les
utiliser, il faudra être capable de lire rapidement le génome
Maladies infectieuses : Le développement de souches
résistantes à tous les antibiotiques devient un vrai défi, extrêmement
inquiétant, au point que certains parlent d’un retour à une ère
pré-antibiotique. Le décryptage de l’ADN permettra de comprendre comment la
résistance apparait, de trouver de nouvelles cibles thérapeutiques, de donner
rapidement aux patients l’antibiotique le mieux adapté à leur infection, et la
rapidité peut être critique
Pharmacogénétique : De nombreux médicaments manquent d’efficacité
chez certains patients alors qu’ils sont parfaitement efficaces chez d’autres,
ou, au contraire, provoquent chez certains beaucoup plus d’effets secondaires
néfastes que chez les autres, sans que cela soit bien compris ou puisse être actuellement
prédit. C’est d’ailleurs pour cela qu’il faut bien avoir plusieurs médicaments
de même type, de « mee-too » que la revue Prescrire a beau à chaque fois condamner d’un radical et méprisant «
n’apporte rien de nouveau », alors que patients et médecins savent que ce
n’est pas vrai. Un exemple est l’anticoagulant ticlopidine, efficace et utilisé
depuis longtemps, et dont on vient de comprendre qu’il ne pouvait être efficace
chez certains patients qui ne le métabolisent pas. Le décryptage de l’ADN
apportera une véritable révolution thérapeutique : chaque médicament
pourra être, sera accompagné d’un test
génétique permettant de savoir s’il sera efficace et toléré. Et il n’y aura pas
moins de médicaments, mais davantage, mieux adaptés à chaque patients.
Médecine légale : les nouvelles techniques permettront d’augmenter
la sensibilité, la rapidité et la sureté des analyses ADN pour les enquêtes.
Les manipulations sont plus simples et n’exigent pas de purification clonales, sont moins sensibles
aux contaminations bactériennes etc. ; elles seront rapidement plus économiques que
les techniques existantes, en permettant notamment le remplacement de plusieurs
analyses par une seule. Elles permettent également d’en savoir davantage sur l’aspect
physique des suspect éventuels ( race, chevelure, couleur des yeux), et
peut-être à l’avenir d’obtenir un portrait robot du suspect à partir d’analyse
ADN – cela aurait été par exemple bien utile pour interrompre plus rapidement
la triste carrière de tueurs en séries comme celui de « l’est parisien». Des
victimes décédées inconnues pourront
être identifiées plus facilement.
Dépistage génétique : c’est l’aspect qui suscite le plus de
fantasme et de crainte, peut-être pas le plus important. D’ores et déjà, la
trisomie 21 (« mongolisme ») peut être dépistée par un test génétique,
sans les risques d’une amniocentèse, et c’est un progrès considérable. Ce sera
aussi le cas pour d’autres maladies ou malformations, ce qui permettra aux
parents d’exercer leur choix, possiblement dans certain cas de traiter in utero
ou juste après la naissance.
Reste que peu de maladies sont sous un déterminisme génétique aussi net.
Chaque individu pourra connaître son génome et diverses prédispositions ou
risques associés. Il reviendra aux pouvoirs publics de veiller sérieusement à
la qualité des informations diffusées et de sanctionner sévèrement les
marchands de peur. Ce sera aussi un nouveau rôle, vraiment essentiel, pour les
médecins que d’expliquer le sens des
informations ainsi générées, d’en indiquer les conséquences possibles et de
présenter et conseiller les conduites possibles les plus appropriées. Ce sera
un progrès considérable, permettant enfin, dans certains cas, une vraie
prévention.
Jay Flatley, le PDG d’Illumina présente ainsi la situation (Le Monde, 19 août 2014) : «
en 2010, j’ai fait analyser mon génome et appris que je souffrais d’une dizaine
de pathologies, et que j’aurais dû mourir des années auparavant…. Cette année,
j’ai appris que je risquais de mourir sur la table d’opération si l’on m’administrait
certain anesthésiques. C’est précieux de savoir cela ». La qualité et la
pertinence des informations ne cesseront de s’améliorer.
Certes des problèmes éthiques se poseront, mais il est difficile de
comprendre que plus d’information, si elles sont scientifiquement fondées, ne
constituent pas un progrès pour les citoyens, et pourquoi ceux-ci choisiraient-ils
d’en faire un usage néfaste. En France le Comité Nationale d’Ethique a déjà
tracé une voie assez claire, suggérant qu’on ne peut pas accepter une « interdiction de savoir », mais qu’il
faut aussi un « droit de ne pas savoir », chacun prenant, vis-à-vis
du dépistage génétique, une décision strictement individuelle, qui ne saurait
lui être imposer par personne ( notamment assurance, banque, organisme de
sécurité sociale, Etat…). En tout état de cause, l’interdiction actuelle en France
du dépistage génétique est stupide, inique, amorale et intenable. Par contre,
il reviendra certainement à l’Etat et à la communauté scientifique de veiller à
l’exactitude et à la loyauté des informations ;, et à sanctionner
sévèrement escrocs et marchands de peur. Ce sera un nouveau domaine, de
nouvelles responsabilités pour l’Agence du Médicament
En Angleterre, le gouvernement Cameron vient de lancer Genetics England – 400 millions de livre pour le décryptage
intégral du génome de 100.00 britanniques, dont 20.000 souffrant d’une maladie
héréditaire et 20.000 d’un cancer.
Et en France ? Ailleurs en
Europe ? On pourrait pas faire ça ensemble ?
La révolution génétique est vraiment
en marche, elle ne s’arrêtera pas, elle changera le monde , nos vies, nos
façons de penser, nos industries. Un bon
sujet de réflexion et de prospective pour le ministère du redressement
industriel, si nous en avons encore un ?
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